51 / ESMÉE

4.7K 155 35
                                    

10 août 2022, 08:48. Montepulciano (Toscane, Italie).

Je sors du taxi et je m'arrête un moment pour contempler la maison dans laquelle j'ai passé la majorité de mes étés. Une vague de nostalgie s'empare de moi et elle a un goût amer. Je suis consciente que les vacances en Italie n'auront plus jamais le même goût, je ne me sentirai plus jamais aussi bien ici.

Le vide qui s'apprêtait à ne faire qu'une bouchée de moi se dissipe aussitôt que ma nonna apparaît dans mon champ de vision.

Nonna: Esmée!

Elle me prend dans ses bras et me serre si fort que j'en ai presque de la peine à respirer. Comme une couverture, ses bras autour de moi viennent réchauffer mon cœur. J'avais peur qu'elle me rejette ou qu'elle soit froide avec moi parce que j'ai coupé les ponts après la mort de mes parents. Je suis rassurée de voir que rien — ou presque — n'a changé.

Le reste de ma famille vient également nous accueillir et ils s'empressent d'attraper nos valises afin de les amener à l'intérieur. Ils viennent ensuite nous saluer convenablement et nonna me lâche pour s'attaquer à ma sœur.

Je fais les présentations avec Mathieu, l'introduisant à ma famille. Il est directement bien intégré, mes cousins sont déjà en train de lui parler de « sujets d'hommes » selon les normes, c'est-à-dire le foot, les voitures et ce genre de conneries.

Assaf a déjà rencontré tout le monde donc ils se réjouissent de le revoir et on nous invite très vite à entrer dans la maison.

Nonna: Vous voulez boire quelque chose? Comment était le trajet? demande-t-elle en italien.
Moi: Volontiers, on a soif. Et c'est allé, je réponds dans la même langue.

On discute de tout et de rien, tous entassés dans le salon qui est tout de même assez grand. La maison familiale est faite pour tous nous accueillir, aussi nombreux que nous sommes.

Ma tante s'assoit à côté de moi et elle caresse doucement mes cheveux avant de m'offrir un sourire bienveillant.

Olivia: Tu ressembles terriblement à Valentina, tu es son portrait craché.

Malgré mes tentatives de ne pas penser à eux, cette maison et ses habitants me rappellent constamment mes parents. Étrangement, il n'y a que de bons souvenirs qui refont surface et ça me fait sourire.

Nonna: Vous voulez aller dormir? J'imagine que le trajet vous a fatigués.
Ludovica: Si nos chambres sont prêtes, oui.
Nonna: Oui, tout est prêt.
Moi: Merci.

On salue tout le monde et on part à l'étage. Assaf bouscule Mathieu dans l'escalier pour rire et ce dernier manque de le faire passer de l'autre côté de la barrière, il n'est pas de très bonne humeur.

J'observe chaque recoin de la maison, comme pour être sûre que rien n'a changé. Que tous les moindres détails sont restés intacts, comme je les ai enregistrés dans ma mémoire. Que la plante verte soit restée au même endroit que dans mes souvenirs. Que c'est bien ici que je venais chaque été avec mes parents. Que cette maison garde toujours en elle nos bons souvenirs et leurs traces.

Assaf: Bon allez dormez bien, dit-il en faisant un clin d'œil.
Mathieu: Ferme ta- il commence mais je l'arrête en posant ma main sur sa bouche.
Moi: Bonne sieste.

Ludo glousse et elle entraîne Assaf dans sa chambre avec elle. Je lève les yeux au ciel et j'enlève ma main de la bouche de Mathieu. Il soupire et il croise les bras.

Mathieu: Elle est où la chambre?
Moi: Patience.

Je le guide jusqu'à notre chambre qui est mon ancienne chambre. Je m'arrête pour la regarder et je suis soulagée de voir que rien n'a changé. Les meubles sont toujours là, le rideau blanc est toujours là, les photos accrochées au mur sont toujours là. Tout va bien.

Nos valises sont posées par terre et je me baisse pour ouvrir la mienne. J'entends la porte claquer et Mathieu s'assoit sur le lit. Je sors mon pyjama et je me change vite avant de m'allonger.

Mathieu: Tu vas dormir? me demande-t-il en posant son regard sur moi.
Moi: C'est pour ça qu'on est venus ici, non?

Il souffle et s'allonge à côté de moi. On se met tous les deux à fixer le plafond et je tourne la tête pour le regarder.

Moi: T'as quoi aujourd'hui?
Mathieu: J'suis fatigué, j'suis pas d'humeur, dit-il en fermant les yeux.
Moi: Ouais, cette sieste va nous faire du bien, je pouffe.

Il me tire par la hanche pour me rapprocher de lui et il embrasse ma tempe.

Mathieu: T'as fait ton choix? Pour les études? C'est dans un mois.

L'autre jour je lui ai enfin parlé de ma décision de reprendre mes études, de mes hésitations entre Paris et Lausanne. Je crois que c'est pour ça qu'il est énervé, en fait. Énervé d'être le dernier au courant. Je peux le comprendre, je n'avais juste pas les couilles de lui en parler.

Moi: J'ai fait mon choix il y a longtemps, bébé.
Mathieu: Donc tu rentres chez toi?

Il ouvre les yeux et me questionne du regard.

Moi: Je suis chez moi à Paris, maintenant. C'est là-bas que je reste.

Un léger sourire prend place sur son visage pour venir l'illuminer, comme le soleil vient timidement illuminer les matins d'hiver.

Mathieu: C'est là-bas qu'est ta place, avec moi. Avec nous tous. Crois pas qu'on t'aurait laissée partir.
Moi: J'en doute pas.

Je l'embrasse en souriant et il agrippe mes fesses mais je le repousse doucement.

Moi: Ils ont pas l'habitude de toquer avant d'entrer par ici, on va éviter de faire ça.

Il rigole de bon cœur et lève les mains en l'air.

Mathieu: On va éviter de traumatiser ta nonna alors.

Je souris en coinçant ma lèvre inférieure entre mes dents. Cet homme est devenue mon ancre dans ce vaste océan qu'est la vie et partir loin de lui me mènerait qu'à une chose: la noyade.

WIOSNA / PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant