Chapitre 25 : double vie V

86 3 0
                                    

La descente aux enfers

Le trajet jusqu'à chez V semblait interminable, chaque pas alourdissant un peu plus mes pensées, comme si mes pieds s'enfonçaient dans un sol meuble. Je titubais, trébuchant presque à chaque mètre, incapable de maintenir un semblant de dignité dans ma démarche.

Devant chez lui, le désir nous happa, vif et irrépressible. Nos baisers s'enchaînaient, de plus en plus passionnés, et nos rires, étouffés par l'ivresse, résonnaient dans l'escalier, troublant la nuit silencieuse. Une part de moi savait que nous faisions un vacarme insensé, mais l'alcool effaçait toute inhibition, tout souci des conséquences.

Soudain, sans prévenir, je me suis mise à courir. Une course insensée, comme pour échapper à la réalité qui m'attendait. Mon souffle court se mêlait à l'air froid de la nuit, et je me suis cachée derrière des pierres pour vomir. À ce moment précis, la mère de V, alertée par le chaos, nous observait depuis la fenêtre. La scène était si ridicule qu'elle en devenait tragique.

V, toujours patient, m'a rattrapée, tentant tant bien que mal de me ramener à l'intérieur. Dans un élan d'absurdité, nous avons essayé de prendre l'ascenseur, mais je ne tenais pas debout. Ma main, incontrôlable, a appuyé sur toutes les touches, déclenchant l'alarme. Un son strident brisa le silence, achevant de réveiller tout l'immeuble.

L'étreinte sous tension

Finalement, nous avons pris les escaliers. V m'a soutenue, portant presque tout le poids de mon corps. Lorsque nous sommes arrivés devant sa porte, sa mère, furieuse, nous attendait.

« Encore une nuit à réveiller tout le monde, vous n'avez pas honte ? », gronda-t-elle, le regard empli de reproches.

Nous ne pouvions que baisser la tête, esquivant ses yeux. Une fois dans sa chambre, les reproches de sa mère se sont estompés, remplacés par nos baisers, plus intenses que jamais. Cette nuit-là, nous avons fait l'amour avec une passion désespérée, comme si chaque mouvement, chaque souffle contenait toute l'urgence de nos désirs refoulés.

C'était si intense, si viscéral. Mais tout ce feu s'accompagna d'une gêne écrasante : la mère de V avait tout entendu.

Un équilibre malsain

Le lendemain, je me suis réveillée avec une gueule de bois monumentale. R, fidèle comme à son habitude, m'attendait en bas de chez V, prêt à me ramener.

En le voyant, la honte m'envahit. Pourtant, je ne regrettais rien. Cette double vie m'offrait un équilibre tordu : V m'apportait la passion et le frisson, tandis que R incarnait la stabilité et l'affection sincère.

Je savais que cette situation était égoïste, destructrice, mais je n'avais pas le courage de choisir. Alors, je me laissais porter, écrasée par mes propres contradictions.

La confrontation

Les jours passaient, et mes échanges avec V s'intensifiaient. Nous parlions de tout, partageant nos pensées les plus profondes. Mais cette proximité ne passait pas inaperçue.

Un soir, lors du Nouvel An, R me posa la question fatidique :

« Est-ce que tu l'aimes ? Laura, réponds-moi franchement, y a-t-il quelque chose entre vous ? »

J'ai hésité, une fraction de seconde, entre vérité et mensonge. Mais la peur de tout perdre l'emporta.

« Non, il n'y a rien de plus, je l'apprécie beaucoup, voilà tout. »

Ces mots me brûlaient la langue. « Voilà tout »... alors que tout en moi criait le contraire.

La dissonance des cœurs

J'aimais cette relation interdite avec V, elle me faisait vibrer, m'arrachait à la torpeur dans laquelle j'étais plongée. Mais j'aimais aussi la vie que j'avais construite avec R, cette façade parfaite d'une fille sage que je ne serai jamais.

Je voulais les deux, égoïstement, sans faire d'efforts pour entretenir l'un ou l'autre. Je laissais les flammes vaciller, espérant qu'elles ne s'éteignent pas par ma propre inaction.

Mais cette dualité me détruisait. Je suffoquais sous le poids de la culpabilité.

Le jour de mes 21 ans

Ce fut particulièrement criant le jour de mon anniversaire. V et R m'avaient offert des cadeaux, chacun ignorant l'existence de l'autre dans ma vie.

J'avais fêté ce jour avec V et mes amis, laissant R à l'écart.

Cette nuit-là, à 21 ans, j'ai réalisé que je ne pouvais plus continuer ainsi. Cette situation devenait insoutenable. Je devais choisir, affronter mes responsabilités, mais je n'en avais pas la force.

J'ai évoqué l'idée de faire une pause avec R, sans oser lui révéler toute la vérité. Je pense qu'il sentait que quelque chose m'échappait, mais il refusait de lâcher prise.

La Saint-Valentin, dernière illusion

Nous étions en février. R, espérant recoller les morceaux, avait organisé une surprise pour la Saint-Valentin. Un week-end aux thermes, suivi d'une nuit dans un bel hôtel.

Je savais que cette tentative ne suffirait pas à effacer tout ce que j'avais brisé entre nous. Pourtant, j'ai accepté, jouant encore une fois un rôle.

Mais cette nuit-là, dans cet hôtel, tout a dérapé...

Fragments d'un discours amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant