Chapitre 7

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Mon père m'attendait assis en tablier de cuisine sur le canapé en lisant Télérama.

« Ah, te voilà, on va pouvoir manger. Au fait, est-ce qu'Anthony est passé ? demanda-t-il l'air de rien.

- Oui, il a récupéré les outils.

- Parfait. Alors ?

- Alors quoi ?

- Je ne sais pas... Raconte-moi comment ça s'est passé ?

- Bien... »

Mon père n'était pas un confident et je n'éprouvais pas le besoin de lui raconter ma vie ou mes angoisses, raison pour laquelle j'avais aussi différé la discussion sur mon travail. Je préférais prendre conseil auprès de personnes plus pragmatiques et plus réalistes que lui. J'avais toujours eu l'impression depuis petite qu'il n'était pas comme tout le monde et qu'il vivait hors de la réalité. J'avais donc vite compris qu'il valait mieux me tourner vers l'extérieur pour exprimer le désarroi que j'avais ressenti face à ma mère et j'avais ainsi trouvé en ma maîtresse d'école une mère de substitution qui m'avait permis de me construire sans trop de dégâts malgré tout.

Je n'avais jamais parlé de ma mère à mon père, sachant qu'il n'était pas en mesure de comprendre car bien des choses auxquelles il refusait de se confronter l'en empêchaient. J'avais traversé une période où j'avais éprouvé de l'aigreur devant une telle obstination à maintenir l'apparence du bien malgré un chaos familial mais avec l'âge, cela m'était passé. Tout le monde n'avait pas l'occasion d'atteindre une certaine maturité psychologique. J'avais eu cette chance de pouvoir finir tant bien que mal, à force de séances de psy et de persévérance, par prendre du recul. Une chose était sûre, ça n'était pas grâce à mes parents que je m'en étais sortie mais bien à cause d'eux que j'avais eu tant de difficultés.

Je pensais que mon père avait évité de parler d'Anthony pour ne pas me froisser parce que je croyais qu'il était heureux en ménage, mais ça n'était pas ça. Il n'avait simplement pas voulu se mêler de mes affaires. Au petit air innocent qu'il avait affiché en me parlant de lui, il savait très bien qu'il était célibataire et faisait l'âne pour avoir du foin en cherchant à apprendre sans en avoir l'air si quelques atomes crochus seraient apparus entre nous.

Quitte à devoir parler d'un sujet qui fâche, je préférai opter pour le travail que parler de relations sentimentales.

« Au fait Papa, j'ai quelque chose à te dire... »

Il fallait toujours mieux prendre des pincettes pour annoncer une mauvaise nouvelle. D'autant que dans ce cas, je n'avais aucune bonne nouvelle à placer ni avant ni après. Mon père avait tendance à se mettre la rate au court-bouillon pou un rien, encore plus lorsqu'il s'agissait de mon avenir, quelque soit l'angle sous lequel on envisageait celui-ci. Il avait le don de paniquer si quelque chose venait contrarier les plans de sa petite fille chérie et il souffrait souvent plus que moi de certaines situations. Curieusement, il avait toujours ignoré le mal profond que m'avait fait ma mère mais se rongeait les sangs si une perturbation mineure se produisait. Le déni de la réalité dans toute sa splendeur.

« Oui, qu'est-ce-qu'il y a ma fille ? »

Je m'assis et commençai à manger. Mon père avait préchauffé les assiettes au four, c'était à la parfaite température.

« Mmmm, c'est délicieux. Je cuisine bien, non ? »

Mon père rit.

« Oui, tu es parfaite, bonne à marier ! Alors, qu'est-ce que tu voulais me dire ?

- Oh, rien de grave... C'est juste qu'il va falloir que je cherche autre chose niveau boulot.

- Ah oui ? Tu en as marre de ton job ?

À la recherche de l'homme perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant