Chapitre 30 : le Roi Raphaël

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Jeudi 23 décembre 2019


Aujourd'hui je vais me révéler au monde.

Aujourd'hui je vais rencontrer mon père.

Aujourd'hui je vais être connue du grand public.

Aujourd'hui je vais devoir me battre pour vivre.

Aujourd'hui je vais peut-être mourir.

...

Quelle joie, vraiment, dans ma tête... J'ai passé la nuit hier à réfléchir, sans parvenir à m'endormir ; dans les bras d'Evan qui était bourré, et a insisté pour que je dorme dans son lit.

Et ce matin j'ai reçu un message par vent de la part de Lucas, qui me disait avoir réussi à annuler tous les rendez-vous du Roi de l'après-midi pour que je puisse le rencontrer. Le Roi ne sait absolument pas pourquoi son fils lui a libéré son après-midi, je ne sais pas s'il sera heureux de la surprise...

Je m'entraîne une fois de plus à ma magie ce matin. De manière différente que les précédentes, cependant, car j'ai les yeux bandés et je me bats (amicalement, biensûr) contre Evan et Lia en même temps. Et je suis trop forte pour eux-deux : je maîtrise tellement bien mes flammes et ma puissance qu'ils ne peuvent rien faire contre moi, pour qui cet entraînement s'est transformé en balade de santé.

Puis après le repas du midi, Evan m'accompagne jusqu'au palais pour me protéger, même si je porte une cape avec une capuche sur moi, qui me cache à merveille (et me fait un peu ressembler à un assassin, j'avoue). Sur le chemin il me donne une liste de conseils sur la manière de parler et de se comporter en présence du Roi, et je l'écoute sans rien dire car je n'ai pas le cœur de lui dire que de savoir s'il faut dire "Votre Majesté" ou "Votre Altesse", je m'en fous totalement, et ce n'est pas ce qui va décider de ma vie.

Une fois arrivés à la porte du lion, une des nombreuses portes non-officielles du château, Evan me souhaite bonne chance en m'embrassant, et je sens l'intensité qu'il y met, comme s'il allait être le dernier que l'on partagerait. Ce qui est très possible...

Stop.

Pas de mauvaises pensées.

Un mec qui ressemble à un aristocrate allant sur sa vingtaine s'avance vers moi alors que je passe sous le linteau de la porte, et me demande si je suis bien Katerina.

-Oui, c'est moi. T'es qui ?

-Randel Kinsten, héritier du duché de Kinsten-Langforst, garde du Prince Dauphin, et confident de Lucas.

Il se penche vers moi et me prend le bras, nous faisant paraître comme un couple et nous fondant dans la masse de gens qui transitent par la porte à nos côté, et me susurre à l'oreille :

-Lucas m'a tout dit, mais ne t'inquiète pas, te protéger est dans mon intérêt car je suis son amant.

Je hoche la tête et il m'entraîne parmi les salles, cloîtres et couloirs du palais. Au bout de dix minutes de marche nous arrivons devant une porte en fer avec des dorures formant des arabesques dessus, gardée par trois gardes en armures étincelantes et l'épée à la hanche, devant laquelle se tient Lucas, en habits d'apparats et le visage fermé.

Il salue Randel d'une courte embrassade silencieuse, fais de même avec moi, puis d'un geste aux gardes royaux, fait ouvrir la porte, et me propose son bras (ce qui est beaucoup plus galant que ce qu'à fait son mec tout à l'heure). Je m'y accroche fermement car il est mon seul appuis ici. Je me retourne pour voir Randel une dernière fois qui me sourit, puis je m'avance avec Lucas, pour enfin rencontrer mon père.

Nous nous trouvons dans un grand bureau ovale, avec des bibliothèques pleines de vieux livres reliés et ornées de bannières colorées. La moquette rouge délavé montre  l'ancienneté de la pièce, ainsi que les miroirs en panneaux qui remplissent à la place des livres tout un étage des bibliothèques et font le tour de la salle, et qui me rappellent la galerie des glaces à Versailles. Au fond de la pièce se trouve un grand bureau en verre et acier, modernité qui tranche plutôt positivement avec le mobilier qui l'entoure, sur lequel est penché un homme dans la force de l'âge que je devine être le Roi Raphaël, mon père.

-Papa.

-Lucas.

A l'entente de la voix de son fils, mon père relève la tête. Il s'arrête un instant à ma vue, puis se lève, un grand sourire aux lèvres, et s'avance vers nous.

-Mon fils, si j'avais su que tu avais annulé tous mes rendez-vous pour me faire rencontrer ta future femme, je ne t'aurais pas...

-Non, papa.

Lucas a parlé fort pour stopper notre père. Ce dernier fronce les sourcils.

-Que me dis-tu ?

-Ce n'est pas ma future femme.

-Ce n'est pas l'élue de ton cœur ?

-Non, et ce ne pourra pas l'être.

-Qu'est-ce que tu me chantes, mon fils ? Et puis d'abord, qui êtes-vous jeune fille ?

Je serre fort le bras de Lucas, avale difficilement ma salive et retire ma capuche avant de répondre.

-Je suis Katerina Lebrun... magicienne du feu.

-Pardon ?! Mais c'est impossible !

Je fais apparaître pendant quelques secondes une flamme en forme de navire tel qu'il y en a dans le port, sans lâcher du regard mon père, le Roi, qui en reste bouche bée.

-Que... Comment est-ce possible ?

Le Roi retourne s'asseoir et nous fais signe en nous désignant les sièges faisant face à son bureau. Tandis que nous nous asseyons avec Lucas, j'explique à mon père mon histoire.

-Il y a vingt ans, au mois de juillet vous êtes venu sur Terre et avez rencontré ma mère dans un bar. Vous avez couché avec elle, et je suis née neuf mois plus tard. Je n'ai appris que j'étais magicienne qu'il y a une semaine, et le temps de savoir qui était mon père, de vous ou du Prince Pierre, j'ai appris à maitriser ma magie qui a causé pas mal de dégâts sur Terre, et me voilà devant vous.

-Et Lucas dans cette histoire ?

Je me tourne vers mon demi-frère qui me comprend d'un coup d'œil et prend le relais.

-Je l'ai rencontré il y a quelques jours dans un bar de la capitale, et elle m'a avoué son identité.

Le Roi a le visage de plus en plus blanc, et je n'arrive pas à lire ses émotions, ce qui m'inquiète un peu.

-Quel âge as-tu, rappelle-moi ?

-Dix-neuf ans, je suis plus vieille que Lucas de quatorze mois.

-Et comment es-tu sûre d'être ma fille et pas ma nièce ?

-Test ADN.

Sur ces mots je sors le tube et le lui tend.

-Je me suis fait des amis à Islya entre-temps. Quelqu'un qui travaille au château a pris un de vos habits et l'a amené au laboratoire de l'IEBM de Mirasi. J'ai eu les résultats hier soir.

Le Roi me prend le tube des mains et l'examine, comme hypnotisé par le liquide bleu qui y est contenu.

-Tu es réellement ma fille alors ?

-Oui.

-Et toi Lucas, pourquoi es-tu là ? Tu l'accompagnes juste ?

-Non papa. Je dois te dire quelque chose qui me tient à cœur, et qui a un rapport plus ou moins direct avec Katerina.

-Eh bien, je t'en prie mon fils, je crois qu'après ce qui vient de se passer, je ne peux plus être surpris ni choqué de rien !

-Je suis gay, j'aime Randel Kinsten et je souhaite laisser le trône à ma sœur, qui en tant qu'ainée en est l'héritière légitime.

Ça y est, la bombe a été lâchée.


Princesse du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant