Le cycle de la mort

XXIX- ~Iris~(1)

"In my heart there was a kind of fighting that would not let me sleep."

William Shakespeare, Hamlet

Iris se sent plus vivante qu'elle ne l'a jamais été depuis l'accident. Son amour pour Lucas ne cesse d'augmenter de jour en jour et au souvenir de leurs étreintes passionnées le jour du réveillon et du cap qu'ils ont franchi, elle ne peut empêcher son cœur de s'emballer à chaque fois. Aucun événement tragique n'a eu lieu depuis la mort de Monsieur Cadour, le CPE du lycée, et pour la première fois elle a l'impression que tout rentre enfin dans l'ordre.

Alors qu'elle se prépare pour le nouvel an organisé chez Eileen et réunissant les amis d'Iris, de Kate et d'Eileen avec ceux de Lucas pour la première fois, Iris se remémore ces dernières semaines. Beaucoup de choses se sont passées et pour la plupart de bonnes choses. Iris aimerait que cela ne change jamais mais elle sait aussi que ça ne marche pas comme ça. Au bout d'un moment, l'univers rééquilibre toujours la balance. Cette pensée lui arrache une grimace tandis qu'elle passe une robe d'un bleu électrique au dessus de sa tête. Peut-être qu'elle a tort après tout ? Pourquoi être si pessimiste ?

Tout en relevant ses cheveux en un chignon lâche devant son miroir, Iris se secoue intérieurement. Elle prend une profonde inspiration puis détaille attentivement son reflet. Sans savoir quoi exactement, elle a l'impression qu'il y a quelque chose de différent chez elle. C'est un sentiment étrange que de ne pas vraiment se reconnaître dans un miroir, que d'essayer de comprendre quel changement a pu s'opérer à son insu, sans y parvenir. De son index, elle trace le contour de son visage puis de ses yeux, de son nez et de ses lèvres. Oui décidément elle n'est plus la même depuis l'accident mais ça ne veut pas dire que c'est une mauvaise chose.

Elle est brusquement sortie de ses pensées par quelqu'un venant de sonner à la porte. D'ici, elle entend les pas de sa mère sur le carrelage et le bruit de la porte tournant sur ses gonds. La voix de Lucas résonne dans le hall et fait battre le cœur d'Iris beaucoup plus vite. Elle jette un coup d'œil à sa montre et se rend compte qu'il est déjà l'heure. Elle n'a pas vu le temps passé tellement elle était perdue dans ses pensées. Iris attrape son sac où sont rangées ses affaires pour la soirée et pour le lendemain matin puis enfile une paire de chaussures avant de dévaler les escaliers. Elle n'est pas très à l'aise à l'idée de laisser Lucas en tête à tête avec sa mère si longtemps. Elle sait comment elle peut se montrer froide rien que pour intimider quelqu'un.

Arrivée en bas des marches, Iris s'arrête net en apercevant Lucas sur le pas de la porte. Ses yeux rencontrent alors les siens et son cœur manque un battement tandis qu'une impression de déjà vu la submerge. C'est exactement comme la première fois que Lucas est venu ici. Sauf qu'à l'époque elle ne savait pas encore l'importance qu'il aurait dans sa vie. Le regard qu'il pose sur elle lui fait monter le rouge aux joues et elle se remémore ses caresses sur sa peau nue. Madame Beaumont, qui a dû sentir la soudaine tension dans la pièce, se racle la gorge et lance un regard railleur à sa fille.

- Bon, j'en déduis que tu es prête à partir, dit-elle d'un ton amusé.

Iris porte soudain son attention sur elle et ses mots la remettent en mouvement et délient sa langue.

- Oui !

Iris est soulagée d'avoir enfin parlé à sa mère de la relation qu'elle entretient avec Lucas. Contrairement à ce qu'elle craignait, celle-ci l'a étonnamment bien pris et lui a même avoué qu'elle s'en doutait depuis le début. Ça rend les choses plus simples et elle se retrouve beaucoup plus sereine à présent, même si elle doit bien avouer que devoir se voir en cachette rajoutait un peu de piment à leur histoire. Iris saisit finalement son manteau dans l'armoire puis l'enfile sous le regard plus qu'insistant de Lucas. Se rend-il compte que sa mère les observe ou s'en fiche-t-il, tout simplement ?