Chapitre 32 : fuite

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Jeudi 23 décembre 2019


Je me concentre fort, car le combat m'a pris beaucoup de mes forces et je sens que je ne suis pas en pleine possession de mes capacités, et je force ma magie à sortir, brisant les chaînes de magie qui m'entravaient ; et propulsant sous la force de la magie surpuissante à l'état brut, les cinq autres personnes dans la pièce contre les murs.

Immédiatement la magie des gardes est fortement perturbée, et ils relâchent Lucas, vers qui je me précipite aussitôt.

-Lève-toi ! On y va !

Tous sont sonnés, et je parviens à lancer d'une main des jets de flammes qui déstabilisent et tiennent occupés nos ennemis, tandis que de l'autre je tire Lucas derrière moi jusqu'à la porte de la pièce.

-Tu franchis cette porte Lucas, tu seras toi aussi condamné ! N'oublie pas qui est ta réelle famille, et quel est ton rôle et ta place !

Avec Lucas nous nous retournons vers notre père, qui s'est relevé et nous fusille d'un regard noir de colère et de haine.

-Ma vraie famille, c'est celle qui m'aime pour ce que je suis et qui ne me force pas à être quelqu'un d'autre.

Et sur ces mots il crée une barrière de flammes, lumineuses comme je n'en ai jamais fait, tellement large qu'elle nous enlève à la vue des quatre hommes nous faisant face ; et il m'entraîne à sa suite hors de la pièce dans laquelle nous n'avons en tout pas passé plus de quinze minutes.

On court à travers les couloirs et les salles, on emprunte quelques passages cachés que je n'aurais jamais trouvé par moi-même si j'avais dû m'échapper seule. Une fois arrivés dans une petite pièce vide et éclairée seulement par une torche présente à une dizaine de mètres dans un couloir qui nous fait face, Lucas s'arrête, et j'en profite pour récupérer ma respiration.

-C'était quoi cette vague magique tout-à-l'heure ?

-Ma mère est une magicienne de l'amour, j'ai hérité de ses capacités à projeter sa magie hors d'elle qu'elle a développé lors de la répression contre les magiciens de l'amour.

-Une magicienne de l'amour ?! Mais ils sont sensé avoir tous disparus il y a quarante ans ! Enfin, on est pratiquement sûrs qu'il en reste un petit groupe quelque part dans Islya, mais sur Terre... ?!

-Et bien oui il y a une communauté de magiciens de l'amour sur Terre.

-Alors c'est là qu'on doit aller se réfugier.

-Se réfugier ?

Lucas me regarde gravement.

-Je crois que tu n'as pas encore tout-à-fait compris ce qui vient de se passer... On est tous les deux, ainsi que Randel, condamnés à mort.

-Mais tu es l'héritier ! Il ne peut pas te tuer, tu es encore le seul enfant légitime qu'il a !

-Plus maintenant. L'enfant que porte ma mère se porte très bien d'après les derniers rapports médicaux, et il pourra très bien prendre la suite de mon père...

-Alors comment on fait ?

Lucas ferme les yeux et se pince l'arrête du nez plusieurs secondes le temps de réfléchir.

-Le portail de feu se trouve sur une île à quatre heures de bateau au nord de la capitale. Il faut qu'on trouve Randel au plus vite et qu'on se dépêche d'y aller, notre temps nous est compté.

-Et comment on retrouve ton copain ?

-On va à l'endroit où on se retrouve à chaque fois, la boutique d'un serrurier aveugle à quelques minutes du château.

Et on est reparti pour se faufiler dans le palais sans se faire voir. Tâche immensément pus difficile que tout-à-l'heure puisque le Roi a dû donner l'ordre de nous attraper, et des gardes se trouvent à tous les coins de salles et dans les couloirs.

Nous parvenons tant bien que mal en vue de la porte de sortie du château, par laquelle je ne suis encore jamais passée... et qui est gardée par une dizaine de gardes.

-Qu'est-ce qu'on fait ?

Lucas me fait un clin d'œil qui se veut rassurant et me dit :

-La même chose que toi tout-à-l'heure, en espérant que ça marche une seconde fois.

Je fronce les sourcils et ouvre la bouche pour lui demander de quoi il veut parler, mais au même moment, deux silhouettes avec des flammes dans les mains se coulent entre les colonnes du hall et avancent sans grande discrétion vers la porte gardée.

Aussitôt six des dix gardes se précipitent sur elles en criant, et commencent à les poursuivre dans les couloirs. Lucas a fermé les yeux pour rester concentré ; il me prend la main, et je l'entends me dire d'une voix coupée :

-Je dois garder les yeux fermés. Pour être sûr de... garder les silhouettes vraisemblables. Tu dois me mener. Et t'occuper... des gardes qu'il reste.

Bordel de merde. Voilà que je suis responsable de deux vies maintenant ! Comme si une ce n'était déjà pas assez compliqué ! Sauf que je n'ai pas totalement récupérer de mes forces, et je ne peux pas tenter une seconde fois le coup des doubles enflammés, ça serait directement cramé. Il va donc falloir que je me montre créative une fois de plus... Comment je vais nous sortir d'une telle merde ?

Au moment où je me dis que je vais y aller comme une brute, en espérant qu'une confrontation frontale les perturbera assez pour que j'ai le dessus et qu'on puisse passer les portes avec Lucas, j'entends des bruits de gens qui accourent dans notre dos. Je nous renfonce dans l'espace entre deux colonnes de pierres brunes dans lequel nous nous trouvons, laissant passer sans qu'elle nous voit, une troupe de gardes qui rejoint ceux déjà présents devant la porte. Là ça devenir plus compliqué de s'échapper...

Mais je ne peux pas abandonner. Ma vie a beau avoir l'air complètement foutue, elle ne me sera pas enlevée sans un ultime combat. Ils ne nous auront pas facilement !

Du bras gauche je m'agrippe à Lucas pour qu'il avance avec moi sans crainte vu qu'il doit garder les yeux fermés, et dans ma main droite je forme un fouet de feu que je viens faire claquer avec force contre le sol de marbre blanc, faisant tourner les regards des gardes vers nous.

-Ce sont eux ! Attrapez-les, et empêchez-les d'utiliser leur magie !

Aussitôt tous les gardes se précipitent sur nous, et sans attendre je cingle de mon fouet le premier qui se présente à moi. Le feu que ma magie rend solide et mortel, abat le gars sur le champ, qui se retrouve sur le dos ; le tronc ouvert de haut en bas ; les organes à l'air libre ; mort.

Je l'ai tué. J'ai tué un homme.

Je n'ai pas plus le temps de réfléchir, qu'un autre garde m'attaque, une tempête de vent autour de lui comme protection. Protection bien insuffisante car mon fouet s'enroule autour, et, utilisant la force des vents composant la tempête, je fais se resserrer mon feu, jusqu'à ce qu'il réduise le diamètre de la tempête à zéro.

Je l'ai tué. J'ai tué deux hommes.

Combien encore jusqu'à ma liberté ? Aurais-je tué pour rien vu que je risque fortement de me faire attrapée ? Ou bien serait-ce les gardes qui seraient, eux, morts pour rien si je parviens à m'échapper avec Lucas ? Il n'empêche que je suis une meurtrière. J'ai dix-neuf ans et je viens de tuer deux hommes sans sourciller. Je ne suis plus la même ; à jamais. Car si je suis triste d'avoir enlevé la vie à des gens qui en soit ne m'ont rien fait et qui ne font qu'obéir aux ordres, cela ne me fait pas grand chose à moi-même, je ne me sens pas impactée par mes actes. Il y a quelques secondes j'ai été secouée à la vue de l'homme tomber, mort, sur le sol ; mais à l'instant, je ne ressens plus rien. Plus de dégoût, plus de choc, plus de tristesse ou d'angoisse.

Tout ce que je sais, c'est que je dois sortir d'ici avec Lucas, quel qu'en soit le prix.


Princesse du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant