Chapitre 20 - Coco citron

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Da sola / in the night - Takagi & Ketra

Le dimanche soir, fini la boule au ventre et le cafard de fin de week-end. Je me réveille doucement aux alentours de midi et prends mon temps pour émerger. En général, je descends en bas de la maison pour acheter deux parts de pizza al taglio (à la coupe) que je déguste au soleil devant le Castel Sant'Angelo. Puis je rentre, fais un brin de ménage, lance une lessive et traine un peu sur ma super application en attendant Victor.

Nous nous motivons ensemble pour réviser (un tout petit peu, disons le minimum syndical), puis nous allons prendre une glace chez le petit glacier de Borgo Pio, à l'angle de ma rue. C'est notre récompense pour avoir sacrifié quelques précieuses heures d'Erasmus au profit de révisions pas toujours évidentes.

Les jours commencent à rallonger, le printemps se fait sentir et certains jours ressemblent à s'y méprendre à un début mai plutôt qu'à une mi-mars. Manger une glace est l'occasion de profiter des premiers rayons de soleil chaleureux et de se faire plaisir.

J'avoue que ce n'est pas la seule raison de mon enthousiasme ! Le jeune glacier en est une autre. Il doit approcher la trentaine d'années, à la silhouette élancée et à la démarche vive. Il arbore une allure décontractée, mais son regard vif révèle une passion ardente pour son métier. Sa chevelure brune, légèrement ondulée, lui tombe sur le front, ajoutant une touche de désinvolture à son charme.

Son visage est éclairé d'un sourire chaleureux et contagieux, qui illumine ses traits et ceux de ses clients. Ses yeux en amande, pétillants d'enthousiasme et d'une certaine malice, laissent deviner une personnalité espiègle. Ses sourcils épais et bien dessinés ajoutent une touche d'intensité à son regard. Avec ses joues rebondies et rosées, il a un air enfantin

À force de nous y voir, le glacier commence à nous reconnaître. Je soupçonne que c'est grâce à l'accent à couper au couteau de Vic, dont il se moque ouvertement.

Ciao, vorrei coco e limone, con un po' di penna per favore, récite Victor, très concentré et impliqué dans le rôle du mafieux qui demande une rançon.

Le petit glacier éclate de rire et je ris de plus belle devant Victor qui vient de demander une glace coco, citron avec un peu de... stylo.

D'après sa façon de parler en avalant les mots et le portrait de Maradona en maillot bleu et blanc affiché derrière lui, j'en conclus rapidement qu'il est Napolitain. Son regard rieur croise le mien et j'y décèle une certaine complicité qui me déclenche une montée de rose aux joues.

Un po' di PANNA, per favore ! je corrige d'un ton mi-moqueur, mi-compréhensif.

— Oui, bon, ça va ! Il avait très bien compris que je voulais de la chantilly le Giuseppé là ! rétorque mon ami, blessé dans son ego.

C'est donc sur ce genre de note positive et drôle que s'achèvent mes semaines.

Afin d'aller dans le sens de tous les beaux moments que je suis en train de vivre, j'ai mis les comptes de Lâche en sourdine, sur tous mes réseaux sociaux. Ainsi, j'évite de voir sa grosse tête s'afficher sur mon écran sans prévenir. Ça polluait mon bien-être et je me sens beaucoup plus apaisée depuis !

D'autant plus que dans ce quotidien bien rôdé, vient se greffer Sourire. Nous nous voyons de temps en temps. C'est toujours un moment agréable, même si nos rendez-vous se font rares. Pourtant, nous sommes en conversation continue depuis la dernière fois qu'il est venu à la maison. Nous discutons toute la journée sur WhatsApp. Il m'a même fait adhérer au concept du message vocal. Au début, c'était parfois compliqué de tout comprendre du premier coup, alors je réécoutais encore et encore sa voix grave, qui roule et qui chante.

La mienne, en revanche, devait être ridicule. Je m'y reprenais à trois fois avant de réussir à faire un audio potable, sans bafouiller, sans chercher mes mots ou sans faire de fautes de conjugaison. Je crois qu'au final, il trouve ça attendrissant.

Il m'appelle souvent piccola, petite. C'est mignon. Je me trompe peut-être, mais je crois que l'on s'apprécie. En tout cas, de mon côté, avoir de l'attention et discuter avec lui me fait du bien.

C'est un garçon agréable, on plaisante comme on peut du fait des subtilités du langage et les sujets que nous abordons sont légers. Il aime jouer au professeur, en m'expliquant pourquoi tel mot s'emploie dans telle circonstance, comme la différence entre magari et forse qui signifient tous les deux « peut-être » :

Magari, c'est quand tu espères que quelque chose arrive, m'explique-t-il. Forse, c'est quand quelque chose n'est simplement pas sûr.

Forse ho capito.

Brava !

— E magari verrai da me tra poco.

Je n'aime pas quémander de l'attention ou de la présence, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi il m'envoie des messages toute la journée et ne fait aucun effort pour que l'on se revoie.

Toutes les excuses sont bonnes : il habite loin, il doit boire un verre avec Danilo, il révise ses examens, sa mère ne veut pas qu'il dorme autre part que chez lui... Celle-ci, c'est ma préférée !

— Je t'assure ! Tu ne la connais pas, elle est complètement folle ! insiste-t-il, presque convaincant.

— Non mais attends, tu as 25 ans. Ta mère doit bien se douter que tu vois des filles ! Et si ça te gêne, dis-lui que, j'en sais rien moi ! Tu sors en boîte et que tu dors chez un ami à toi... C'est pas compliqué non ?

Il croit sans doute que je suis sur le point de tomber amoureuse de lui et l'idée d'être enchaîné à une femme le révulse peut-être. Mais je ne cherche rien de tel et certainement pas une nouvelle relation conventionnelle. Ce que je souhaite, c'est retrouver les sensations qu'il m'a procurées la dernière fois. Je veux emmêler mon corps au sien, ce n'est pas si compliqué que ça !

Cette simple pensée réchauffe instantanément mon bas ventre.

— Tu es libre jeudi soir ? me demande-t-il dans un message audio.

Miracle, le Dieu du sexe a dû entendre mes prières.

— J'ai une soirée avec mon ami Victor, tu sais celui dont je t'ai parlé. Je te tiendrai au courant, mais oui, peut-être.

Et pendant que Sourire se fait désirer, je continue à affiner mes critères virtuels. Un match très prometteur vient justement égayer mon dimanche soir. Tiens, tiens, tiens... Ok, tant pis pour les principes de princesse, cette fois, c'est moi qui engage la conversation !

Ça ira mieux à RomeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant