Le cycle de la mort

XXXIII- ~La Mort~

«Death must be so beautiful. To lie in the soft brown earth, with the grasses waving above one's head, and listen to silence. To have no yesterday, and no tomorrow. To forget time, to forgive life, to be at peace.»

Oscar Wilde

Nombreux sont ceux qui ont peur du noir. L'obscurité est souvent pour les humains synonyme d'inconnu et de danger car comment faire confiance à ce que l'on ne voit pas ? Il est facile d'imaginer les pires monstres cachés dans l'ombre, de se sentir seul et abandonné quand la lumière nous a quitté. C'est peut-être la raison pour laquelle la Mort semble faire partie des ténèbres. Après tout, on devient facilement ce que les gens voit de nous.

La Mort se matérialise dans la chambre de la jeune Iris alors que son réveil affiche minuit passé. La maison est silencieuse, les occupants plongés dans un profond sommeil tandis que dehors, une tempête se prépare. Sans un bruit, la Faucheuse s'approche du lit de la jeune fille tout en l'observant avec appréhension. Dort-elle vraiment ? Cette question la taraude et avec elle la certitude que plus rien ne sera comme avant pour toutes les deux une fois le jour levé. Depuis le moment où elle l'a interpellé dans ce couloir d'hôpital un peu plus tôt aujourd'hui, les choses ont changé. Tout a changé. La Mort n'en a d'abord pas cru ses yeux en voyant la fille aux cheveux de feu s'adresser à elle et plonger son regard troublant dans le sien. La voir se tenir ainsi devant elle, les yeux brouillés par les larmes et une colère sourde émanant de tout son être, l'a presque fait se sentir vivante pendant une seconde.

La pièce est plongée dans la pénombre mais la Mort est habituée à l'obscurité. Elle fait partie d'elle et elle la protège tel un bouclier. La silhouette d'Iris se détache nettement du lit à cause des volets ouverts laissant filtrer une faible lueur, une de ses jambes s'est échappée de la couette à plume servant à lui tenir chaud et ses cheveux s'éparpillent en bataille sur l'oreiller. Cependant, alors qu'elle s'attendait à la voir paisiblement endormie, la déesse est étonnée de l'apercevoir froncer les sourcils dans son sommeil. Quelque chose s'apparentant à de la culpabilité se fraie un chemin dans le cœur de la Mort. Elle sait qu'elle n'y est pas pour rien dans le trouble qui habite à présent la jeune fille. Néanmoins, elle savait que cela finirait par arriver. C'était inévitable et elle a été stupide d'espérer le contraire.

Après l'avoir longuement étudiée, la Mort se décide enfin à s'asseoir près d'Iris avec un soupir résigné. Il ne faut pas longtemps à la jeune fille pour sentir l'aura oppressante de la Faucheuse à ses côtés et qu'elle soit brusquement sortie du sommeil. D'abord, ses paupières papillonnent dans l'obscurité et elle semble ne plus savoir où elle est. Puis, lentement, comme anticipant ce qu'elle va découvrir, elle pose un regard plein d'effroi sur l'ombre qui la surplombe. La Mort observe, impuissante, un frisson parcourir la jeune fille et la peur émaner de tout son être. Toutes les deux se dévisagent pendant ce qui semble durer une éternité, la déesse des morts n'osant pas prendre la parole de peur de l'effrayer davantage.

Soudain, Iris semble enfin sortir de sa torpeur et a un mouvement de recul qui la plaque contre la tête de lit, le plus loin possible de l'intruse aux yeux d'encre. Cette dernière reste immobile tandis que la poitrine de la jeune fille se soulève de plus en plus rapidement. Ses yeux brillent de terreur et pour une raison qu'elle ignore, la Mort s'en trouve extrêmement peinée. Peut-être espérait-elle qu'avec Iris ce serait différent, qu'elle n'aurait pas peur d'elle et qu'elle pourrait la comprendre. Quelle naïveté ! Seuls ceux qui n'ont plus rien à perdre n'ont pas peur de la Mort.

- V... Vous... commence Iris en luttant de toutes ses forces pour ne pas se laisser gagner par la panique.

La Mort patiente, laissant à la jeune fille le temps qu'il lui faut pour se remettre du choc. Au moins, elle n'a pas hurlé, songe la Faucheuse avec une pointe de fierté, et elle essaye d'entamer un dialogue. C'est bon signe.