Chapitre 6 : Bienvenue en Enfer

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Trois semaines s'étaient écoulées depuis l'incident avec le damné dans l'immense salle dont j'avais appris le nom plus tard : Le Gouffre. Une appellation plutôt réaliste étant donné la profondeur jusque laquelle cette pièce s'enfonçait. Je n'avais pas échangé un seul mot avec le roi à la suite de notre échange ce jour-là, sa vision du monde m'avait répugnée et la simple idée de lui parler m'horripilait.

Mon premier rapport avait été envoyé il y a maintenant quelques jours, j'y dénonçais l'absence des châtiments que devaient normalement subir les damnés mais également la façon dont le roi méprisait les vies humaines et manquait de respect aux Dieux. J'étais satisfait, pensant que j'avais fait-là une bonne action et qu'ainsi, les grands dirigeants prendraient des mesures afin de contrer les agissements puérils de ce roi.

En revanche Gabriel n'avait cessé d'aller et venir, je doutais fort qu'il eût remarqué l'immense fossé... non, le ravin entre le roi et moi puisque comme à son habitude, il ne cessait de jacasser. Mais j'avais fini par m'habituer à sa présence. Il n'était plus une cacophonie ambulante et insupportable, mais une désagréable nuisance sonore.

Le roi avait cessé de m'emmener aux réunions pour je-ne-sais quelle raison et j'avais passé le plus clair de mon temps en compagnie d'un dénommé Saen, mon garde attitré. Il s'était révélé plutôt amusant pour un damné, et mon sang ne semblait absolument pas l'attirer. Il était même plutôt mignon, avec ses cheveux châtains et son teint hâlé. Néanmoins, il restait un damné et les raisons pour lesquelles il se trouvait en Enfer n'étaient sûrement pas à négliger. Je me demandais parfois quels étaient ses crimes, il était d'une nature si douce et gentille que l'imaginer faire du mal m'était difficile. De même pour Gabriel, il avait beau être insupportable, il n'était pas méchant. Mais comme les Anges me le répétaient si souvent, les damnés sont vils comme des serpents et cachent leur véritable nature. Je ne devais pas me fier aux apparences.

J'étais en train de prendre mon petit-déjeuner dans ma chambre lorsque Saen entra soudainement

-       Dépêche-toi d'aller t'habiller l'Offrande ! Je t'attends dans le couloir, puis il repartit aussi vite qu'il était venu.

D'habitude Saen me laissait la matinée de libre pour me reposer, m'emmenait-il quelque part ? Sans doute aurais-je l'occasion d'en apprendre davantage sur les enfers et parfaire mon prochain rapport. En troisième vitesse, j'enfilais la tenue que le roi m'avait donnée le premier jour et je rejoignais Saen aussitôt, sentant l'excitation poindre dans mon ventre... jusqu'à ce que j'aperçoive cette désagréable nuisance sonore aux côtés du garde. Je le dévisageais, ne cachant pas ma déception, ce qui fit rire Saen et râler Gabriel.

-       Tu es là toi ? lui dis-je

-       Évidemment ! Toujours là pour te tenir compagnie mon humain chéri, répondit-il

-       Où allons-nous ? m'enquerrai-je en ignorant la remarque de Gabriel

Les deux damnés se regardèrent, les yeux surexcités. Et Saen me répondit, un sourire étincelant sur le visage :

-       C'est une surprise ! Une surprise du roi lui-même, c'est son idée de te faire venir là-bas !

-       Là-bas ? je la sentais mal cette surprise, là-bas où ? m'inquiétai-je

-       Une surprise est une surprise ! s'écria Saen

-       Fais nous confiance ! continua Gabriel.

Je failli rire à cette blague de la part du rouquin, avant de réaliser qu'il était tout à fait sérieux.

Ce dernier ouvrit un portail qui donnait sur une porte aussi imposante qu'effrayante. Entièrement faite de métal, des torches avaient été installées par rangées et des pics semblables à la gueule d'un canidé menaçaient les arrivants.

Légende de FaucheuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant