Chapitre 36 : l'île

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Vendredi 24 décembre 2019


Je tiens plus longtemps que ce que j'escomptais (et que ce que les autres pensaient également, vu leurs têtes étonnées), car soudain, j'entends Lucas me crier et me sortir de ma torpeur :

-Île à tribord !

Je prends cela comme un signe, de plus le fait que les bateaux royaux sont assez loin sur l'horizon, pour stopper mes jets de flammes, et m'effondrer sur le pont arrière du navire d'Aline.

Lucas lâche immédiatement la barre en m'entendant tomber, et se précipite sur moi pour s'assurer que je vais bien.

-Franchement t'as assuré Kate, On va arriver à l'île juste avant qu'ils ne nous rattrapent ! Je n'avais jamais fait ça, et je te jure tu m'impressionne ! T'es vachement plus douée que moi, c'est dommage que t'ai pas appris à maîtriser ta magie plus tôt, parce que t'aurais été la plus puissante magicienne du feu depuis plusieurs générations !

Super... Au lieu de me faire compliment sur compliment alors que je suis à bout de force et près de m'évanouir, il devrait se dépêcher d'amener le bateau jusqu'à l'île !

-L'île... il faut y aller... vite...

-Oui, oui, on y va, on y sera d'ici trente minutes, ne t'inquiète pas, tout va bien se passer.

Durant les trente minutes imparties, je tente de reprendre des forces, car je suis réellement pas en forme. Tout va bien se passé. Il faut en rester persuadé.

Bientôt mes trois comparses se précipitent de tous les côtés pour ramener les voiles et rentrer le phoque (voile à l'avant du bateau et qui sert à la direction du navire), et je sens le bateau entrer à vive allure sur les terres et s'échouer à l'est de l'île.

-Pas de temps à perdre ! Randel et Aline vous aidez Kate, et moi je monte devant pour ouvrir le portail ! Ils ne vont pas tarder, d'ici dix minutes ils seront à terre !

Je lève la tête pour faire face aux roches devant moi, qui ressemblent à une forteresse imprenable. Putain ! Cette île est immense !

Je regarde de tous les côtés tandis que Randel et Aline m'aident à grimper le long des rochers. Cette île est plus grande que la ville entière de Mirasi ! Comment est-ce  qu'on peut trouver un simple portail là-dedans ? Surtout qu'un portail fait à peine plus de trois mètres de diamètres, et il peut être placé horizontalement ! Jamais on va le trouver à temps...

Je m'appuie légèrement sur Randel tandis qu'on court tous le plus loin possible dans l'île, pour parvenir aux premiers fourrés avant que les gardes royaux ne nous rattrapent. Une fois à l'abri, j'écoute par-dessus le vent qui souffle dans les feuilles, le bruit des cris des soldats à notre poursuite qui sont parvenus sur le plateau, à quelques dizaines de mètres de nous, et qui commencent à fouiller partout pour nous trouver.

-Lucas, tu sais où il est le portail ?

Lucas me souris, puis nous dessine par terre avec quelques branches un plan de l'île ainsi que le chemin que nous devons faire pour rejoindre notre porte de sortie.

-On n'aura pas à quitter le couvert des arbres, par contre il faudra faire attention à plusieurs endroits où la végétation sera moins dense. Enfin où elle est sensée y être. Je ne suis jamais venu sur cette île auparavant, mais j'ai pas mal étudié les livres des anciens magiciens du feu qui y sont venus, et j'ai longuement écouté quand j'étais petit les histoires de mon père et de mon oncle où ils me racontaient leurs excursions et comment ils parvenaient au portail sans que mon grand-père l'apprenne.

On hoche tous les trois de la tête avec Randel et Aline, puis On se relève, et on décampe. Je suis de base moins sportive que mes trois camarades, et là j'ai en plus plus beaucoup de forces, alors je ne fais que les ralentir.

Mais je ne peux pas m'arrêter. Car apparemment les gardes ont eux aussi un plan pour parvenir jusqu'au portail, on les entend non loin de nous qui courent dans les bois.

Alors j'avance ; je me prends des racines ; je tombe dans des trous ; je me fais fouetter par des branches, et griffer par des ronces. Mais je continue. Je suis les autres de plus en plus loin, car je ralentis ma course et commence à haleter.

Je n'en peux plus. Je ne vais pas tenir. Ma magie m'a épuisée, et je n'ai pas eu le temps de reprendre des forces. J'ai l'impression d'être au bord du précipice. Le noir, le sommeil, le néant me tendent les bras et m'appellent. Ce serait tellement plus simple de me laisser couler en eux. De tout oublier, de laisser tomber...

-Elle est là ! Je la vois ! Attrapez-la !

Je sursaute à l'entente de la voix rauque d'un homme qui s'époumone sur ma droite. Un garde. Un ennemi. La mort.

Et mon instinct de survie répond pour moi. Je projette sur l'homme une boule de feu, qui m'épuise encore plus, mais qui lui, le tue.

Encore un. J'ai tué un homme. Une fois de plus.

Mais qu'est-ce que ça peut me faire ? il est mort maintenant de toute manière. Alors je vais pas aller le pleurer alors que c'était lui ou moi. La vie c'est la jungle, il faut se battre pour y arriver (encore une ref, j'en peux plus de moi, aller chercher les paroles des Inconnus dans un moment aussi critique c'est bien moi). Et j'ai gagné. Il est mort et pas moi. Et je recommencerai avec chaque mec qui se pointera entre moi et le portail. Même si je dois en mourir. Qu'au moins je sauve les autres. Ils ne méritent pas d'être poursuivis comme des voleurs et des criminels.

Alors je cours. Je cours, et je rattrape les autres. Ils sont tous les trois essoufflés, mais nous ne sommes plus très loin du point de chute. Nous venons de passer à côté d'une très vieille souche qui doit avoir près de mille ans vu la circonférence du tronc qui a été coupé, ce qui est le signe que le portail se trouve dans un rayon de vingt mètres autour de nous. Maintenant il n'y a plus qu'à le chercher parmi la dense végétation qui nous entoure, et ça ne va pas être une partie de plaisir...


Princesse du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant