Chapitre 1 : la rencontre L

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J'avais quinze ans.

Une gamine en quête de sensations, de rêves adolescents, d'un peu de cet amour parfait qu'on voit dans les films. À l'époque, je croyais l'avoir trouvé. Il s'appelait A. Le beau gosse du collège. Grand, brun, ténébreux, la peau mate et, cerise sur le gâteau, bon au foot. Tout le monde le voulait.

Moi, je l'avais.

Mais « l'avoir » est un concept étrange à cet âge. Avec A, tout était platonique. On se tenait la main, on se souriait dans la cour, on s'embrassait maladroitement sous les regards de nos camarades. C'était censé suffire. Pourtant, quelque chose manquait. Je ne le savais pas encore, mais ce vide allait bientôt être comblé.

L'été arriva, emportant avec lui nos habitudes scolaires. A partit au Portugal retrouver sa famille, et moi, je m'éloignai vers un horizon plus salé. Le Cap d'Agde. Cet appartement familial où je passais tous mes étés depuis l'enfance. Je connaissais chaque coin, chaque pierre du rivage.

Mais cet été-là, tout allait changer.

Au début, je pensais à A. Il me répondait à peine, mais je me rassurais en me disant qu'il pensait à moi, quelque part entre deux parties de foot. En vérité, la plage, les soirées à rire avec mes amis d'enfance, les feux de camp et la liberté d'un été sans parents effacèrent rapidement ses maigres messages.

Et puis, il y eut L.

C'était un soir comme un autre. Avec une amie, nous étions assises sur nos serviettes près de la piscine de la résidence, échangeant des rires étouffés, quand deux garçons s'approchèrent. L et son cousin. L'instant était banal, presque anodin. Le cousin s'intéressa immédiatement à moi, et L, à ma pote.

C'était simple. Ordinaire. Et pourtant, un détail me frappa. L avait une allure différente. Moins sûre, peut-être, mais plus captivante. Il avait ce regard profond, celui qui semble poser des questions silencieuses. Et quand il riait, c'était comme si le monde s'adoucissait.

Ce soir-là, nous avons échangé nos numéros – oui, nos numéros, pas nos Insta. C'était 2013, l'époque où les SMS régnaient encore. Ils nous proposèrent de les rejoindre plus tard sur la plage.

De la bière, de la musique, des vagues en arrière-plan. Nous acceptâmes.

Sur la plage, sous un ciel constellé d'étoiles, le cousin perdit rapidement tout intérêt pour moi. Il s'éloigna pour séduire un autre groupe de filles, me laissant seule avec ma pote et L. À ce moment précis, j'ai pensé que je finirais par tenir la chandelle toute la soirée.

Mais L n'était pas comme son cousin. Il était présent, sincère. Nous avons parlé pendant des heures, sur tout et sur rien.

Puis, il y eut ce baiser. Un baiser volé, entre nous trois, presque maladroit, partagé entre trois rires sous le rythme étrange de « Lune de Fiel » de MZ.

À l'époque, ça semblait magique. Aujourd'hui, ça me fait surtout sourire.

Mais ce baiser marqua le début de quelque chose.

Les jours suivants furent une danse silencieuse entre nous. L, ma pote, et moi étions inséparables. Mais à mesure que les heures passaient, une évidence s'imposait : ce n'était plus un trio.

Chaque conversation, chaque éclat de rire, chaque regard partagé me rapprochait de lui. L avait une manière de parler qui me fascinait. Il était réfléchi, drôle, et derrière sa façade mature, je percevais une certaine fragilité.

Un soir, alors que ma pote partait dîner avec ses parents, nous nous retrouvâmes seuls. Nous étions perchés sur des rochers, face à un coucher de soleil teinté de nuances roses et orangées. Il alluma une cigarette, m'en proposa une, et le temps sembla s'arrêter.

— Tu crois en quoi ? demanda-t-il, les yeux rivés sur l'horizon. — En quoi, quoi ? répondis-je, troublée. — En tout ça. La vie, les gens, l'amour.

Sa question me désarma. Ce n'était pas une discussion de vacances. C'était quelque chose de plus profond, un fragment d'âme qu'il laissait entrevoir. Alors, j'ai répondu. Maladroitement, peut-être, mais avec sincérité.

Et puis, il y eut ce silence. Pas un de ces silences gênants, mais un de ceux qui disent plus que les mots.

Nos regards se croisèrent, et avant que je puisse réfléchir, il m'embrassa.

Ce baiser était différent. Plus intense, plus réel. Je sentais mon cœur s'emballer, comme si tout mon être voulait graver cet instant dans ma mémoire. C'était lui. Pas A, pas un autre. Lui.

Le dernier jour

Les jours passèrent à une vitesse folle. Chaque matin était une fête, chaque soir une histoire. Mais tout avait une fin. L devait rentrer en Suisse.

Ce matin-là, je savais que je ne le reverrais peut-être jamais. Pourtant, je me levai comme si tout était normal. Une journée comme les autres. Mais à 13 h, il monta dans une voiture. Et ce fut fini.

Il me laissa un T-shirt, imprégné de son parfum.

Je restai plantée là, regardant la voiture disparaître, le cœur lourd. Les larmes vinrent ensuite, doucement d'abord, puis avec force.

Je ne comprenais pas pourquoi ça faisait si mal. Ce n'était que deux semaines. Deux semaines, c'est rien, non ? Mais avec L, j'avais découvert quelque chose que je n'avais jamais connu.

Une connexion. Un premier amour. Un vrai.

Le dernier mois des vacances passa dans un étrange mélange de liberté et de mélancolie. Le Cap d'Agde, qui avait toujours été mon havre de paix, s'était teinté des souvenirs de L. Chaque recoin, chaque rue, chaque grain de sable me parlait de lui. La plage où nous nous étions embrassés n'était plus juste une plage. C'était la plage.

Je marchais sur ses traces, revoyant ses gestes, entendant son rire. Tout me ramenait à lui, et pourtant, il était si loin.

Je ne voulais pas me laisser envahir par ce manque. Mes amis étaient là, les soirées continuaient, mais quelque chose avait changé. Moi.

Ce que j'avais vécu avec L ne pouvait pas être effacé. Il avait ouvert une porte que je ne pouvais plus refermer. Et même si je souriais, dans les coins de mon esprit, il était toujours là.

L m'écrivait peu, mais ses mots étaient comme des fils tendus entre nous.

Des promesses murmurées : « On se reverra. »

Mais comment ? Quand ? Ces questions tournaient en boucle, et à chaque fois, elles laissaient un goût d'incertitude.

Fragments d'un discours amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant