Ça ira mieux à Rome

Chapitre 8 - Sarà perché ti amo

Sarà perché ti amo - Ricchi e poveri

Malgré toute la mauvaise foi dont je suis capable, j'ai tout de même rejoint Pierre, comme convenu. Une voix dans ma tête m'affirme que cette soirée peut être une bonne idée, qu'elle va me faire du bien, que je ne vais pas passer tout mon Erasmus à pleurer, seule, chez moi. Pourtant, je n'ai qu'une envie : rentrer me cacher au fond de mon lit. Comme ces dernières semaines...

J'inspire profondément. Pierre est là, il m'attend contre le mur face aux escaliers du métro.

— Tu t'es fait beau, dis-moi !

Je le charrie pour masquer mon angoisse de m'ouvrir de nouveau au monde, mais c'est aussi la vérité. Le Pietro a sorti la chemise blanche dont il a remonté le col, les petites baskets qui vont bien et a même coiffé sa grande touffe de cheveux bruns. Avec son teint mat, on pourrait vraiment le prendre pour un Italien.

— Quand on habite Prati, on ne sort pas dans des endroits bas de gamme, Signorina !

Il est sympa Pierre, c'est le genre de mec qui a le contact facile et qui est naturellement gentil. Je le connais depuis peu, mais je me sens à l'aise avec lui.

— Je t'avoue que je n'ai pas encore eu le temps d'explorer notre quartier comme il se doit.

— Déjà, tu as bien choisi. C'est le meilleur !

Le trajet est rapide, il laisse juste le temps à Pierre de me donner quelques adresses à Prati, que je note minutieusement dans ma fameuse liste "pas encore cochée".

— Il y a un hôtel qui s'appelle les Étoiles avec une terrasse magnifique et une vue incroyable. Je t'y emmènerai !

Je me crispe intérieurement et sens le rouge me monter aux joues. En écrivant, yeux rivés sur l'écran, je contourne le sujet :

— Les Étoiles ? En français ?

— Oui, oui, en français.

Dieu merci, nous arrivons à l'arrêt Vittorio Emanuele et à la sortie, nous croisons Victor et Thomas qui nous attendent.

— Franchement, j'aurais parié que tu ne viendrais pas, me lance Victor. Mais ça va, tu as fait des efforts, on dirait même que tu es en pleine forme !

Il éclate de rire et réussit sans mal à faire sourire Pierre et Thomas. Les pauvres me connaissent à peine, ils ne savent pas s'ils ont le droit de me charrier ou si je vais me vexer. C'est notre jeu, à Victor et moi, on ne loupe jamais une occasion de nous lancer des répliques cinglantes et j'avoue que j'ai du mal à me retenir de rire aussi.

Je lui tape le haut du crâne et ébouriffe ses cheveux fins au passage.

— T'es vraiment un petit...

— Les filles sont déjà là-bas, prévient Thomas afin de mettre un terme à nos chamailleries.

Après quelques minutes de marche, nous arrivons devant un immense portail blanc derrière lequel nous pouvons deviner une propriété sublime. Un jardin à l'anglaise où se seraient perdues quelques colonnes corinthiennes et deux fontaines du Bernin nous accueille. Les immenses pins et cyprès forment une canopée épaisse au doux parfum boisé et nous protègent de l'humidité qui commence à tomber.

Le videur nous interpelle :

— Buonasera, quanti siete ?*

Nous payons nos entrées et recevons en retour un magnifique tampon à l'effigie du bâtiment sur le poignet. Depuis le chemin de graviers blancs menant jusqu'au Palazzo Brancacio, nous entendons déjà les basses de la musique qui résonnent.