Chapitre 11 - Vole, petit papillon

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Buongiorno Vita - Ultimo

Sans que l'on s'en aperçoive, octobre s'installe. C'est comme un deuxième été, avec une lumière plus douce et orangée encore. L'ottobrata : c'est comme cela qu'on appelle cette période ici et je comprends bien pourquoi il fallait un nom pour la désigner. On avance vers l'hiver, mais avec douceur et sérénité. Les jours raccourcissent, l'effervescence retombe un peu et on ne se couvre pas encore. On se met au rythme de la nature qui s'endort.

Comme vendredi, l'arrivée à la villa Médicis est un spectacle auquel je ne me lasse pas d'assister. Depuis la piazza di Spagna, je grimpe les fameux escaliers de la Trinità dei Monti alors que la ville ne s'est pas encore tout à fait réveillée. Le soleil vient à peine lécher les toitures et les terrasses qui se laissent admirer depuis le sommet, pendant que les ruelles sont encore humides de rosée. La route sinueuse qui ondule autour du Monte Pincio, l'une des sept collines, me guide vers l'Académie de France à Rome.

C'est le richissime cardinal Ferdinand de Médicis qui confia les travaux de sa villa aux plus grands architectes et artistes de son temps. Un homme qui avait visiblement beaucoup de goût ! Outre la façade ordonnancée selon les codes classiques et les salles aux décors rappelant étrangement l'époque de l'Empire Romain, les jardins ressemblent à s'y méprendre à l'Éden. Les arbres fruitiers valsent autour des sculptures et des fontaines des grands maîtres.

J'emprunte les couloirs dérobés pour accéder à la salle. Le cours sur les techniques de restauration s'intensifie et devient de plus en plus pointu. Avec Victor, nous nous accrochons pour saisir les subtilités et traduire les mots que nous ne connaissons pas. C'est passionnant, mais à la fin du cours, je suis vidée.

Avant que les élèves s'échappent pour aller déjeuner, la professoressa Lamberti a une annonce à nous faire :

— Pour l'examen de fin de semestre, vous vous mettrez en binôme pour faire une présentation.

Avec Victor, nous nous tournons l'un vers l'autre d'un même élan, l'air entendu.

— Il s'agira d'étudier une œuvre de votre choix et de proposer un schéma complet de restauration. D'autre part, chaque Erasmus se mettra avec un élève italien.

Une cohue se met en marche et tout le monde commence à s'affairer autour de nous pour dégoter le meilleur binôme. J'ouvre les yeux à la recherche d'une brebis égarée.

— Je prends celui-là, glissé-je à Victor en désignant discrètement un mec à quelques rangées de notre table.

— Moi, j'attends que ça se fasse, je verrais bien ce qu'il reste, répond-il résigné.

Seul, à la recherche d'un eye-contact avec un potentiel acolyte, ma proie a l'air gentil et innocent. Ce n'est pas le bad boy de la promo, ni le premier de la classe, mais il a un carnet ouvert devant lui sur lequel il a pris des notes et fait des croquis. C'est suffisant pour que j'écoute mon instinct.

Je ne sais pas où je trouve le courage pour me lever et aller me présenter à ce petit blond, mais je n'hésite pas une seconde et me plante devant lui.

Ciao, sono Chiara. Tu veux bien te mettre avec moi ? Promis, je parle assez bien italien et je vais travailler dix fois plus s'il le faut !

Il me regarde, yeux écarquillés et doit se demander qui est cette folle qui vient l'agresser. Il finit par se détendre et me répond enfin :

Piacere, sono Giacomo. Pas de problème, on se met ensemble.

— Ok. Cool, merci !

Je reste là, bras ballants comme une idiote, avant d'avoir une seconde illumination :

Ça ira mieux à RomeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant