Le cose che vivi - Laura Pausini
Je n'ai plus mis de rouge à lèvres depuis des semaines, mais ce soir, je crois que l'heure est venue de renouer avec ma féminité. C'est la première fois de ma vie que j'applique un anticerne et il tient ses promesses, je suis ravivée. Une fleur desséchée après un été caniculaire que l'on aspergerait de rosée : pas encore guérie, mais au moins rafraîchie.
Pourtant, je dors mieux ces derniers temps. Mais les larmes ont creusé de profonds sillons sous mes yeux. Il va vraiment falloir investir dans le cosmétique pour retrouver mon regard pétillant d'avant. Lâche a déjà laissé suffisamment de traces indélébiles au fond de moi, je n'ai aucune envie d'en porter sur le visage.
Mes cheveux tirés en une haute queue de cheval retombent jusque sur mon épaule. Il me reste quelques mèches plus claires, parsemées au milieu de mon châtain naturel, vestiges de l'été dernier. En analysant le reflet du miroir, je crois avoir réussi à masquer ma contrariété. En tout cas, je me sens jolie.
C'est pour une sortie un peu particulière que je me suis apprêtée : j'ai rendez-vous avec ma marraine italienne. L'université a proposé aux étudiants de parrainer un nouvel arrivant Erasmus. Giulia m'a donc contacté via Facebook et a proposé que l'on se rencontre.
De : Giulia
Si tu veux, on peut se retrouver au Read, eat, dream, Via Tomacelli, 22. Il y a une soirée sur la terrasse.
L'adresse me dit quelque chose. Je vérifie sur le plan et en effet, c'est une rue qu'emprunte le bus lorsque je me rends à l'un des sièges de l'université, juste en face de la Piazza Cavour.
Comme à mon habitude, je suis prête bien avant l'heure. Je pensais que me redonner vie prendrait plus de temps, en tout cas visuellement ! Pour le reste, il y a encore du boulot. Deux options s'offrent alors à moi : attendre assise sur mon lit, mais avec un risque de perdre cet enthousiasme inattendu, ou d'en profiter et partir en avance. Après tout, je peux y aller tranquillement à pied, ça ne me fera pas de mal.
Le soleil a presque disparu derrière les toits et pourtant la lumière s'intensifie. Elle est différente de celle des autres villes. Je ne le sais pas encore, mais je ne l'oublierai jamais. Au sol, les sampietrini se changent en lingots d'or et les murs des maisons, virant au rouge, renvoient toute la chaleur de cette fin septembre. Il arrive parfois que les rayons pénètrent une dent creuse et irradient le trottoir. C'est aveuglant et en même temps, j'ouvre enfin les yeux.
L'air est doux et des odeurs merveilleuses arrivent jusqu'à mes narines. Ces arômes se mélangent à celui du cuir véritable des sacs et des ceintures que les commerçants commencent à ranger en fermant boutique, à celui de la pizza qui crépite dans le four et au parfum des dames apprêtées pour rejoindre leur amant, au sommet de l'une des sept collines. On entend une mélodie incessante de gens qui rient, heureux de partager des moments simples et authentiques, qui roulent leur langue et parlent fort.
Les larmes, ça éclipse tout. Depuis le début, je n'avais rien vu. C'est comme si je me réveillais d'une longue sieste chez mes grands-parents. Ça sent bon la sauce tomate bouillonnante et l'herbe coupée, la table est dressée pour recevoir n'importe quel invité qui passerait par là, on s'affaire partout... C'est vivant.
De : Giulia
Je suis en face du bar, je t'attends.
Je ne suis plus si en avance que cela ! Sur la piazza Cavour, les ombres des immenses palmiers s'allongent et s'emmêlent aux sculptures de la façade blanche de la Cour de cassation. Je traverse le pont et rejoins l'autre rive. De loin, j'aperçois une petite blonde toute bouclée, elle attend et s'apprête à rencontrer une future amie. Elle porte un pantalon noir et fluide, comme à peu près toutes les Italiennes, un top blanc très simple et aux pieds, des bottines à semelle épaisse. Son regard se pose sur moi et instantanément un sourire à fossettes vient éclairer son visage : c'est bien Giulia.
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Ça ira mieux à Rome
Ficção Geral✨ GAGNANTE DU PRIX WATTYS 2023 ✨ Chiara n'est plus que l'ombre d'elle-même lorsqu'elle débute son année d'étude à Rome. Son petit ami, surnommé Lâche, l'a laissé tomber sans aucun scrupule. À bout de souffle, elle va néanmoins s'accrocher et surmon...