Chapitre 33 : retrouvailles

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Jeudi 23 décembre 2019


Tous.

Les dix-huit.

Je les ai tous tués.

Je suis encore dans la frénésie meurtrière qui vient de m'arriver, quand avec Lucas nous sortons du château et détalons dans les ruelles en pentes douces de la capitale.

Mon frère n'a rien vu de ma folie sanglante, car je ne lui ai dit de rouvrir les yeux qu'une fois les portes franchies. Comment aurait-il réagit à la vue d'une vingtaine de cadavres, déchiquetés, à moitié brûlés, flottant dans un bain de sang ? Il a déjà haussé les sourcils quand il a remarqué les giclées de sang sur mon sweat, alors je ne veux même pas penser à la réaction qu'il aurait eu dans le hall.

Nous courons toujours parmi les passants, qui, en plein milieu de l'après-midi à la veille du réveillon de Noël, semblant pris d'une fébrilité acharnée pour acheter le plus possibles de derniers cadeaux de Noël. Nous nous fondons donc parfaitement dans la foule excitée et pressée.

Lucas me tire derrière lui et je me prends quelques personnes en pleine face durant notre course. Mais au bout de je ne sais combien de temps (mes pensées m'ont tellement occupée qu'il aurait pu se passer cinq, comme vingt minutes, que je ne verrais pas la différence), nous descendons d'une marche le long d'une artère secondaire de la ville, et nous entrons dans la boutique d'un serrurier.

-C'est moi, Gérard.

Le serrurier, derrière son établit, avait relevé la tête à notre entrée, tournant vers nous son regard vide (ses yeux blancs laiteux me firent un drôle d'effet), mais à l'entente de la voix de mon frère, il sourit et dit :

-Bien, bien... Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu de vos nouvelles, jeunes gens. Je suppose que vous êtes venus comme d'habitude pour vous poser loin de l'agitation de la ville ? Comme je vous comprends, je faisais de même, à votre âge. Ah, le bon temps... Quoi qu'il en soit, vous pouvez vous poser au-dessus dans mon salon, je l'ai rangé hier-même ; mais ne cassez rien cette fois-ci !

-Oui bien-sûr, Gérard, on fera attention. D'ailleurs, Randel ne devrait pas tarder à arriver, tu lui diras qu'on est à l'étage.

A la mention du prénom de Randel, le serrurier montre un visage d'incompréhension.

-On ?! Qui est avec toi, alors ?

-Ma sœur. Comme elle n'est pas souvent en ville, on passe la journée ensembles.

-D'accord, d'accord... Comment t'appelles-tu jeune fille ?

-Katerina, monsieur.

-Ah non, non ! Pas de monsieur ici ! Appelle-moi Gérard, comme tout le monde. Bien, bien... Alors surveille-moi bien ton frère et son ami, parce qu'ils font toujours n'importe quoi quand ils sont tous les deux ensembles !

-Bien sur ! Vous pouvez compter sur moi !

Et je suis Lucas qui monte à l'étage par un escalier de ferraille en colimaçon décoré de roues d'engrenages de toutes tailles et de toutes couleurs, ainsi que des fleurs séchées coincées entre les entrelacs et engrenages rouillés des roues métalliques.

Le petit appartement dans lequel nous nous retrouvons est admirablement bien agencé et donne tout de suite une impression de familiarité et de sécurité, ce à quoi je ne m'attendais pas vraiment, à la vue du vieux bonhomme tout décati qui nous a accueilli il y a à peine une minute.

Princesse du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant