~Épilogue~

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« I hope to arrive to my death, late, in love, and a little drunk. »*

– Atticus

Ce n'est que bien des années plus tard que la Mort retrouve enfin Iris Beaumont.

C'est un tiraillement tout au fond de son être qui lui indique qu'une vie s'apprête à s'éteindre. En un millième de seconde, elle comprend qu'il s'agit d'Iris et sait immédiatement où se rendre. La Mort apparaît dans un couloir d'hôpital banal, aux murs blancs et à l'odeur aseptisée comme on en trouve par milliers. Pourtant, celui-ci est spécial pour la déesse, car il abrite Iris Beaumont, la jeune fille— ou plutôt la femme—qu'elle n'a pas vu depuis des années. Même si le temps lui a paru beaucoup plus rapide qu'il ne l'est pour les humains, la Mort a tout de même ressenti son absence. Cependant, malgré son impatience de la revoir, elle a toujours souhaité que ce jour n'arrive jamais. Pas pour elle, mais pour Iris. A-t-elle eu le temps de faire tout ce qu'elle a toujours rêvé ? A-t-elle vécu une belle vie ? Elle le pense, ou du moins elle l'espère, n'ayant eu que quelques aperçus de son existence aux moments où certains de ses proches ont quitté ce monde. Elle lui a semblé heureuse, malgré le deuil qui l'étreignait, néanmoins, la Faucheuse ne s'est jamais attardée assez longtemps pour s'en assurer. Elle avait peur de ce qui se passerait. Elle ne voulait pas risquer de malencontreusement contrarier l'univers. Mais voilà, le jour des véritables adieux est arrivé. Cette fois, il s'agit véritablement de leur dernière conversation.

Rassemblant ses pensées, la femme à la robe étoilée franchit enfin le seuil d'une des chambres du long couloir. Elle découvre Iris allongée dans un lit, branchée à un moniteur émettant un son faible mais présent, reflétant les battements de son cœur. Elle semble endormie ; son corps porte les marques du temps—elle a beaucoup vieilli depuis la dernière fois qu'elle lui a parlé et cela réjouit la Mort—mais elle a gardé les cheveux longs, à présent d'un blanc tirant vers le gris. En la voyant de cette manière, la Faucheuse ne peut s'empêcher d'être transportée au jour de leur rencontre. C'était également dans un hôpital, mais elles n'étaient pas seules comme c'est le cas à présent, au contraire, elles étaient entourées d'une grande effervescence, créée par les gestes désespérés des médecins tentant par tous les moyens de la sauver.

C'est calme à présent. La petite chambre d'hôpital est plongée dans un silence apaisé, la femme alitée respirant à intervalles réguliers sans se douter de la présence de sa vieille amie. Grâce à ses pouvoirs, la Mort sait qu'Iris a aujourd'hui quatre-vingt-trois ans. Son corps n'est plus ce qu'il était, il s'éteint petit à petit, ses forces diminuent et elle doit rester à l'hôpital au cas où de nouvelles complications apparaîtraient. Ses proches viennent souvent la voir mais elle aime aussi le calme, elle est si fatiguée. Soudain, ses paupières se soulèvent lentement. La Mort s'approche du lit et patiente quelques secondes, le temps qu'Iris reprenne pleinement connaissance. La déesse remarque l'exact moment où son amie prend conscience de qui elle est ; son regard semble s'éclairer et une lueur amusée adoucie son expression.

— Bonjour Mort, dit-elle d'une voix enrouée et quelque peu changée, tandis qu'un faible sourire s'étire sur son visage.

— Bonjour Iris, répond la Mort avec tendresse.

— Cela fait longtemps, remarque Iris en détaillant sa vieille amie des yeux, tu n'as pas changée d'un iota.

La femme aux cheveux de jais esquisse un sourire.

— J'aimerais pouvoir dire la même chose mais ce serait mentir et remuer le couteau dans la plaie.

Un rire s'échappe des lèvres de la patiente alitée.

— Je ne t'aurais jamais pensée capable de ce genre d'humour, s'amuse-t-elle, il faut croire que tu as bien changée.

— Un petit peu sans doute.

Le cycle de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant