Chapitre 11 : Retour inaccessible (Partie 1)

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Après que le roi eut quitté la chambre, je m'empressai de remettre les couvertures en place et d'assagir mes cheveux. Saen restait les bras ballants, ne sachant comment se comporter. Je devais vraiment être épuisé hier soir pour avoir dormi avec ce monstre ! 

Les évènements de la nuit passée me revenaient alors en mémoire et en particulier notre conversation plus que déstabilisante. Je dévisageais alors Saen, me demandant si son histoire était aussi déchirante que l'avait raconté le roi. Pour une fois, mes pouvoirs auraient pu se montrer utiles et éclaircir mes questions.

Saen secoua la tête et se mit à me dévisager également, les joues encore rouges.

- Vous allez bien ? me demanda-t-il soudainement,

- C'est quoi cette question, rétorquai-je en fronçant les sourcils, évidemment que je vais bien.

- A....- Ah bon ? Pourtant le roi est réputé pour ne pas ménager ses partenaires...

Ses partenaires ? Mais de quoi parlait-il ?

- Qu'est-ce qu'il te prend ? C'est quoi cette histoire de partenaires ? demandai-je en m'installant devant mon petit-déjeuner.

Saen s'assit en face de moi et me regarda, surpris. Je mordais dans du pain fourré au sucre lorsque le garde continua :

- Et bien... avant de quitter la chambre le roi m'a dit de prendre soin de vous, que vous auriez du mal à marcher et j'ai supposé que... que... Eh bien, vous savez !

- Non, je ne sais pas, répondis-je perdu, pourquoi aurais-je du mal à marcher ? C'est ridicule.

- Vous n'avez pas fait l'amour ? C'est pourtant ce que le roi a laissé entendre ! lâcha-t-il les yeux grands ouverts.

Je m'étouffais, abasourdi par les paroles de Saen. Inquiet, il me proposait un verre d'eau que j'acceptai avec joie et m'empressai de boire.

- Il a dit quoi ?! m'écriai-je

Saen sursauta et s'empressa de quitter la chambre. Il s'était... enfuit ?! Je soupirais et finissais mon repas, tentant désespérément d'oublier cette conversation.

                                                                                                    *

                                                                                         *                      *

Une heure plus tard, je m'étais lavé, habillé et coiffé. J'avais passé du temps sur ma toilette, distrayant mon cerveau de la Faucheuse et ses propos. Malheureusement, rien n'y changeait : je ne cessais de repenser à ses aveux.

Je me sentais perdu, je faisais confiance aux Dieux et à présent... je ne savais plus quoi penser. Je ne doutais plus un seul instant de la véracité de ses propos, remettant en doute ces innombrables années où je pensais que l'idéologie des Dieux avait pour devise « Justice ».

Je ruminais depuis une trentaine de minutes lorsque l'on toqua à ma porte. Gabriel entra, étrangement calme.

- Suis-moi l'humain, ordonna-t-il.

Étant donné le visage qu'il arborait, il s'agissait de quelque chose d'important. Troublé, je le suivis dans les couloirs du palais sans poser de questions jusqu'à ce que nous atteignions une étrange salle dans laquelle je n'avais jusqu'à présent jamais mis les pieds. Les murs étaient hauts, couvert d'innombrables gravures et symboles, le sol était parsemé d'objets en tout genre rangés dans un désordre ingénieux et au centre, un pentagramme avait été tracé. Cette magie était interdite, si les Dieux savaient que les pentagrammes étaient utilisés ici bas, la rage s'empareraient d'eux.

Je me retournais sur Gabriel et le dévisageais, comptait-il effectuer un étrange rituel en pensant que j'étais un humain ? Allait-il me tuer ? J'étais un ange ! Je ne pouvais pas mourir une seconde fois et sans mes ailes ! J'ouvrais la bouche pour m'exclamer mais le rouquin me devança :

- Tu vas rentrer chez toi l'humain. Maintenant.

Pardon ? Les mots me manquaient, que devais-je lui répondre ? Je ne pouvais partir maintenant ! Pas temps que les Dieux n'avaient pas mis un terme à la mission. S'il me renvoyait dans le monde des humains, serais-je ne serait-ce que capable de retourner chez les anges ? Le risque que je me retrouve coincé dans le monde des mortels était bien trop grand.

- Estime-toi heureux que le roi des Enfers ne soit pas celui que vous autres les humains pense qu'il est.

C'était quoi cette phrase alambiquée, que voulait-il dire par là ?

- Je ne peux pas retourner dans le monde des humains, dis-je d'un ton sans appel.

- Pourquoi ? demanda Gabriel sans prendre la peine de me regarder,

- Les Hommes m'ont envoyé ici pour une bonne raison, si je retourne dans le monde des humains, je serai un paria pour le restant de mes jours.

Un rire sarcastique s'échappa de la gorge du démon.

- Tu as la possibilité de vivre et tu choisis les Enfers ? Les gens dans ton genre, qui ne réalisent pas la chance qu'ils ont d'avoir un cœur qui bat, je les hais par-dessus tout.

Le damné s'affairait dans la paperasse, son visage m'était inaccessible mais je devinais au son de sa voix la colère qui le rongeait. Sa rancune n'était pas dirigée vers moi en particulier, mais je ressentais malgré tout ma gorge se serrer légèrement. La culpabilité. Pourquoi ? Tout simplement parce que j'avais joui d'une vie tranquille malgré ma jeunesse tumultueuse et que j'avais goûté au plaisir du paradis, alors que lui errait dans les Enfers à cause d'une injustice.

Je ne répondis rien. Plusieurs minutes s'écoulèrent en silence tandis que le démon finissait d'installer je ne sais quoi d'instruments. 

Au bout d'un certain temps, il se retourna vers moi et d'un geste, il m'indiqua le centre de la pièce. Si je refusais de me soumettre au sortilège, je courais le risque de trahir ma couverture. Après tout, quel humain sain d'esprit refuserait de quitter les Enfers ? 

Réprimant un soupir, je m'exécutais et priais de toutes mes forces pour que la magie échoue.

Gabriel se recula, ouvrit un livre et me dévisagea pendant quelques instants. Je lui rendis son regard.

- Ravi de t'avoir connu l'humain, bien qu'une offrande plus agréable aurait été la bienvenue, me taquina-t-il dans un sourire.

Malgré moi, malgré la situation et malgré cette nuisance sonore, un mince sourire se dessina sur mon visage à la remarque de Gabriel et je rétorquai :

- Et moi qui espérais devenir le meilleur ami des démons.

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Gabriel a oublié de dire au-revoir de la part du roi.

Jvm,

- Damcé

Légende de FaucheuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant