chapitre 17: Loin des yeux près du coeur

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Je redoutais les nuits car je me retrouvais seule avec ma tristesse et mon désarroi.
Les matins, le réveil était devenu pénible. Je me levais de plus en plus difficilement. Son absence me troubla au plus haut point, de tel sorte que je n'en dormais quasiment plus. Mes nuits étaient ponctuées de rêves sensuels qui se finissaient en cauchemar. J'en avais le sommeil agité.
Mes rêveries étaient les mêmes, tous les soirs depuis qu'il m'a quittée. Je rêvais de notre première nuit ensemble, de ma première expérience, et de toutes les fois qu'il m'avait prise dans ses bras; de la chaleur de son corps qui m'étreignait et le mien qui s'enflammait. Dans mes songes, je ressentais la puissance de ses muscles. Nos corps s'unissaient inlassablement. J'avais la sensation de pouvoir ressentir la douceur de sa peau, le parfum de sa chevelure mais, au bout du compte, Thranduil finissait toujours par disparaître. Je le voyais s'éloigner de moi. Je restais figée, immobile. Je le regardais tandis qu'il m'abandonnait. Le décor, lui, n'était jamais le même. Tantôt la scène se déroulait dans le jardin, puis au bord de la rivière mais très souvent, cela se passait à l'intérieur de la maison.
Trop souvent, je me réveillais en pleurs.

Je recherchais un remède. J'avais tout essayé. J'ai changé mon alimentation. Je mangeais en grande quantité et de façon variée. Je mâchais lentement afin de déclencher la satiété et provoquer un endormissement plus rapide grâce à la digestion. Je réalisais de micro-siestes.
Toutes les solutions étaient bonnes à prendre pour pouvoir palier à ce manque de sommeil.
Quand toutes les méthodes précédentes échouaient, je les remplaçais par des activités physiques, bien qu'il n'en manquaient pas dans une exploitation agricole. J'essayais de me coucher tôt puis tard. J'essayais de divertir mon esprit en apprenant par coeur les index médicaux ainsi que toute la pharmacopée des plantes médicinales de ma mère.

Je n'avais pas obtenu le résultat escompté; à dire vrai, je n'avais eu aucun résultat. Pourtant, je n'ai jamais été insomniaque.
Etais-je devenue une personne au sommeil léger et fragile? Ou bien étais-je devenue mentalement instable, une désaxée notoire?
Je faisais grand cas de ma situation alors que je devais, simplement, relativiser les faits.
Je devais, surtout, rester attentive aux exigences de mon corps, comme me l'avait sagement enseigné l'elfe.

Pourquoi toutes mes pensées menaient à lui? Je connaissais la réponse à cette interrogation intérieure. Je pensais à lui car j'en étais amoureuse, voilà la réponse!
Pensait-il à moi? De cela, j'en doutais fort car il est parti en ne laissant qu'une lettre. Il n'a pas eu le courage de m'affronter car pour sûre, il ne voulait faire face à mes larmes.
Il m'a délaissée. Je devais me faire une raison. Je devais laisser le passé au passé et aller de l'avant.
En dépit de ses adieux, je couvais clandestinement l'espoir qu'il me revienne. Ce n'était qu'un fantasme...mais quel doux fantasme! Je le conservais secrètement et précieusement dans un recoin de mon coeur.
Ne devais-je pas garder espoir, au lieu de sombrer dans les abysses de la dépression?

Une délicieuse odeur me fit sortir de ma chambre.

Nell avait pris l'habitude, depuis le départ de l'elfe, d'entrer sans frapper car elle ne souhaitait pas me réveiller. Souvent, j'étais encore couchée à son arrivée; alors elle me préparait du café et de temps à autre, elle m'apportait quelques tranches de pain que sa fille aînée avait fait. C'était vraiment très généreux de sa part!

Les cheveux en pagaille et en chemise de nuit, je me présenta devant elle. J'avais une drôle d'apparence.

_ "Bonjour, Mely. Tu as bien dormi?"

_ "Non, pas vraiment."

Je m'installa sur une chaise et Nell me donna une tasse pleine de café fumant.
J'enroula mes doigts autour la tasse comme pour me réchauffer. Je huma ce délicieux nectar.

POURQUOI NE VOIT-IL PAS MON COEUR SAIGNER ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant