CHAPITRE 2.

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Chapitre 2. Sous le voile de l'innocence.















KAHRAMAN Ayça


Turquie, Izmir
9h00

Perchée sur le rebord de ma fenêtre, je m'abîmais dans la contemplation méditative du ballet tumultueux des vagues, harmonieusement se brisant contre les falaises, orchestré par la caresse d'une brise légère.

Ayça, mon prénom, en truc, signifie littéralement "feuille de lune" ou "feuille de lune lumineuse". C'est une combinaison poétique de "ay" qui signifie "lune" et "ça" qui peut être interprété comme "feuille" ou "branche". Ce prénom évoque souvent une image délicate et lumineuse, empreinte de nature et de poésie. Je fus baptisée "Ayça" par mon père, un hommage délicat rendu à sa mère défunte qui portait ce nom. Un lien intemporel tissé entre les générations, où chaque lettre résonne comme une mélodie familière dans l'écho des souvenirs.

Figure éminente du succès commercial, mon père régnait sur un empire d'hôtels et d'établissements dans la région, mais notre intimité se perdait dans les ombres de ses affaires florissantes. Ma mère, d'ascendance kurde, avait tragiquement trouvé son destin, laissant mon père consacrer son amour et son attention exclusivement à moi, tandis que sa fortune prospérait.

Mon existence se déroulait derrière des murs, une sentence imposée, m'interdisant de goûter aux libertés extérieures, de fréquenter les bancs de l'école, ou de tisser des liens amicaux. Ainsi, je devenais une étrangère dans mon propre monde, préservée du regard des autres, prisonnière de ma propre sécurité.

Fatmagül, la femme de ménage, émergeait comme la seule connexion avec le monde extérieur, un lien discret m'offrant une fenêtre vers la réalité. Enfermée dans une destinée forgée par la richesse paternelle, j'étais promise à un mariage arrangé à mes 18 ans, un pacte scellé avec un homme d'origine française, enveloppé de mystère.

Si le mariage en lui-même ne provoquait guère de rébellion en moi, la barrière linguistique avec le français demeurait une épreuve déconcertante. Malgré ma maîtrise de plusieurs langues, le français se dressait comme un défi linguistique captivant à surmonter.

Pourtant, je me consolais dans la certitude que le temps serait mon allié, doucement me dévoilant les subtilités de cette langue inconnue.

Descendant gracieusement l'escalier après ma prière matinale, je me préparais à affronter une nouvelle journée, le ballet silencieux de Fatmagül, astreignant le sol du salon, témoignant de ma vie à l'écart du monde.


Fatmagül— Merhaba Bayan.

— Merhaba Fatmagül. dis-je avec un sourire remplie de tendresses.

Fatmagül, la seule âme autorisée par mon père à pénétrer dans l'enceinte de mon isolement, devenait presque une figure maternelle. Elle se dévouait en tant que dame de chambre, une présence réconfortante remontant à ma tendre enfance, un pilier dans le labyrinthe de ma solitude.


Fatmagül— Baban öğle yemeğinde hazır bulunmayacak, eve geç geleceğini söyledi.
Votre père ne sera pas présent pour le repas du midi, il a dit qu'il rentrait tard *

— Sanırım alışmaya başladım. répliquais-je d'un air triste.
Je crois que je commence à avoir l'habitude *


Il m'avait juré solennellement de s'asseoir à table pour savourer le déjeuner en ma compagnie.

Au crépuscule de mes 17 ans, l'absence de moments partagés avec mon père persistait, et il s'était éloigné dans l'ombre de son obsession pour l'argent. La richesse, une double-face capable de révéler la laideur chez ceux qui la chérissent. Mon père, jadis aimant, s'était transformé en une figure détestable, un être sans cœur, dévoré par le mépris envers ceux qui ne partageaient pas sa classe sociale.

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