Chapitre 8 - Partie 2 - Étann

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— Il s'agirait de faire mieux que ça.

Je vois rouge une seconde.

— Tu as essayé de me TUER ! crié-je, sous le choc.

— Je ne t'aurais pas tué. Au pire, tu aurais juste perdu conscience.

Un grondement menaçant me traverse et je me redresse.

— Tu es cruel ! Tu aurais pu me demander de faire autrement. Tu n'étais pas obligé de m'étrangler !

— Je n'ai fait ça que pour accélérer la cadence. Nous manquons de temps.

— Je ne suis pas un robot ni une machine ! Tu n'es qu'une bête sanguinolente. Tu n'as aucune sympathie, ce n'est pas comme ça que l'on entraîne...

— Ça suffit.

— Non ! Tu ne me diras pas de me taire. J'ai tout fait jusque là pour réussir à vous démontrer mon sérieux et j'ai le droit...

— Justement, dit James-Karl, ses yeux étincelants d'autorité. JE suis le PackAlpha de cette meute et TU as simplement le droit de te plier aux règles.

— Je refuse d'écouter un rustre qui se prend pour un prince.

Awu aboie. Cela nous rappelle à tous deux où nous sommes. La colère a brouillé mes pensées au point où j'ai avancé de deux pas vers l'Alpha. La tension est palpable.

— Tu n'as pas le choix, ajoute-t-il après quelques secondes. Si tu veux que je t'entraîne, tu devras apprendre avec mes méthodes.

— Je vais m'entraîner, oui, mais ne t'avise pas de me toucher à nouveau.

Il est furieux et de mon côté, je ne suis pas en meilleur état. Mon torse se soulève sous la rapidité de mon souffle saccadé. Je regarde mes mains.

S'il vous plaît, cher humain, pourriez-vous, si ce n'est pas trop vous demander, essayer de nouveau de faire sortir vos griffes.

J'exhale ma colère par le nez. Awu éternue.

Je le hais.

Je n'ai pas la moindre envie de tenter une nouvelle fois. Mes ongles me brûlent, même si ma peau est déjà en train de guérir.

Qu'est-ce que je suis devenu ?

Un gémissement de douleur quitte ma bouche quand j'exécute finalement sa requête.

— Je ne te demande pas ça pour le plaisir de te voir souffrir, tu sais ?

— Ah bon ? pantelé-je. Parce qu'on dirait.

— Tu as besoin de tes griffes, Étann, affirme-t-il. Elles te permettent de mieux t'accrocher aux arbres, de déchirer la peau et bien sûr, elles nous permettent de nous défendre contre les animaux sauvages, tout comme nos dents.

— Je n'ai pas vraiment l'intention de déchirer quoi que ce soit.

— Oh ! Et comment comptes-tu nourrir notre meute ? Penses-tu que nous partons en chasse pour le loisir de tuer sans aucune raison ?

— Je ne sais pas. Rien ne porte à croire que vous n'avez pas une pierre à la place du cœur. Mon père m'a toujours appris à respecter la nature, la faune et la flore.

Il effectue un coup de tête vers l'arrière. Puis se rembrunit. Il relève le menton et fixe la cible sur l'arbre.

— Assez perdu de temps, énonce-t-il d'un ton plus froid que la glace. Tu vas faire le parcours que je t'ai montré et tu vas utiliser tes griffes pour marquer ton passage. Si tu chutes, elles t'aideront à te rattraper aux branches.

Je culpabilise soudain. Son odeur a changé. Mais pas son visage.

— Tu ne devras rien manquer. Tu as autant de finesse et de discrétion qu'un éléphant.

Je fronce les sourcils. J'ai envie de rétorquer. Bien entendu, j'en ai envie. Mais après quoi ? J'aimerais voir le loup intérieur de James-Karl, il doit être immonde et rempli de cicatrices. Si tant est que j'ai un minimum compris que les âmes des lycans soient des loups.

Qu'est-ce qui le hante pour être aussi dur ?

Je ravale ma colère comme je peux.

— Je n'arrive pas à rester en mouvement. J'ai besoin de m'immobiliser pour retrouver mon équilibre.

— Ça veut dire que tu n'utilises pas tes capacités à leur maximum. Ton corps peut aller plus loin et ta vue te permet d'y voir bien mieux qu'avant. Tu dois les utiliser.

— Tout va plus vite. Je n'y suis pas habitué.

James-Karl se baisse et attrape une branche au sol. Il l'examine et me la présente. Je l'observe sans comprendre.

— Je vais la lancer et la rattraper bien avant qu'elle ne retouche le sol.

Il met ses paroles à exécution et rien que le lancer est vertigineux. Il bondit et escalade les arbres pour rattraper l'envol du bâton. En effet, ses griffes l'aident à se déplacer. Tous ses mouvements sont calculés et anticipés avec une grâce impressionnante. C'est comme s'il ne faisait qu'un avec la forêt. Une fois sur la cime d'un pin, il s'élance dans le vide et rattrape l'objet volant. Il retrouve le sol en papillonnant de branche en branche jusqu'à retomber sur ses pieds.

C'est incroyable !

— Je ne peux faire ceci que parce que je suis un lycan. Mes sens me permettent de prévoir mes mouvements et analysent mon environnement sur l'instant. Tu ne pourras pas faire ça de suite. Mais c'était pour te montrer que si tu fais confiance à tes capacités et ton instinct, tu réussiras.

J'inspire une grande bouffée d'air puis lève les yeux vers les arbres qui nous entourent.

— Une marque sur chaque arbre, conclut-il. Hier, tu as tiré trois flèches avant de tomber. Cette fois, tes mains ne sont pas encombrées, tu devrais y arriver.

Et si je n'y arrive pas ? Je vais encore manger la terre. Awu jappe avec enthousiasme et mon ventre se serre.

— Es-tu prêt ?

Je hoche la tête et me prépare. Je fais sortir mes griffes une nouvelle fois et les observe attentivement. C'est moins douloureux. Il semblerait que la peau s'habitue.

— Vas-y.

Je cours, prends appui sur un tronc puis bondis sur l'arbre d'en face. Je retombe sur mes deux pieds, mais je prends quelques secondes pour retrouver mon équilibre. Je laisse la trace de mes griffes sur l'écorce et ne m'attarde pas. Je dévale l'énorme branche et fais un écart à droite pour atteindre le second tronc. J'y dépose ma marque et saute sur la branche annexe. Je plante mes doigts dans l'arbre et escalade celui-ci. Mes mains sont en sang et c'est douloureux mais il semblerait que rien ne soit facile dans cette nouvelle vie. Je veux démontrer à James-Karl que je peux y arriver. J'atteins la troisième cible puis me laisse tomber dans le vide pour arriver à l'avant-dernier objectif. Seulement, quand je me rattrape à la branche, une de mes mains se détache et avec instinct mes griffes s'enfoncent profondément dans le bois, faisant exploser échardes et feuilles autour de moi à cause de l'impact.

Je crie de douleur. Si je ne réussis pas à me rattraper, je vais chuter de bien plus haut qu'hier.

— Laisse-toi tomber, Étann, s'écrie James-Karl.

— Non ! hurlé-je. Je vais me briser le crâne au sol.

— Si tu calcules ton atterrissage, tout ira très bien.

J'avais déjà peur du vide avant, mais là c'est pire que tout. J'essaye de me hisser de force mais je n'y arrive pas. J'entends soudain un bruit de craquement et quand la branche cède, j'émets un hurlement d'effroi. Le vide m'avale et, alors que je ferme les yeux, je rentre en collision avec un corps aussi dur que la pierre. Nous roulons sur le sol dans un fracas violent et un amas de membres.

J'atterris la tête dans la poitrine de l'Alpha et l'odeur est encore plus puissante ici.

À l'aide. Au secours.

[À paraître en 2025]D'OR ET DE JAIS - Tome 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant