X- ~Iris~

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« Elle attendait, mais elle ne savait quoi. Elle sentait seulement sa solitude, et le froid qui la pénétrait, et un poids plus lourd à l'endroit du cœur. »

Albert Camus, La femme adultère

Assise sur un lit d'hôpital, Iris regarde fixement le mur en face d'elle. C'est ce qu'elle fait depuis qu'on l'a amené ici. De l'extérieur, elle paraît extraordinairement calme, mais à l'intérieur elle est comme en équilibre sur une corde, prête à tomber dans le néant à tout instant. Ce qu'elle vient de vivre durant ces deux dernières heures lui semble tellement inimaginable! Pourtant c'est bien arrivé. Un homme est mort pour lui avoir sauvé la vie, il s'est sacrifié pour elle. Et tout ce qu'Iris parvient à penser à cet instant, c'est qu'elle aurait dû mourir une deuxième fois.

Mais il n'y a pas que ça, elle le sait. Mais si seulement il n'y avait que ça... Elle a vu quelque chose. Quelque chose qu'elle ne parvient pas à expliquer et qui lui donne l'impression de devenir folle. Elle est en train de devenir folle.

La porte s'ouvre et une infirmière entre dans la pièce. On lui a déjà fait un examen pour voir si le choc qu'elle a reçu en tombant est important, mais ils ont conclu que ce n'était rien de grave et qu'elle avait eu de la chance. Encore.

- Comment te sens-tu ? Demande l'infirmière d'une voix douce et pleine de sollicitude.

Iris consent enfin à détourner son regard perdu dans le vague, du mur blanc posté en face d'elle et se met à observer la jeune femme. C'est une femme menue et de petite taille, aux formes voluptueuses. Ses cheveux blonds sont ramassés en chignon et ses yeux noisettes dévisagent la jeune fille avec chaleur. Iris hésite à être totalement franche avec elle ou à lui mentir, comme pour le médecin venu avant elle.

- Je ne sais pas exactement. Finit-elle par répondre d'une voix lointaine.

La jeune femme hoche la tête en signe de compréhension.

- C'est normal après ce qu'il s'est passé. Affirme-t-elle en venant s'asseoir à côté d'Iris.

Le ton et la chaleur de sa voix donnent envie à la jeune fille de se confier. Puisqu'elle ne peut pas totalement le faire avec ses parents ou ses amies, une inconnue pourrait l'aider à mettre de l'ordre dans ses sentiments.

- Je peux être franche avec vous ? Demande-t-elle en plongeant son regard dans le sien.

Les yeux de l'infirmière s'écarquillent légèrement de surprise mais elle acquiesce sans hésiter.

- J'ai l'impression que depuis l'accident, mon premier accident je veux dire et dont vous avez déjà connaissance, ma vie ne m'appartiens plus vraiment. C'est comme si... comme si je n'arrivais plus à vivre normalement. Non, plutôt comme si une partie de moi me soufflait que je ne devrais pas être ici, vivante je veux dire.

Soudain, une partie d'Iris regrette d'avoir avoué cela. Mais l'autre est soulagée de l'avoir dit à voix haute, et à quelqu'un. La jeune femme garde le visage calme et attentif, puis lui prend finalement la main.

- Je ne pense pas que tu sois la seule à ressentir cela après un épisode traumatisant comme le tiens, Iris. Beaucoup de patients avec qui j'ai parlé ne se sentent plus à leur place après ça. Selon moi, se sentir de nouveau en vie, comme tu dis, prends du temps.

Iris écoute chaque mots que prononce la jeune femme avec attention et espoir.

- Mais surtout et avant tout, continue-t-elle en posant son autre main sur la sienne, je pense que ce qui fait vraiment la différence, c'est ce que tu décides de faire à partir de maintenant. Tu as beau penser que ta vie d'avant est foutue et que tu n'as pas d'avenir, c'est à toi de décider si tu veux te laisser convaincre de baisser les bras, ou de te relever malgré les blessures et de te mettre à vivre réellement.

Le cycle de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant