Felicità - Romina Power e Al Bano
Durant la semaine, je laisse faire le hasard. Je m'octroie quelques pauses, des temps morts afin de me ressourcer, traîner un peu sur l'appli ou lire Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, en italien bien sûr.
Finalement, malgré des débuts difficiles, j'aime mon appartement. Je l'ai transformé en nid douillet avec des bougies parfumées, de la jolie déco et la photo de Lâche, balancée au fond du placard. En tant que grande casanière, je ne suis jamais contre le fait de rentrer directement chez moi après les cours. Je m'arrête faire quelques courses, me lance dans la confection d'un bon petit plat et le déguste devant une série ou un film. Je passe alors une agréable soirée.
Cette hibernation romaine après des vacances de Noël loin de ma ville de cœur me fait du bien. Je suis rentrée deux semaines dans ma famille et j'ai bien l'impression que je ne suis pas la seule à avoir du mal à faire le deuil de mon couple ! Chez mes parents, tout me rappelait Lâche. Lors des dîners et des réunions de famille, il y avait toujours quelqu'un pour en remettre une couche :
— Alors, tu n'as pas eu de nouvelles ? s'est inquiétée ma tante.
— Vous n'êtes plus ensemble ? a demandé une connaissance qui sait pourtant très bien qu'il m'a quittée.
— Et ton chéri alors ? Il est venu te voir à Rome ? m'a-t-on questionnée, avec un sourire niais.
Putain, j'essaye de l'oublier, tâchez de faire pareil ! Merci.
Pour être honnête, j'y ai pensé tous les jours, dès que j'ai quitté mon appartement de Prati pour rentrer à la maison. Quitter mon cocon romain alors que je ne suis pas encore tout à fait papillon, n'était pas vraiment une bonne idée.
Je vais mieux, mais il y a des limites. Je ne sais plus comment on fait pour ne penser qu'à soi. Il m'arrive encore souvent de me demander ce qu'il s'est passé dans la tête de Lâche. Je n'ai toujours pas de réponse concrète, mais à force de me repasser le film, certaines scènes me reviennent en mémoire et je crois y voir un peu plus clair dans cette histoire.
Ma troisième année d'étude fut particulièrement difficile et malheureusement, j'ai eu du mal à faire la part des choses. Très stressée, avec l'enjeu de l'Erasmus à la clé, j'étais sans cesse à fleur de peau. Le moindre mot de travers et Lâche en prenait pour son grade. Je crois qu'on s'est vraiment aimé, mais nous n'avons pas évolué dans la même direction. J'imagine que poursuivre une relation à distance l'a tout simplement fait paniquer. Il n'a pas su gérer cette séparation et par lâcheté (nous y voilà) il a simplement décidé de disparaître.
Avec le temps, les langues commencent également à se délier. Des amis que nous avons en commun me confient l'avoir croisé en soirée. Généralement alcoolisé, il avoue à moitié honteux, à moitié hilare, qu'il a fait n'importe quoi. Comme tout homme retrouvant sa liberté, il sort souvent, drague certainement des filles, afin de s'assurer que sa virilité ne s'est pas envolée après des années passées en couple. Ce genre de comportement m'aide néanmoins à ouvrir les yeux. Ce n'est pas la personne avec qui je partageais ma vie, cette personne-là a disparu.
Depuis que je suis célibataire, je dois avouer que Sourire et quelques autres matchs de l'application comblent un peu ma solitude. Du moins, ce sont des pansements efficaces.
De match en match, mes critères s'affinent, tout comme ma capacité à cerner les différents profils d'homme. Il y a d'abord ceux qui ne cherchent que du sexe, mais qui ont l'honnêteté de le dire clairement. Ceux trop beaux pour être réels et qui s'avèrent être des faux comptes. Ceux qui n'ont rien d'autre à dire si ce n'est salut, sa va. Ceux qui ne viendront jamais te parler ou qui ne répondent plus au bout du troisième message échangé sans raison apparente. Et enfin, il y a l'espèce la plus rare, qui compte ceux avec qui le contact s'établit tout de suite.
Cette application fait passer le temps, je n'y joue pas ma vie, mais ça permet de relancer la machine. Au cinquième match, on se sent flattée, au dixième, on se sent belle et au trentième, on se sent invincible. Pas besoin d'aller chez le psy pour retrouver confiance en soi, une dose d'appli trois fois par jour et le problème est réglé !
Et puis, mes semaines sont suffisamment remplies pour que je ne m'y attarde pas trop, sous peine d'être totalement déconnectée de la réalité.
Le mois de janvier s'est installé et le temps file à une vitesse folle. Le mercredi après-midi, j'ai désormais rendez-vous avec Giacomo, mon binôme d'études, pour commencer à travailler sur notre examen de la rentrée de fin de semestre. Je l'ai laissé choisir notre œuvre d'art, il en sait bien plus que moi sur Rome. Ainsi, il m'a proposé d'étudier une sculpture de marbre et de bronze absolument stupéfiante : Santa Teresa in Estasi dans l'église Santa Maria della Vittoria. C'est un chef-d'œuvre baroque de Bernini, représentant sainte Thérèse en pleine extase.
Décidément, c'est le thème !
Les premiers temps, nous n'osions rien imposer à l'autre et nous avons appris à travailler ensemble, pas à pas. Giacomo m'avait alors demandé :
— J'imagine que tu préfères faire des croquis plutôt que lire un bouquin de six cents pages, sur la restauration d'une statue ?
— Si tu n'y vois pas d'inconvénient, je crois que ce serait mieux pour nous deux !
Mon binôme s'assure toujours que je comprends tout ce qu'il dit. Il fait l'effort de parler lentement et je trouve ça très touchant. Je sais déjà que nous pourrons devenir de très bons amis.
Il me confie que l'année prochaine, il souhaiterait postuler pour étudier un an à Madrid :
— Mais j'hésite encore, je n'ai jamais quitté l'Italie alors, j'appréhende d'être si loin.
— Fais-le ! J'étais terrifiée à l'idée de partir et maintenant que je suis là, je ne changerais ma décision pour rien au monde.
C'est étrange de se dire que je n'aurais jamais rencontré tous ces gens si j'avais abandonné l'idée de l'Erasmus. De se dire que je vais les côtoyer un temps relativement court sans savoir ce qu'il adviendra après. J'aime cette idée de rencontres si fugaces, qu'elles créent des moments vrais et intenses.
Mais lorsque ce sera fini, qui deviendront-ils pour moi ? De vieux amis, de simples souvenirs Facebook, des connaissances que je croiserais peut-être de nouveau dans ma vie future ?
Giacomo finit par s'en aller après une bonne session de travail. Je lui ai montré quelques-uns de mes dessins, il avait l'air impressionné. Il faut vraiment que je prenne le temps d'en faire davantage, surtout lorsque je sors me balader.
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Ça ira mieux à Rome
General Fiction✨ GAGNANTE DU PRIX WATTYS 2023 ✨ Chiara n'est plus que l'ombre d'elle-même lorsqu'elle débute son année d'étude à Rome. Son petit ami, surnommé Lâche, l'a laissé tomber sans aucun scrupule. À bout de souffle, elle va néanmoins s'accrocher et surmon...