‹ Alexander ›
Cela fait une éternité que Magnus est appuyé contre cet arbre majestueux. Étrangement, son feuillage ne cesse de s'agiter depuis qu'il a pris cette position alors qu'aucun vent ne vient souffler jusqu'ici. L'attente est insupportable pour moi qui ai une envie incompréhensible de le rejoindre. Iefyr discute avec ses concitoyens qui nous accompagnent, sans vraiment être surpris du phénomène météorologique. Quand mon corps décide que c'est trop long, j'amorce une approche vers mon époux quand Naexi me retient fermement.
— Ne le dérange pas, il est en communication avec ses semblables. Tu risques de mettre un terme à la conversation.
— Tu veux dire qu'il parle aux eons ?
— Parfois Natë se présente, mais en général, il n'y a que les manciens. Notre Dieu a bien trop de choses à faire pour se permettre une seconde présence en si peu de temps. Nelaeryn pourra tout te dire lorsqu'il reviendra.
— Mais il est à quelques pas. Il n'est pas parti.
— Son corps est ici, mais son subconscient est bien loin de nous.
— Je n'aime pas le savoir seul, réponds-je, inquiet par son immobilité.
— Les autres avaient bien raison, s'amuse l'elfe, les âmes sœurs sont de vraies sangsues. S'éloigner un tant soi peu de l'autre devient une vraie souffrance.
Je sais bien que nous sommes des âmes sœurs, mais je ne suis pas si collant que ça, enfin je suppose. J'essaie de voir ce que je ressentirais en étant séparé de mon amour et j'ai immédiatement un poids qui comprime ma poitrine. Je passe une main dans mes cheveux, constatant que je suis exactement comme Naexi le prétend : une vraie bave de dragonette. Cette substance a d'ailleurs été utilisée pour coller les pierres de notre château. Force est d'admettre que, pendant plus d'un millénaire, notre demeure est restée debout pendant les pires intempéries. Alors que dois-je faire ? Mourir d'ennui à regarder Magnus au loin ou me précipiter vers lui afin d'assouvir mon cœur en détresse ?
Naexi a toujours une main bien appuyée contre mon torse pour me retenir, rigolant encore plus fort en voyant ma presque dépression amoureuse. Au moins, sa petitesse, très improbable chez les elfes, me permet de voir mon amour. Malgré le bruissement des feuilles, il semble paisible. Le son est de plus en plus fort autour de nous puis, sans crier gare, le silence nous envahit. La tête de Magnus se relève pour chercher quelque chose jusqu'à ce qu'il me trouve. Son regard est triste, presque douloureux. La femme qui me retient, relâche son emprise pour que je puisse me précipiter vers lui. Je vois ses lèvres trembloter au moment où mes bras s'ouvrent pour l'envelopper. Il me serre si fort que je crains presque que Natë l'ait rappelé auprès de lui. Ce ne serait pas surprenant vu son statut de demi-dieu.
J'essaie d'être rassurant, caresse son dos alors que je glisse mon autre main dans ses cheveux soyeux. Un reniflement me fait comprendre qu'il pleure contre mon épaule. J'ai mal avec lui. Je n'ai pas le goût qu'il parte alors que nous sommes à peine mariés. Malgré tout, je reste fort pour qu'il puisse se sentir libre d'exprimer sa peine. Les elfes viennent nous entourer afin d'offrir quelques présents à Natë. La plupart allument de petites lanternes qu'ils suspendent aux branches du gigantesque feuillu, puis ils repartent un à un. Iefyr est le dernier. Le chef du village m'offre deux tapes de réconfort sur l'épaule avant de disparaître à son tour, nous laissant seuls à nous étreindre comme des condamnés à mort.
Quand Magnus relève la tête, il pose ses deux mains de chaque côté de mon visage, comme s'il me regardait pour la toute dernière fois. J'avais bien raison, mon temps avec mon mari est révolu. Je faiblis en le voyant esquisser un faible sourire.
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Le secret de Lenora (Malec AU)
FanficAu royaume d'Hazelrune, un jeune elfe prénommé Magnus attend avec impatience le retour de son maître, qui n'est autre que l'héritier du trône. Depuis le départ de ce dernier, les autres habitants du château abusent de la bonté du jeune serviteur et...