Chapitre 18 : un pansement sur ma fracture R

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La rencontre avec R

R était en seconde, un an de moins que moi, puisqu'il avait redoublé. Moi, j'entrais en terminale, prête à franchir une étape importante dans ma vie scolaire, mais complètement perdue sur le plan émotionnel. Cette année-là, j'allais fêter mes 18 ans, et pourtant, j'avais l'impression de ne pas être à la hauteur de cette « maturité » que tout le monde semblait attendre de moi.

Quand j'ai croisé R pour la première fois, quelque chose en lui m'a attirée immédiatement. Il avait ce mélange de calme et de mystère qui me désarmait complètement. R était grand, brun, mignon, avec un sourire qui semblait venir d'un endroit sincère. Il jouait au rugby, pratiquait d'autres sports, et son physique athlétique reflétait son engagement.

Mais ce n'est pas son apparence qui m'a séduite. C'était sa discrétion, presque son retrait. Il n'était pas comme les garçons tapageurs et extravertis vers lesquels je me tournais habituellement. R dégageait une profondeur que je voulais comprendre. À mesure que je l'observais, il devenait une obsession. Il était comme une énigme, et moi, je voulais être celle qui allait la résoudre.

Une opportunité

R et moi nous sommes rapprochés grâce à des amis communs. Ses potes traînaient souvent avec des filles de ma classe. Alors, évidemment, j'ai sauté sur l'occasion.

Les premières interactions étaient banales : des conversations anodines, quelques rires échangés, mais rien de notable. Jusqu'à ce soir où j'ai pris mon courage à deux mains et l'ai ajouté sur les réseaux sociaux. C'est par là que tout a vraiment commencé. Nous avons discuté pendant des heures. Moi, j'essayais de le faire rire, de le mettre à l'aise, et lui, tout en retenue, répondait avec un mélange de politesse et de curiosité.

Très vite, je l'ai vu changer. Il s'asseyait à côté de moi à la pause, m'accompagnait jusqu'à mon arrêt de bus. De jour en jour, ses gestes devenaient plus tactiles, ses regards plus insistants, ses paroles plus personnelles.

Les complications : jouer sur deux tableaux

Mais il y avait un problème. Et ce problème, c'était L.
Depuis des mois, j'entretenais cette pseudo-relation avec lui. Nous n'étions plus ensemble officiellement, mais il continuait à m'appeler chaque soir, et moi, je répondais toujours.

Pourquoi ? Peut-être par habitude, peut-être par peur de la solitude. Mais plus je me rapprochais de R, plus ces appels avec L devenaient lourds, pesants. Mes amies le voyaient bien et m'avaient mise en garde.
« Laura, tu dois lui dire. Tu ne peux pas continuer comme ça, ce n'est pas honnête pour R. »

Je le savais. Mais je ne savais pas comment faire.

R, de son côté, semblait de plus en plus attaché. Je voyais dans ses gestes et ses paroles une douceur que je n'avais jamais connue auparavant. Je voyais aussi son intérêt grandir, et cela me terrifiait.

Les grandes marches : un premier baiser

Un soir, R m'a proposé qu'on se voie seuls, loin des regards et des bruits du lycée. Nous avons choisi les grandes marches de l'amphithéâtre romain, un endroit isolé où les élèves allaient rarement.

Assis côte à côte, nous avons parlé de tout et de rien. Je l'ai fait rire en jouant les idiotes, et lui, pour la première fois, s'est confié sur des choses plus personnelles. Nous étions là, dans ce moment suspendu, comme si le monde s'était arrêté autour de nous.

Puis, il a posé sa main sur ma cuisse. Mon cœur battait à tout rompre, mais je ne l'ai pas repoussé. Je n'en avais pas envie. Quand nos lèvres se sont enfin touchées, ce n'était pas une explosion de papillons ou de feu d'artifice. C'était une chaleur douce, une sensation de calme que je n'avais pas ressentie depuis longtemps.

« J'ai passé un super moment avec toi, » m'a-t-il dit ensuite, d'un ton sincère.

La vérité éclate

De retour à l'internat, mes colocataires m'ont immédiatement sauté dessus.
« Alors ? Raconte ! Vous vous êtes embrassés, non ? »

Leur enthousiasme m'a réchauffé le cœur, mais leurs mots m'ont aussi rappelé une dure vérité : je devais être honnête avec R. Je ne pouvais pas faire comme si L n'existait pas. Je ne pouvais pas répéter les mêmes erreurs qu'avec S.

Le lendemain, j'ai tout avoué à R. Je lui ai parlé de L, de notre relation compliquée, de mes hésitations. À ma grande surprise, il n'a pas explosé de colère. Il m'a écoutée, silencieux, mais son regard trahissait sa déception.

Mettre fin à L

Ce soir-là, j'ai appelé L.

« Pourquoi maintenant ? On devait se voir en Suisse. »

Mais ma décision était prise. Je ne pouvais plus continuer comme ça. Pour la première fois, j'ai été ferme. J'ai dit que c'était fini, que je ne voulais plus entendre parler de cette relation qui m'épuisait.

L était abasourdi. Mais moi, j'étais soulagée.

L'euphorie et la chute

Avec R, tout semblait possible. Nous avons continué à nous voir, à discuter sur ces grandes marches. Notre complicité grandissait chaque jour.

Quelques semaines plus tard, nous avons décidé de passer un samedi ensemble, en ville. Ensuite, j'irais chez lui, et il avait obtenu l'autorisation de ses parents pour que je reste dormir. J'étais euphorique à l'idée de ce rendez-vous. Je voulais croire que cette histoire pourrait effacer toutes les douleurs du passé.

Mais la veille, alors que je me préparais, mon téléphone a vibré.

« Laura ? ... Je crois que... »

Fragments d'un discours amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant