Des sentiments mortels

Chapitre 29. Deux fins et un cadeau.

/!\ Visions d'horreur. Attention aux personnes sensibles. /!\

Durant la nuit du vendredi 24 mai 2019 : 02h01 du matin.

Point de vue de Jérémy.

Chez moi, assis derrière mon bureau, dans un calme presque angoissant. Mes larmes continuent de couler sur mes joues et mon cou, quelques-unes tombant de mon visage pour s'écraser sur une feuille de papier noircie par l'encre de mon bic en action entre mes doigts.

Je ne vois pas d'issue à mon mal-être, je veux faire tout ce qu'il faut pour me débarrasser de ce poids sur mon cœur, celui qui m'empêche de respirer comme je le voudrais. Sans Arnaud, j'ai l'impression d'étouffer. Voilà pourquoi il est la seule personne à laquelle je pense en écrivant cette lettre, en cette soirée de fin de printemps.

Le cœur brisé, la gorge serrée, je lui demande de me pardonner, je lui explique la raison de cette lettre et celle qui m'empêche de continuer. En gros, je lui dis au revoir, pour toujours. Peut-être qu'il ne la lira jamais, après tout, il s'en fiche. Mais c'est la raison principale de mon départ, alors je pense qu'il est normal d'écrire ces mots.

Ma main tremble légèrement alors que j'écris la dernière phrase. Après avoir posé mon stylo, je plie ma feuille en quatre avant de la serrer dans ma main tout en me levant de mon fauteuil de bureau pour quitter la pièce et me rendre en bas.

Je me rends dans le jardin au clair de lune, sous un ciel étoilé, pour respirer l'air frais. Mes larmes ont cessé de couler et sèchent rapidement sous l'air doux du mois de mai. Je rentre et ferme doucement la porte-fenêtre avant de me mettre à quatre pattes et d'embrasser mes chiens endormis, blottis l'un contre l'autre dans leur grand panier.

A côté de mes livres, prêts à être envoyés, je récupère le couteau que j'utilise pour ouvrir les cartons. Je monte dans ma chambre à l'étage pour m'allonger et dormir pour l'éternité. Après avoir déposé la lettre sur ma table de chevet, je m'allonge sur le matelas en jean et en T-shirt, avec le couteau que je sers dans ma main. Je laisse des larmes courir à nouveau sur mon visage.

Il est exactement 3 heures du matin lorsque la lame tranchante de mon couteau transperce la peau de mon poignet pour ensuite s'enfoncer dans ma chair. Le métal taille enfin mes veines pour me permettre de me vider de mon sang en tachant mes vêtements, le drap blanc, et ma main dégoulinante de ce liquide rouge comme l'amour.

C'est apaisé que je m'endors dans un profond coma. J'aurais dû le faire bien avant, ça m'aurait évité toute cette souffrance. Même si tout est de sa faute, je ne lui en veux pas. Ça devait se finir comme ça pour moi. Ma tête ne pense qu'à Arnaud. Mon cœur ne bat que pour lui jusqu'à la dernière seconde, l'aimant du plus profond de mon être, alors qu'il s'arrête de battre pour l'éternité, laissant mon corps se refroidir sur ce lit.

Points de vue d'Arnaud.

08h08.

Allongé sur mon lit, face au plafond. Je n'ai pas dormi de la nuit, me repassant la journée d'hier encore et encore, pleurant comme une petite fille sur la façon dont j'ai jeté Jérémy. J'ai l'impression d'avoir fait une énorme erreur, d'être un putain de connard, d'être un lâche, de ne pas savoir ce que je veux, de ne pas pouvoir lâcher prise et écouter mon cœur.

Ce cœur qui a bien trop fait confiance en mes relations précédentes, et qui s'est planté à chaque fois en estimant toutes ces femmes qui m'ont laissé tomber. Qui peut dire que ça ne m'arrivera pas à nouveau avec Jérémy? Je ne peux pas compter toutes les fois où l'on m'a largué, les vents que j'ai pris, les râteaux, les mariages ratés, les divorces.

De plus, je n'ai toujours pas la réponse à cette question : pourquoi ça a échoué à chaque fois? Je n'étais peut-être pas assez présent, ou trop enfantin, pas assez intéressant sans doute, ennuyeux... Bref, je ne vois pas comment cela pourrait marcher avec Jérémy alors qu'auparavant cela tournait mal à chaque fois avec mes ex-femmes ou ex-copines. Et je doute que cela fonctionne avec un homme. Et puis, que diraient nos proches?