Chapitre 8 : Culpabilité

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            Il était deux heures du matin, j'avais écrit un nouveau rapport où j'y dénonçais la quantité astronomique de magie que le roi utilisait, ainsi que tous les avantages dont disposaient les damnés. 

Épuisé, je m'étais effondré dans mon lit sans prendre la peine de fermer les rideaux. Les lumières des Enfers passaient à travers les vitres et créaient une ambiance étrange à la pièce. Une ambiance de pleine lune, sauf qu'il n'y avait aucune trace de l'astre. Malgré ma fatigue, je restais éveillé, les souvenirs de l'affrontement me revenaient en mémoire et je ne pouvais m'empêcher d'en vouloir plus. Je n'en revenais toujours pas que la magie entière du royaume découlait de l'énergie du roi. S'il possédait une telle puissance, alors son niveau égalait largement celui des Dieux, peut-être même surpassait. Je me demandais où il avait pu acquérir une telle force lorsqu'un bruit me sorti de mes pensées.

Le grincement de ma porte qui s'ouvrait. Je me redressai dans mon lit pour apercevoir le roi, tout sourire entrer dans ma chambre comme une fleur. La soirée avait eu pour effet de complètement le décoincer. S'approchant de moi, il s'effondra dans les draps. Je restais muet, bien trop interloqué pour réaliser ce qu'il se passait. Je ne lui avais à peine adressé la parole depuis bientôt trois semaines et voilà qu'il se jetait littéralement dans mon lit ! S'il n'était pas le roi des démons et moi un humain, j'aurai trouvé cette situation plutôt ambiguë. En fait... elle était définitivement ambiguë. Je n'osais esquisser le moindre mouvement, et lui me dévisageait entre ses longs cils pâles.

- Tu as aimé ? demanda-t-il d'une voix douce en faisant référence au combat,

- C'était magnifique, répondis-je sans réfléchir, avant de me m'en mordre les lèvres.

Je me détournais de lui et du sourire charmant qui était apparu sur son visage. Qu'est-ce qui lui prenait tout à coup ? Et pourquoi je ne le renvoyais pas dans sa chambre, après tout je le détestais... Une question me venait alors à l'esprit et l'état dans lequel il se trouvait lui délierait peut-être un peu la langue.

- Pourquoi ne pas infliger aux damnés la souffrance qu'ils méritent ? demandai-je sans oser me retourner.

Les draps se froissèrent, il se redressait, puis, plus rien. Un silence s'installa entre nous et pour rien au monde je n'aurai pris le risque de le rompre.

- Saen fut condamné aux Enfers pour avoir tenté de tuer un demi-dieu. Un demi-dieu qui avait violé et tué son unique sœur. Et ce demi-dieu a vécu paisiblement. Il est à présent au paradis, capable de se réincarner ou devenir un ange. Alors que Saen croupit en Enfer, avec pour unique pensée le visage de sa sœur. 

Pardon ?  

- C'est ridicule, protestai-je, les dieux n'accepteraient jamais une chose pareille !

Je me retournais vivement vers le roi, cherchant une trace de mensonge sur son visage. Je n'y vis que de la sincérité, et une profonde tristesse qui ne quittait jamais tout à fait ses traits.

- Gabriel fut condamné aux Enfers pour avoir osé fréquenter un ange. Il était destiné à une souffrance éternelle pour un amour passionnel si je n'avais pas agi. L'ange est toujours en vie, bien que détruit. Voilà pourquoi Gabriel se rend régulièrement au Paradis malgré toute la haine qu'il éprouve envers ces gens qui ont détruit sa vie, dans l'espoir de ne serait-ce que d'apercevoir son ange. 

Je restais muet. Ces déclarations me paraissaient impossibles et pourtant, je ne voyais ni Gabriel ni Saen faire du mal intentionnellement alors malgré moi, je percevais la triste vérité de ses propos. Mon cœur se comprima, j'avais honte d'avoir jugé ces deux démons sans même les connaître véritablement. Le roi me dévisageait de ses yeux sombres, comme s'il attendait quelque chose de moi en particulier.

Légende de FaucheuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant