Chapitre 19 : trop beau, trop vite R

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R m'avait appelée un soir, juste avant notre week-end prévu ensemble, avec une annonce qui m'a figée :

« Je crois que ça ne va pas être possible samedi. Je suis malade, j'ai vomi tout ce que j'avais. Tu m'as refilé ta gastro. »

Il disait vrai. Nous nous étions embrassés cette semaine-là, et j'avais dû quitter l'internat deux jours après avoir vomi mes tripes. Pas le souvenir le plus glamour de ma vie.

Mais je ne voulais pas lâcher prise.
« J'ai déjà eu cette fichue gastro, donc pas grave, je viendrai quand même. »

Mon besoin de le voir dépassait largement la logique. J'étais euphorique à l'idée de passer du temps avec lui, et SURTOUT, d'aller chez lui. Ce genre de moment avait pour moi une saveur particulière, une promesse d'intimité et de découverte.

Une première fois chez lui

La journée en ville avec R s'est déroulée sans accroc. Mais c'est chez lui que tout a pris une nouvelle tournure.

Nous nous sommes directement installés dans sa chambre. J'étais nerveusement excitée par ce moment où l'on s'apprête à franchir un cap, à se dévoiler un peu plus, à découvrir l'autre dans un cadre plus personnel.

Les heures ont filé, ponctuées de regards complices, de baisers et de gestes de plus en plus audacieux. Puis, ses parents nous ont appelés pour le dîner.

« R, Laura, à table ! »

Nous avons descendu les escaliers, essayant tant bien que mal de cacher cette tension palpable entre nous. Mais je suis certaine que toute la famille la percevait.

Le repas terminé, nous avons rapidement regagné sa chambre pour reprendre là où nous nous étions arrêtés.

La première fois de R

C'était sa première fois, et contre toute attente, c'était... incroyable. Nous avons fait l'amour toute la nuit, comme si le temps n'existait plus, dans une intensité qui m'a marquée.

Le lendemain, j'avais des courbatures, preuve de la passion que nous avions partagée. Il m'a raccompagnée à la gare, et nous avons pris des photos ensemble, un souvenir que nous avons immédiatement partagé sur les réseaux.

Et puis, tout est allé beaucoup trop vite.

Un amour qui comble une dépendance

Dans un élan d'enthousiasme, je lui ai demandé :
« Du coup, on sort ensemble ? »
Il a répondu :
« Oui. »

Ce simple mot a comblé, temporairement, ce vide immense que je portais en moi. Mais ce n'était pas un amour sain. Ce n'était pas de l'amour, c'était une fuite, un besoin maladif d'être rassurée, valorisée, aimée.

J'avais espéré que cette relation me réparerait. Mais personne ne peut vous réparer, sinon vous-même.

Les débuts d'une dépendance affective

« La dépendance affective se reconnaît par un besoin excessif d'être aimé, soutenu et valorisé par l'autre. La personne dépendante vit à travers l'autre, croyant qu'elle n'est rien sans lui. »
C'était exactement mon cas.

Si je pouvais vous donner un conseil : ne cherchez pas à combler une rupture par une autre relation. La douleur doit être affrontée, comprise, sinon elle vous poursuivra. Et pire encore, elle blessera l'autre, car cet autre ne sera jamais réellement aimé pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il comble en vous.

Deux ans d'une relation qui n'était pas la mienne

Avec R, j'ai vécu tout ce que j'avais rêvé de vivre avec S. Voyages, sorties, amour, repas de famille, des moments de bonheur qui, pourtant, semblaient sonner faux.

J'ai avancé dans ma vie scolaire. J'ai eu mon bac, commencé un BTS en Gestion et Protection de la Nature, changé d'internat. Tout était différent : un lieu plus industriel, des relations plus superficielles. Tout reflétait l'état de mon âme à ce moment-là : fade, neutre, dépourvu de vie.

Chaque week-end, je retrouvais R, jusqu'au lundi. Lui, il était encore en terminale, et moi, j'avais l'impression d'être devenue une simple extension de lui. Je ne vivais plus pour moi, mais à travers cette relation.

Un bonheur de façade

Nous étions sur le point d'emménager ensemble. Tout était prêt : l'appartement, les meubles, les décorations. Nous avions planifié nos vies, mais une vérité brutale me hantait : je ne l'aimais pas.

Je suffoquais. Je n'étais plus moi-même. La flamme qui brûlait autrefois en moi, cette étincelle de folie, s'était éteinte.

R m'a beaucoup apporté, et je ne regrette pas cette relation. Mais elle n'était qu'un pansement sur une plaie béante que je refusais de soigner.

Une renaissance

En septembre, nous sommes partis en voyage scolaire en Angleterre. Je redoutais cette séparation avec R, comme toujours. Mais ce voyage allait être un tournant.

Pour la première fois depuis des années, j'ai lâché mon téléphone. J'ai cessé de m'agripper à ces messages incessants avec R, et j'ai commencé à me connecter à autre chose, à moi-même.

Et puis, il y avait V.

V était un garçon de ma classe, quelqu'un que je connaissais à peine. Il avait une allure singulière.  Pas très grand, il dégageait une maladresse attachante. Ses cheveux étaient souvent en bataille, comme s'il sortait toujours d'une nuit trop courte.

Son visage anguleux, marqué par une fine barbe mal taillée, cachait mal ses yeux perçants. Des yeux noirs, qui brillaient toujours d'une lueur d'intelligence et de malice.

Son style vestimentaire, lui, laissait franchement à désirer. Des sweats trop grands, des jeans usés, et des baskets qui semblaient avoir connu des jours meilleurs.

La première fois que je l'avais vu, je m'étais dit :
« C'est qui ce mec déformé ? »

Mais il y avait quelque chose d'indéfinissable chez lui, quelque chose qui, malgré son apparence négligée, captait l'attention.

Une alchimie inattendue

Nous avions déjà partagé quelques moments en groupe, mais rien de plus. Durant un stage d'été, nous avions travaillé ensemble et fait un peu n'importe quoi : jouer aux cartes et boire des bières plutôt que de réellement travailler.

Déjà à ce moment-là, une alchimie étrange, presque électrique, s'était manifestée.

Et sur ce bateau qui nous emmenait vers cette nouvelle terre, cette nouvelle semaine, une idée anodine a pris vie :

« Et si on achetait du cidre ? »


Fragments d'un discours amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant