Chapitre 5 : Assassin

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            Tandis que l'humain se gavait de nourriture et que Gabriel le noyait de paroles inutiles, j'entreprenais de continuer d'étudier mon livre de magie. Une troisième solution pour sortir l'Offrande de ce mauvais pas s'était ouverte à moi : la magie divine. Je savais qu'en l'étudiant simplement je courais un risque, les Dieux étaient particulièrement susceptibles à ce sujet et la dernière fois que j'avais usé de leur magie, j'avais été condamné aux Enfers pour l'éternité.

Quoiqu'il en soit, j'étais doué et je ne doutais pas un seul instant que si je prenais toutes les précautions nécessaires, les Dieux n'en sauraient jamais rien. Ainsi, depuis que l'humain s'était réveillé, je m'étais plongé dans l'étude de cette magie si complexe. Elle était tout simplement fascinante, les sortilèges étaient par milliers, les runes centaines et les dix incantations divines étaient également retranscrites. Les dieux n'auraient jamais dû donner cet exemplaire au précédent roi des Enfers, il était évident que je le retrouverais aisément.

J'étais absorbé dans un sortilège complexe qui permettait de vider un humain de son sang en un temps record sans même se salir les mains lorsque l'Offrande m'interpella, la mine agacée.

- Vous ne mangez pas ? demanda-t-il,

- Jamais ! répondit Gabriel, ce qui est étrange puisque même les damnés se nourrissent, bien moins que les humains évidemment et encore moins que les anges, de vrais voraces ceux-là ! Parfois je me demande si toute la nourriture qu'ils mangent ne se transforme pas en humains, ce serait peut-être pour cela qu'ils sont toujours plus nombreux ! les anges devraient cesser de manger autant, surtout que-

- C'est bon, c'est bon, les anges sont responsables de la surpopulation et leur sang est délicieux ! J'ai compris, tu n'as rien d'autre à faire par hasard ? Comme aller discuter des nouveaux potins avec Gérard un ou Gérard deux ? le coupa l'Offrande, exaspéré de ces élucubrations.

Je ne pus réprimer un sourire face au désespoir de l'humain.

- À plus tard Votre Altesse, me dit Gabriel, et bonne chance avec cet humain exécrable, impossible de faire la conversation avec lui ! lança-t-il en s'éloignant vivement

Mon sourire s'élargit à la vue de l'indignation apparaissant sur les traits de l'Offrande. Je décidais de poser mon livre et de le taquiner un peu, pour m'amuser. Il était plutôt divertissant malgré tous les problèmes qu'il amenait. Voyant qu'il avait toute mon attention, l'humain me devança et dit :

- Est-elle morte ? en faisant référence au damné qui l'avait attaqué quelques instants plus tôt

Mon sourire s'évanouissait alors. Non, elle n'était pas morte puisqu'elle n'était déjà pas vivante initialement, je l'avais simplement rendu inapte à faire quoi que ce soit pendant plusieurs semaines. J'avais beau être manipulateur, cruel ou arrogant, je n'étais pas un assassin. Mais ce détail, les humains, ainsi que les dieux, avaient tendance à l'oublier dans leurs propres intérêts. 

- Pourquoi ? N'a-t-elle pas tenté de te tuer elle aussi ? Elle mérite ce qui lui arrive, répondis-je

- Personne ne mérite la mort, et les plus grands criminels méritent au contraire une vie éternelle pour ressasser continuellement leur sombre passé, dit-il en me lançant un coup appuyé.

Alors lui aussi pensait que je méritais mon destin.

- Eh bien je suppose que les Dieux ont bien fait de me condamner aux Enfers pour l'éternité ! Mes crimes sont impardonnables, répliquai-je un sourire aux lèvres.

J'avais beau arborer une attitude décontractée au fond je me sentais... seul. Quelques fois, j'espérais simplement que quelqu'un m'écoute et me croit. Cette envie, je l'avais mise de côté il y a des années, j'avais réalisé bien vite que le bon avait toujours le dernier mot et changer mon image auprès d'une seule personne n'aurait pas changé grand-chose à ma situation.

L'humain me regardait avec une mine dégoûtée.

- Alors vous avez réellement assassiné presque un pays entier pour votre simple plaisir ? Comme la légende le raconte ? demanda-t-il horrifié

Ah, la légende. Cette fable inventée de toute part afin de dissimuler la vérité.

- Les légendes ne s'inventent pas si facilement, répondis-je automatiquement comme si je répétais un texte, une trace de vérité doit bien exister pour qu'un tel mythe soit né n'est-ce pas ?

- Vous avez tué mes parents, lâcha-t-il dans un souffle

Ses parents ? J'étais moi-même sans doute déjà mort lorsque ses parents n'étaient pas encore nés.

- Ah oui ? Tu sais, j'ai tué tellement de monde que si je me souvenais de chacune de mes victimes, je n'aurai plus le temps de penser à mes propres soucis.

Sa mâchoire se crispa et son regard se fit menaçant, presque dangereux.

- Et comment les ai-je tués, pourrais-tu me le rappeler je te prie ? demandai-je en enfonçant le couteau dans la plaie.

J'étais déçu qu'il me considère comme un assassin, qu'il fasse confiance à une stupide légende, mais j'aurai dû m'y attendre. Les humains, les Dieux, les Anges et même certains damnés, ils étaient tous les mêmes. Je me décidais alors de me parfaire dans mon rôle et de ressasser ces souvenirs qui semblaient douloureux pour lui.

- Vos prêtres, les stupides prêtres que vous avez engagé sur terre pour perpétuer la violence. Vous souvenez-vous d'eux ? L'Ordre démoniaque, c'est ainsi qu'on les appelle.

L'Ordre démoniaque ?

- Ces hommes violents ont fait des ravages dans les villes, sous votre commandement ! Vous leur avez ordonné d'assassiner pour votre propre plaisir ! Même mort vous continuez à faire souffrir les gens.

En voulant le blesser, il m'avait meurtri. Même mort j'apportais souffrance dans le monde des hommes. Je ne savais pas quoi lui répondre, lui dire que tout n'était que mensonges ? Que jamais je n'avais communiqué avec ces criminels ? Qu'ils ne se servaient que de mon statut pour commettre leurs méfaits ? Il paraissait si convaincu de ce qu'il avançait, jamais il ne me croirait. À la place, d'horribles paroles s'échappèrent de mes lèvres sans même passer par mon cerveau.

- Et que penses-tu que cela me fasse ? Le destin de ces misérables ne m'importe peu, qu'ils vivent, souffrent ou meurent, rien ne changera pour moi. Rien ne changera jamais.

Et je ne m'attendais pas à ce que quoi que ce soit change, j'avais perdu espoir il y a longtemps. 


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Le roi me fait de la peine. 

Jvm,

- Damcé 

PS : J'avais dis que je posterai tous les mercredi, mais je ne peux pas m'en empêcher... désolée, donc voilà un chapitre en avance. 

Légende de FaucheuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant