IV- ~Iris~

58 7 0
                                    

«Art is to console those who are broken by life.»

Vincent Van Gogh

Assise au dernier rang loin de ses deux amies, Iris s'ennuie ferme durant ce cours. Au début de l'année la jeune fille trouvait cette matière plutôt intéressante, mais après avoir loupé plus d'un mois, elle se sent complètement à la traîne. Malgré le fait que les filles lui aient passé tout ce qu'elle a manqué, elle se sent totalement perdue. Le prof continue de déballer son cours sur la conscience et l'inconscient sans se rendre compte qu'il a perdu une élève. Mais Iris se doute qu'elle ne doit pas être la seule dans cette situation même si les autres cachent bien leur jeu.

Après avoir abandonné à essayer de prendre des notes cohérentes qui n'en étaient pas du tout, Iris sort sa pochette à dessin qu'elle a prise avec elle ce matin, dans une pulsion. Depuis l'accident, elle n'a pas une seule fois rouvert sa pochette pour dessiner... C'est comme si elle n'avait plus eu d'inspiration ou la volonté de dessiner. Elle ne se souvient même pas pourquoi elle l'a prise ce matin. Peut-être s'était-elle doutée qu'elle en aurait grandement besoin pendant ce cours de philo à mourir d'ennui.

En vérifiant que Mr Bertrand est toujours tout devant, occupé à lire un extrait d'un texte de Descartes, Iris ouvre son cahier à dessin. Rien n'a changé et tous ses croquis sont toujours à leur place, cachés derrière des tas de feuilles qu'Iris adore de par leur matière et leur odeur singulière. Sur la couverture de la pochette sont dessinés des créatures imaginaires, des paysages et autres gribouillis qui ont pourtant l'apparence d'avoir été travaillés pendant des heures. Sa mère dit qu'elle a un talent et qu'il faut l'exploiter à fond, que ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir un coup de crayon comme le sien et qu'elle doit en profiter. Alors, pendant les grandes vacances, la jeune fille s'est renseignée sur les écoles d'art les plus proches de chez elle jusqu'à tomber sur celle de ses rêves.

L'école d'art Saint Xavier. Située à une heure de chez elle. Le rêve d'Iris. Mais pour ça, il faudrait d'abord qu'elle décroche son Bac avec mention et pour l'instant c'est plutôt mal barré avec son retard sur la philo...

Prise d'une violente envie de se laisser guider par son imagination comme autrefois, Iris saisit son crayon fétiche et se met à dessiner frénétiquement sur la feuille immaculée. La voix lointaine de Monsieur Bertrand est assourdie et parvient difficilement aux oreilles d'Iris qui est totalement plongée dans ce qu'elle fait. Dans ces moments là, presque personne ne peut l'atteindre, tant elle est concentrée. Peu à peu, les gribouillis se transforment en une forme plus humaine, sombre et à l'aura menaçante.

Une fois le dessin terminé, Iris repose le crayon à côté d'elle et admire son œuvre. Jamais elle n'a aussi bien dessiné. Les détails et jeux d'ombres rendent le dessin si réel que la jeune fille à l'impression de l'avoir déjà vu. La silhouette sombre d'une femme repose sur la feuille. Ses cheveux sont noirs de jais et semblent flotter dans les airs tandis que ses yeux sont cernés et d'un noir d'encre. Elle semble tout droit sortie des ténèbres et sans la moindre once de vie. Iris se demande où est-ce qu'elle a trouvé l'imagination pour dessiner une telle créature.

Elle porte le dessin plus près de son visage comme si cela allait lui révéler les réponses à ses questions.

- Je répète, Mademoiselle Beaumont, veuillez être attentive à mon cours où vous serez forcée de me faire une dissertation pour demain, menace Monsieur Bertrand à l'intention d'Iris.

Celle-ci sursaute en entendant son nom et rougit instinctivement en voyant tout le monde tourné vers elle.

- Oui oui, excusez moi Monsieur, bafouille-t-elle en rangeant le dessin le plus discrètement possible.

Le cycle de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant