Le mois de septembre s'installait comme un spectre silencieux, lourd et omniprésent. Chaque journée semblait étirer une ombre sur mon existence. V continuait à chercher des appartements pour nous, une persistance douloureuse à regarder. Il m'aimait d'un amour brut, absolu, et pourtant, je ne ressentais rien d'autre qu'une lassitude pesante face à ses efforts.
Rien en moi ne répondait.
Ni son regard suppliant, ni ses mots hésitants, ni ses gestes pleins d'attente. Je n'étais qu'un fantôme dans cette vie qu'il s'obstinait à construire pour deux. Et moi, j'étais déjà ailleurs, distante, happée par un vide que je n'arrivais pas à combler.Une Promesse d'Évasion
Dans quelques jours, la faculté de lettres allait enfin devenir une réalité. Cet endroit, je l'avais imaginé comme un sanctuaire, un refuge pour fuir cette vie qui n'était pas la mienne. Mais même cette perspective semblait irréelle, comme un rêve auquel je n'osais croire.
En parallèle, ma famille, sourde à mes aspirations, m'avait poussée à postuler à un service civique. C'était leur plan, pas le mien. « Tu verras, ça te fera du bien », disaient-ils. Mais ce plan avait des fissures : le permis de conduire, que je n'avais pas, me fermait déjà des portes.
Et puis, il y avait V.
Je vivais chez lui, entourée de ses parents, depuis août. Leur maison débordait de chaleur et d'amour, mais pour moi, c'était un piège. Chaque journée passée là-bas me vidait un peu plus de ce qui restait de moi. Ce n'était pas sa faute. Ce n'était jamais sa faute. Mais il m'aimait d'une manière que je ne pouvais ni égaler, ni rendre.L'Éloignement Inévitable
Début septembre, j'avais enfin trouvé un appartement. Un petit espace rien qu'à moi, un endroit où je pouvais respirer. Ce fut le début d'un éloignement que je ne pouvais plus repousser.
Quand les cours commencèrent, c'était comme une renaissance. Pour la première fois depuis des années, je respirais un air neuf. Chaque pas dans cette faculté semblait m'offrir un morceau de liberté. Ce monde, je savais qu'il était le mien. En une semaine, ma certitude était scellée.
Avec cette révélation, un sentiment de détachement s'installa. Je n'avais plus besoin de V pour combler le vide. La vérité, brutale et douloureuse, s'imposa : je l'avais utilisé, inconsciemment, pour me réparer.
Un Choix Imposé
Deux semaines après le début des cours, une notification vint briser cet équilibre fragile.
Un message, une ligne qui changea tout :
« Vous êtes retenue pour le service civique. »Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?
La nouvelle tomba comme une sentence. Tout ce que j'avais construit, tout ce que j'avais espéré, semblait s'effondrer. L'idée d'abandonner la faculté, ce rêve si fragile, me brisait. Les larmes montèrent, mais je les ravalai. Personne autour de moi ne devait voir.
Je quittai la faculté, le cœur lourd. Une fois de plus, je m'effaçais face aux attentes des autres.
La Descente dans l'Obscurité
Le service civique débuta dans une atmosphère trompeusement légère. Les premiers jours étaient presque agréables, mais cette illusion s'évapora rapidement.
L'air devint plus lourd, chaque geste plus mécanique. Une monotonie oppressante m'enveloppa. Je me perdais dans ce travail que je ne comprenais pas, dans un rôle qui n'était pas le mien.Puis novembre arriva, et avec lui, un collègue. Un homme au regard acéré et aux mots cruels.
Chaque remarque était une lame :
« Tu es inutile. »
« Tu n'as pas ta place ici. »
« Ils vont te virer. »Son regard insistant, ses critiques incessantes me réduisaient à l'état de poussière. C'était mon premier emploi, et je n'avais pas la force de riposter.
Le Poids du Mensonge
Un soir, V arriva à l'improviste. Son regard cherchait désespérément le mien. Il voyait ce que je tentais de cacher : l'épuisement, l'effondrement intérieur.
V :
« Laura... qu'est-ce qui se passe ? Tu es distante, absente... Je veux comprendre. »Ses mots, sa voix, portaient une inquiétude sincère. Mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas tout lui dire. Alors, je choisis la fuite, une lâcheté brutale.
Moi :
« J'ai embrassé quelqu'un d'autre. »Ces mots le frappèrent comme un coup. Je vis son visage se décomposer, son regard se troubler.
V :
« Quoi ? Tu te rends compte de ce que tu dis ? Après tout ça... après tout ce qu'on a traversé ? »Je restai silencieuse. Je voulais qu'il parte, qu'il me laisse seule avec ce vide.
V :
« Tu as sûrement des problèmes. Sérieusement, soigne-toi, Laura. »Ses mots étaient secs, tranchants. Mais derrière la colère, il y avait une tristesse immense, un désespoir qu'il ne pouvait dissimuler.
Puis, il partit. Je le regardai s'éloigner, et pour la première fois, je compris que c'était la dernière fois.
Face à l'Abîme
Seule dans mon appartement, je me retrouvai face à ce vide qui m'avait toujours accompagnée. Depuis ma fenêtre du cinquième étage, je fixais l'horizon, cette ligne floue entre le ciel et la terre.
Un vertige s'empara de moi. La tentation de céder, de tout arrêter, devint presque insupportable.
La douleur était si intense que chaque souffle semblait une épreuve.
« Pourquoi continuer ? Pour qui ? »
Les questions tournaient en boucle.La dépression est une ombre insidieuse, un poison lent. Elle vous isole, vous consume de l'intérieur, vous fait croire que la vie n'a plus de sens.
Et pourtant, quelque chose en moi murmura :
« Et si ce n'était pas la fin, mais le début ? »Un Acte de Courage
Ce soir-là, je pris conscience que je ne pouvais plus affronter tout cela seule.
Demander de l'aide, parler, ce n'était pas une faiblesse. C'était un acte de survie, un acte de courage.Si vous vous sentez perdu, accablé, sachez qu'il existe des mains tendues, des oreilles prêtes à écouter. Parler peut tout changer.
Ce soir-là, je n'ai pas franchi cette frontière. Je suis restée.
Et c'est là que tout a commencé.
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Fragments d'un discours amoureux
RomanceLes souvenirs sont comme des éclats de verre : fragments éparpillés, tranchants, impossibles à assembler sans se blesser. Pendant longtemps, j'ai refusé de les regarder, de les toucher. Je vivais parmi ces morceaux éparpillés de ma vie, évitant soig...