POURQUOI NE VOIT-IL PAS MON COEUR SAIGNER ?

chapitre 28: Le jardin du roi

Thranduil s'approcha de l'escalier. Il regarda longuement les marches plongeant dans le vide.
A quoi pensait-il?
Le roi se retourna vers moi et m'invita à le précéder dans cette descente.

La cage d'escalier était sombre. A l'extrémité de ce long passage, je pouvais distinguer de la lumière.
J'étais placée devant cette interminable descente. L'elfe plaça sa main dans mon dos et m'inscita à descendre, en me donnant une légère impulsion. Il me suivit. Nous restâmes silencieux.
Cette clarté était attrayante. Je me dirigeais vers elle tel un papillon de nuit fasciné par le petit halo. J'étais comme hypnotisée. Plus je descendais dans les profondeurs, plus l'orbe s'agrandissait et devenait intense.
Je m'arrêta sur la dernière marche.
La luminosité était si forte que je dûs fermer les yeux un court instant.
Après quelques secondes, je les ouvris enfin. J'étais subjuguée par ce que je voyais.
La végétation était luxuriante. Le jardin me paraissait immense. C'était une explosion de couleur. Tous les camaïeux de vert étaient représentés. Les fleurs apportaient une touche d'improvisation dans ce tableau verdoyant, en ponctuant joliment ce cadre par de petites taches rouge, rose, blanc.
J'ai dû rester trop longtemps immobile pour Thranduil car il me contourna et s'empara de ma main. Je fixais ma main prisonnière dans la sienne. Je leva, lentement, le regard.
Mes yeux remontèrent doucement le long de son bras puis le long de sa magnifique chevelure. Mes yeux croisèrent son sublime regard.
Un sentiment étrange envahit mon corps.
Avais-je tort de me croire en sécurité?

Je me laissais guider. J'avais le sentiment de succomber à la plus terrible des tentations.
Pas une seule brindille dépassait la hauteur exigée. Instinctivement, je regardais mes pieds. Je me débarrassa de mes chaussures. Mon pied droit plongea le premier dans cette épaisse pelouse parfaitement taillée. Je pouvais sentir l'herbe me chatouiller la voûte plantaire. Elle m'arrivait jusqu'à la malléole.
Je fus surprise de voir que, sous le poids du jeune roi, l'herbe n'avait pas fléchi. Il ne laissa aucune empreinte de pas.
Je me libéra de sa poigne et je repris le contrôle de l'extrémité de mon membre.
J'entrepris de me balader. Il me suivit du regard. Thranduil épia chacun de mes mouvements.
Je parcourus les lieux, en silence.

_ "Voici mon jardin."

_ "C'est féerique!"

_ "Je te remercie du compliment."
Il était très fier de ce lieu que lui seul avait accès.

_ "Où sommes-nous exactement?"

_ "Je déteste me répéter; tu es dans mon jardin!"

_ "J'avais compris la première fois! Où vis-tu, exactement. Je ne vois que de la pierre autour de nous, depuis que j'ai quitté ma chambre. On m'a dit que les elfes vivaient en forêt, en communion avec la nature. M'a-t-on menti pendant tout ce temps?"

_ "Comme tu peux le constater, nous ne vivons pas tous dans les arbres. Mon palais est construit au coeur d'une montagne; pour ton information, nous ne faisons qu'un avec la nature."

_ "C'est vraiment extraordinaire. Est-ce que tu y viens souvent?" Dis-je par curiosité.

_ "J'aimerais m'y rendre plus souvent mais le temps me manque. Mon statut me laisse peu de temps à la détente."

Il me paraissait peiné.

_ "Je suis navrée."

_ "Ne le sois pas. À venir trop régulièrement, j'en perdrais tout plaisir.
Je n'aurais plus le goût de m'extasier devant chaque nouvelle fleur.
A vrai dire, lorsque j'ai besoin d'une envie irrépressible de me ressourcer, me recueillir et de retrouver le calme loin de l'agitation de la cours, je descends jusqu'ici."

Je continua mon exploration, tout en l'écoutant. Je contourna le jardin et passa à proximité d'une minuscule étendue d'eau alimentée par un fin filet de liquide cristallin. Je scrutait les moindres détails.