WIOSNA / PLK

54 / MATHIEU

18 août 2022, 15:34. Clamart.

La tête dans mon bol de céréales, j'écoute la conversation de mon frère et ma sœur. Leurs histoires de collégiens sont très peu intéressantes mais je me dois de les écouter, afin de collecter des informations compromettantes sur eux que je pourrais utiliser plus tard.

Je suis rentré en France tandis qu'Esmée est restée en Italie, j'étais obligé parce que j'ai un festival ce soir sur Paris et Antoine a refusé que je fasse un faux plan. Je ne suis pas de très bonne humeur, je n'ai pas l'habitude d'être aussi loin de ma meuf.

Enzo: Mais en fait Clémence elle est grave amoureuse de moi donc je comprends pas pourquoi elle fait pas le premier pas.
Lena: Pas du tout... dit-elle en secouant frénétiquement la tête. Elle a posté une photo avec Loïc hier.
Enzo: Tu comprends pas, souffle-t-il. C'est pour me rendre jaloux.
Moi: Et visiblement ça marche bien, marmonnais-je sans relever la tête de mon bol.

Lena rigole mais mon petit reuf ne semble pas vouloir rire.

Enzo: Tais-toi parce que quand c'est Esmée qui poste des photos avec des gars, on en entend parler pendant une semaine!
Lena: Ça c'est vrai, il marque un point.
Moi: Oui mais Esmée c'est ma meuf, ta Clémence elle te donne pas l'heure contrairement à ce que tu penses. Fermez-la bande de morveux.

Ils pouffent de rire et chuchotent entre eux pendant que je continue de parler dans ma barbe.

Mamie: Vous avez fini? demande-t-elle en débarquant dans la cuisine.
Moi: Non, pas encore.
Enzo: Math' il prend tout son temps pour manger.
Lena: Il pense trop à Esmée, c'est pour ça, dit-elle en prenant volontairement une voix mielleuse.

Je leur mets une tape sur l'arrière de la tête aux deux, ces deux gamins méritent d'être remis à leur place. Ils essaient de me traiter comme une victime, ils profitent un peu trop de ma gentillesse.

Mamie ricane et elle s'assoit à côté de moi avant de pincer ma joue.

Mamie: T'as intérêt à la garder celle-là, t'as jamais été comme ça avec une autre fille.
Lena: T'es amoureux d'elle? demande ma petite sœur avec des étincelles dans les yeux.
Moi: Laissez-moi tranquille.

Ils croient pouvoir arracher ce genre de mots de ma bouche... Je pense qu'ils rêvent un peu trop.

19:56. Paris.

J'écrase mon mégot dans le cendrier et je me lève en tapant dans mes mains. On a assez squatté la loge, il serait peut-être temps pour nous de la quitter et aller nous promener dans le festival. J'ai déjà fini mon concert et j'me suis douché, je suis prêt pour la suite. C'est un des avantages d'être artiste, t'as accès aux concerts des autres artistes du festival en VIP.

Ormaz: Y a Burbigo qui passe à 20h, on y va?
Moi: J'suis grave chaud.

On récupère nos affaires et on y va. Je passe à peu près incognito dans le festival avec une casquette, les gens sont trop concentrés sur mon pote Deen pour me remarquer. On se faufile facilement jusqu'au coin VIP et on arrive à temps pour le début du concert.

Deen: Paname est-ce que vous êtes chauds? hurle-t-il dans son micro.

Le public crie en retour et ça fait automatiquement sourire mon pote. Je souris également, ça fait plaisir de le voir en action. Il commence son concert et avec les gars on se retrouve obnubilés par le spectacle.

Tortoz: Y a des meufs là-bas qui veulent nous rejoindre, me glisse-t-il à l'oreille.

Je hausse les épaules.

Moi: Si vous voulez, faites-vous plais'.

Il hoche la tête et il va inviter les meufs dans le carré VIP. Une petite blonde se faufile entre les gars pour venir se poser contre la barrière, juste à côté de moi. Je l'ignore et je me concentre sur le concert.

Blonde: Il est fort hein, dit-elle par-dessus la musique.
Moi: Ouais, je réponds toujours sans lui accorder de regard.
Blonde: Vous faites quoi après avec tes potes? Y a une soirée sur Paris, vous venez?
Moi: Les gars peut-être, faut leur demander.
Blonde: Toi pas?
Moi: Non, je pense pas. J'ai autre chose à faire.

La blonde ne lâche pas l'affaire, elle me questionne pour savoir pourquoi je ne veux pas les rejoindre.

Blonde: T'es toujours avec Olympe, c'est ça?

Je tourne la tête et je la regarde un peu mieux pour tenter de savoir qui elle est. Elle doit me connaître d'anciennes soirées où j'allais avec Olympe. Malheureusement pour elle, son visage ne me dit rien.

Moi: Non. Tu la connais?
Blonde: Un peu. Vous veniez à nos soirées ensemble, y a 1 an ou 2.
Moi: Possible mais ça me dit rien.
Blonde: On peut aller chez moi, je te rafraîchirai la mémoire.

Je comprends à son ton que j'ai certainement passé une nuit avec elle il y a longtemps mais je n'en ai gardé aucun souvenir. Elle sourit malicieusement mais elle se fait couper dans son élan par la sonnerie de mon tél. Je sors mon tél de ma poche et je souris en voyant un appel Facetime de ma dulcinée.

Moi: Tu m'excuseras, je dois prendre l'appel. C'est urgent.

Je m'éloigne de la scène et je décroche. Le visage d'Esmée rougi par le soleil apparaît sur l'écran.

Esmée: Coucou. Tu fais quoi?
Moi: On est encore au festival. T'entends pas?
Esmée: Ouais, j'entends tout sauf toi.

Je souris. Elle a vraiment l'air heureuse en Italie, ça me met du baume au cœur. Je suis content qu'elle aille mieux, je crois qu'elle a réussi à y guérir quelques blessures du passé.

Moi: Je viens de me faire draguer par une blondasse.
Esmée: Elle était belle au moins j'espère, que j'aie de quoi être jalouse.
Moi: Magnifique, je mens.

Son sourire s'agrandit et elle hoche la tête.

Esmée: Amusez-vous bien dans ce cas.

Je pouffe de rire et je regarde derrière moi en soupirant.

Moi: Ça va être long une semaine. Tu veux pas rentrer plus tôt?
Esmée: Arrête de faire l'enfant Pruski. Tu peux survivre sans moi pendant une semaine.
Moi: Arrête de m'appeler comme ça, j'suis pas ton ami, dis-je fermement.
Esmée: D'accord bébé.

Qui aurait cru que je deviendrais aussi accro à cette meuf que je ne pouvais pas me voir en peinture au départ... Cette meuf dont je me méfiais autant... Qui aurait cru qu'une simple meuf suffirait à adoucir Mathieu Pruski... J'ai presque honte d'être autant mielleux et fleur bleue avec elle, elle me rend complètement gaga.