Chapitre 7- Au cœur de l'Histoire

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Montagne verdi - Marcella Bella

Je vais finir par devenir experte dans l'art de me faufiler entre les touristes avides de souvenirs et les vendeurs de perches à selfies. Depuis l'entrée du Colisée, je remonte à contre-sens la longue file d'attente en esquivant comme personne les photos de famille, prises au beau milieu du passage.

Scusi, permesso, sorry... Mais poussez-vous bon sang !

Sur la célèbre Via Sacra, la voie sacrée du Forum antique, les empereurs Constantin et Titus sont en duel éternel avec chacun leur arc de triomphe se faisant face.

Il y a pire comme point de rendez-vous.

En m'approchant, je reconnais certains camarades et tente un sourire, un peu forcé certes, mais un sourire quand même : j'essaye de me montrer ouverte et gentille. Cependant, personne ne semble convaincu, ou du moins inspiré, pour engager une conversation franco-italienne à 9:00 du mat'.

Je me rabats sur mon téléphone et me retiens de contrôler si Lâche est en ligne ou s'il est devenu ami avec quelques tierces personnes de sexe féminin, sorties du chapeau. C'est idiot, mais lorsqu'on est en ligne en même temps, j'ai l'impression d'être encore un petit peu avec lui. Bref... Pour éviter d'aller trop loin dans mes travers, je poste une story Instagram du Colisée avec en toile de fond, le soleil levant entre les pins parasols.

#appuntamento #matinale #love #roma

Regarde, Lâche, comme ma vie est cool !

Heureusement, Thomas arrive et m'arrache à mes nouvelles habitudes pathétiques. J'aperçois sa longue silhouette grimper la pente de la Via Sacra d'un pas nonchalant. Son sac à dos pendouillant sur une épaule, ses yeux encore à moitié fermés sous ses épais sourcils noirs et ses cheveux fins ébouriffés me laissent penser qu'il a fait la fête toute la nuit.

Je m'approche en me promettant de faire meilleure impression que l'autre jour :

— Salut, Thomas, pas trop dur ce matin ?

— Ça se voit tant que ça que je suis crevé ? me répond-il sur le ton de l'autodérision.

Il me fait la bise et je sens encore des effluves d'alcool.

— Pas du tout, tu rayonnes ce matin ! je mens en riant.

— Laisse tomber, Pierre m'a entraîné dans une soirée à San Lorenzo. Je suis rentré juste pour prendre une douche, manger un truc et je suis reparti, bâille-t-il.

Je réagis comme si je connaissais parfaitement l'endroit dont il me parle.

— Ah ouais, quand même. Alors oui, je te trouve assez en forme pour quelqu'un qui n'a pas dormi. Tiens, quand on parle du loup !

Pierre nous retrouve à son tour, suivi de près par Victor, qui accourt, hors d'haleine :

— Je suis dégoûté, j'ai couru pour rien ! lâche-t-il, crachant tout son asthme.

Nous sommes ici pour visiter les ruines de la villa de l'empereur Auguste. Autour de nous, le Mont Palatin, cœur historique de la ville antique, se réveille doucement. Selon la légende, le jumeau Romulus aurait choisi cette colline pour fonder la ville. Et je le comprends.

Mon carnet et mes crayons m'appellent. Je sors mon attirail et commence à croquer quelques détails des décors que j'aperçois à travers les grilles encore fermées. Victor lève les yeux et amuse la galerie en constatant mon exemplarité scolaire, mais je m'en fiche. Je ne peux pas manquer ça !

La professoressa Bonaiuto rejoint finalement le groupe, quinze longues minutes après l'heure prévue :

Buongiorno, ragazzi ! Vous êtes tous là ? Bon très bien, on va attendre encore quelques minutes les retardataires et nous commencerons la visite.

Ça ira mieux à RomeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant