La rumeur disait que j'avais moi-même ordonné à Cerbère de protéger mon offrande, mais il n'en était rien. Cette créature était bien trop têtue et fière pour obéir à qui que ce soit et je n'échappais pas à la règle. Elle faisait ce qu'elle voulait, quand elle le souhaitait. Alors j'en étais venu à la conclusion que Cerbère appréciait tout simplement la compagnie de l'ange.
Un autre détail avait changé depuis ce jour-là : Gabriel et Aaron. Premièrement, ils se disputaient moins. Enfin... Aaron n'était plus sur le point d'arracher la tête du damné toutes les deux secondes et c'était un véritable exploit. Deuxièmement, je les surprenais plusieurs fois en grande conversation dans la chambre de l'ange, et chaque fois que j'arrivais, ils cessaient immédiatement de parler. Cette habitude commençait à me taper sur les nerfs. Depuis quand étaient-ils si proches ? Enfin, ils s'échangeaient des regards soucieux, comme s'ils s'inquiétaient l'un pour l'autre et dans ces moments-là, je ne souhaitais qu'une seule chose, jeter Gabriel dehors. Et garder l'offrande, évidemment. Après tout, j'avais besoin de lui.
Le soleil se couchait sur la terre des Hommes. Ici, en Enfer, je changeais doucement la lueur de mes flammes afin d'imiter la nuit qui régnait à présent. Toute la matinée je m'étais affairé à organiser un banquet pour le lendemain. J'avais ensuite renforcé l'illusion qui protégeait les Enfers, ainsi que tous les boucliers et sortilèges, puis j'avais passé le reste de ma journée à m'entraîner, augmenter la puissance de ma magie et à apprendre de nouveaux sortilèges.
Je n'avais pas réessayé de pratiquer la magie angélique, elle était bien trop liée aux émotions à mon goût et je n'avais tout simplement pas de patience.
Après cette longue journée, j'étais épuisé et décidais de passer le reste de la soirée en compagnie de l'offrande, en espérant que Gabriel, Saen ou Cerbère ne soient pas dans mes pattes. Je ne me rendais pas auprès d'Aaron parce que j'appréciais sa compagnie, simplement, nous devions... élaborer une stratégie. Voilà, c'était cela : je me rendais dans ses quartiers pour élaborer une stratégie. Une stratégie.
Faisant un saut par les cuisines du palais, j'emportais de nombreux plats afin de satisfaire la gourmandise de l'ange et me dirigeais à présent vers ses quartiers.
Sur le chemin, je me répétais le même mot, persuadé que de cette façon je finirais par me convaincre moi-même que je n'allais pas le voir simplement parce que j'en avais envie.
Stratégie.
Les couloirs changeaient.
Stratégie.
Je montais les escaliers.
Stratégie.
Je traversais le corridor.
Stratégie.
J'étais face à la porte.
Stratégie.
J'ouvrais les battants sans prendre la peine de toquer, après tout, j'étais chez moi. Et quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvrais Gabriel en grande discussion avec Aaron allongé sur le flanc de Cerbère.
- Stratégie bon sang ! m'énervai-je en entrant dans la chambre et en claquant la porte d'un coup de pied.
Mon entrée fracassante et légèrement intrusive les surprenant, ils relevèrent subitement leur tête et cessèrent leurs chuchotements.
- Stratégie bon sang ? De quoi parlez-vous ? s'étonna Aaron en se redressant.
- Si même le roi commence à perdre la tête nous sommes tous fichus, assura Gabriel en hochant la tête vigoureusement.
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Légende de Faucheuse
Paranormal" Ils m'appellent le dévoreur d'âme, la faucheuse, la mort. Je suis le monstre dont ils ont besoin. Et lui ? Lui n'est qu'un humain pathétique, une offrande vouée à m'adoucir. " Le Roi des Enfers et une Offrande, un damné aux cheveux flamboyants et...