Chapitre 17 : Cerbère

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- Où allons-nous ? râlai-je, j'ai faim !

- Un peu de patience l'Offrande, nous y sommes presque ! Cela va te plaire, je te le promets !

J'étouffais un juron et rattrapais mon retard sur Gabriel. Il m'avait réveillé tôt ce matin, m'assommant de son débit de paroles fulgurant.
Je m'étais montré plus que récalcitrant et il avait dû me tirer du lit, littéralement, afin de me trainer à travers les couloirs du palais.

Nous n'avions croisé personne, en même temps, qui se levait à cinq heures du matin ? Ce damné apparemment...
Je poussais un soupir et cela ne faisait qu'alimenter le sourire étincelant du rouquin.

- Dis Gabriel, demandai-je soudainement,

- Hum ?

- Pourquoi as-tu accepté aussi facilement le fait que je sois un ange ? Pourquoi me fais-tu confiance ? Tu admettras que c'est étrange tout de même.

Haussant les épaules, il me répondit :

- Je ne suis pas stupide, les humains n'envoient jamais l'un des leurs en offrande. J'ai toujours eu des doutes. Et je ne te fais pas confiance, je fais confiance au roi, nuance.

- Je vois.

- Dis, je me demandais...

Voyant qu'il ne finissait pas sa phrase, je le dévisageais :

- Oui ?

- Aurais-tu déjà croisé par hasard...

Il mettait du temps à finir sa phrase, lui qui parlait si vite d'habitude.

...non rien, laisse tomber.

J'haussais un sourcil témoignant de mon incompréhension mais ne répondais rien.

Nous traversions à présent les fameux jardins du palais, également vides. Arrivés à la lisière des bosquets, je m'interrogeais : pourquoi m'emmenait-il dans un lieu complètement désert ?
Malheureusement, à cinq heures du matin, mon instinct de survie n'était pas fonctionnel aussi je ne me posais pas plus de questions et restais aux côtés du damné.

Ce dernier se tourna vers moi et d'un geste de la main, il fit apparaitre une porte. Une simple porte qui ne donnait sur rien.

- Les Anges d'abord, ironisa Gabriel.

Haussant les sourcils, j'ouvrais les battants et pénétrais les lieux. La première fois que j'avais découvert les véritables Enfers, ma surprise avait été telle que jamais je n'aurai pensé être capable de ressentir un ébahissement plus puissant. Et pourtant, ma réaction prouvait le contraire.

Devant moi s'étendait une verdure à perte de vue. Dans ce paradis vert résonnaient les gazouillements d'étranges créatures. Le parfum agréable de l'herbe après une tempête emplissait mes narines et la mousse qui tapissait les roches semblait d'une douceur inégalable. À quelques pas de nous, un petit lac reflétait les lumières bleutées des créatures et leur offrait ainsi un lieu où se désaltérer.

Je m'avançais parmi cette nature sauvage et fantastique. Les bêtes dressaient leur museau sur mon passage et me guettaient de leurs yeux étincelants emplis d'intelligence. J'avais l'impression de fouler une terre sacrée.

Une fois que j'eus atteint l'eau scintillante, chaque créature présente dirigea son attention vers moi. Mais cela n'avait rien d'inquiétant, au contraire, le calme qui régnait dans leurs pupilles m'apaisait.

Des remous à la surface de l'eau me signalèrent l'arrivée d'une créature marine.  Et bientôt, deux oreilles pointues naquirent, suivies d'une gueule de chien dont le cou était strié de branchies et enfin, d'un corps puissant de canidé.
L'animal s'avança jusqu'à ma hauteur, ses yeux jaunes trahissaient de la curiosité et il huma l'air environnant.

Légende de FaucheuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant