Je me levai et me dirigeai vers la sortie. J'avais eu ma dose de nouveauté et de pratique théâtrale pour aujourd'hui. Je récupérai Jentil et allai déposer ma vaisselle dans l'évier de la cuisine. Je lui mis sa laisse et l'emmenai prendre un bol d'air. Dès que nous sortions, il était toujours pressé de trouver de nouvelles odeurs à renifler et partait à l'affût la truffe au vent, me tirant derrière lui et me forçant à accélérer le pas.
La journée touchait à sa fin et le soleil commençait à tomber sur l'horizon. Nous descendîmes le long de l'allée et je passai en revue les choses qui me restaient à faire. Il me fallait faire mon sac, un shampoing, retrouver Maïra pour qu'elle me montre ses produits et saluer tout le monde. Je n'avais plus faim, je ne mangerais pas au dîner et je n'avais pas non plus envie de trinquer à mon départ car je n'aimais pas les adieux. Je savais que pour Maïra, Fabricio et Augustine, il ne s'agissait que d'un au revoir, mais je ne reverrais plus Célestin ni les sœurs et ça me rendait triste. J'avais beau ne pas ignorer l'adage qui disait que si les yeux s'éloignaient le cœur aussi, me connaissant, le temps prendrait le sien pour faire son œuvre. Une fois arrivés à la grille, nous fîmes demi-tour et repartîmes vers le couvent. Je retrouvai des petits groupes de bénévoles éparpillés dans le couloir de Maïra, que j'allai chercher après avoir ramené Jentil à sa niche. Je lui demandai de me montrer ses produits si elle était toujours d'accord. Fabricio, qui était encore collé à elle, ne fut une fois de plus pas très conciliant. Depuis cet après-midi, j'avais vraiment l'impression de l'insupporter.
Mais comme je partais et que Maïra était ravie de me faire l'étalage du contenu de son vanity, Fabricio dut se contenter de rester accoudé à la fenêtre de la chambre pendant que nous devisions entre filles. Prétextant de devoir se faire un peu de place pour les nouvelles crèmes qu'elle allait recevoir, elle me fit cadeau de quelques produits. Devant les soupirs répétés de Fabricio, que les principes actifs du dernier anti-rides ne passionnaient pas, je décidai d'abréger et de prendre congé pour aller faire mon sac. Je remerciai chaleureusement Maïra, lui laissai mon mail et leur rendis leur intimité.
De retour dans ma chambre, je m'allongeai sur mon lit. Autant les départs en vacances étaient toujours exaltants, autant les retours me donnaient immanquablement le cafard. Je regrettai la pleutrerie qui m'avait poussée à choisir la version courte du séjour. Quand il s'agissait de me retrouver dans un nouvel environnement, je devenais assez prudente. Je ne faisais pas partie de ces têtes brûlées intrépides qui fonçaient vent du cul dans la plaine en quête de folles tribulations.
J'étais plutôt réfléchie et j'aimais évaluer les risques avant de me lancer dans un nouveau projet. Mais cette manie qui m'avait bien servie jusque-là me mettait aujourd'hui au regret. Ils allaient tous continuer à s'amuser sans moi et j'allais disparaître de leurs mémoires plus vite qu'une goutte d'eau s'évaporait dans le désert de l'Atacama. J'aurais aimé leur laisser un bon souvenir, mais il n'en serait sûrement rien.
Plus je ressassais mon départ avec amertume, moins j'avais envie de faire mon sac. Je passai en revue les cosmétiques que m'avait donnés Maïra. Un gommage pour le visage, une crème hydratante et matifiante, des patchs pour enlever les points noirs, une eau micellaire et un vernis à ongles nude. Je décidai de noyer mon coup de blues en me donnant un coup d'éclat avant de partir. J'allai au lavabo, me lavai et fis mon shampoing.
Une fois mes cheveux peignés, je les nouai en queue de cheval. Le miroir, piqué par l'humidité accumulée au fil des ans, me renvoya une image peu glorieuse. J'avais beau avoir le teint plus halé qu'en arrivant et quelques kilos en moins, j'avais l'air éteinte. Je me mouillai le visage, étalai une couche de gommage et commençai à frotter en petits cercles. Je me concentrai pour ne pas passer à côté du moindre centimètre carré de peau, tout en me demandant si j'allais dire au revoir à ceux que je ne connaissais que de loin comme Max.
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À la recherche de l'homme perdu
RomanceGala, dynamique jeune célibataire de trente ans, fait un point sur sa vie. Entre une boîte dans laquelle elle ne s'épanouit pas et son célibat qui s'éternise, elle s'interroge de plus en plus. Ce jour-là, en partant au bureau, elle est loin de s'ima...