Quand j'ai reçu le message de S, mon cœur s'emballa. J'étais à la fois surprise et excitée. Une partie de moi savait que c'était une folie, une autre se réjouissait déjà de cette aventure interdite.
Je lui ai répondu, un peu sur la défensive :
— Comment on fait ? Je te rappelle qu'on est à l'internat, et surveillés par des pions la nuit.Dans notre internat, les garçons étaient au rez-de-chaussée et les filles à l'étage supérieur. Le seul endroit où nos chemins pouvaient se croiser clandestinement était le couloir d'incendie, au bout de ma chambre. Mais ce n'était pas simple. Pour y accéder, il fallait longer le couloir des chambres sans réveiller personne, passer devant la porte de la surveillante, et ouvrir une énorme porte métallique, censée déclencher une alarme.
Heureusement, j'avais entendu dire que des terminales avaient, des années plus tôt, désactivé les fils de cette alarme. L'idée était risquée, mais grisante.
J'ai envoyé un autre message à S :
— OK, on met un réveil à 2 h. Apparemment, c'est une phase de sommeil profond, donc moins de risques que la pionne se réveille. On se rejoint derrière la porte d'incendie.Il a répondu presque immédiatement :
— Ça marche. À toute !Une attente insupportable
Cette nuit-là, je n'ai pas fermé l'œil. J'étais partagée entre l'euphorie et la peur. Si je me faisais prendre, c'était la convocation immédiate, voire l'exclusion. Quant à S, il devait être encore plus nerveux que moi : sa mère était professeure dans ce lycée. Le moindre faux pas aurait des conséquences bien plus graves pour lui.
À 2 h précises, mon réveil sonna. Mon cœur battait à tout rompre.
Je lui envoyai un message :
— Tu dors ?Sa réponse ne tarda pas :
— Non, on se retrouve là-haut. À toute ❤️.Je me levai en silence, m'habillai rapidement, et ouvris la porte grinçante de ma chambre avec une lenteur infinie. Je traversai le couloir à pas de loup, mon esprit en alerte au moindre bruit. Heureusement, les toilettes se trouvaient au milieu du trajet : en cas de besoin, j'aurais prétexté une envie pressante.
Une rencontre clandestine
S m'attendait derrière la porte d'incendie. Lorsqu'il me vit, son visage se détendit légèrement, mais il était visiblement stressé. Nous traversâmes rapidement le couloir incendie, descendant les marches en courant jusqu'à atteindre un palier, un cul-de-sac un peu caché.
Il avait pris une serviette pour rendre le sol plus confortable. Mais à peine arrivés, nous nous jetâmes l'un sur l'autre, emportés par l'adrénaline de la situation. Nos lèvres se trouvèrent, et tout le reste disparut. Il laissa tomber la serviette et prit mon visage entre ses mains, me plaquant doucement contre le mur.
Dans un souffle, il murmura :
— Ça fait longtemps que je n'ai rien fait.J'ai ri, cherchant à alléger l'atmosphère :
— T'inquiète, ça n'a pas d'importance.L'excitation montait. Je commençai à le toucher, et il sortit une capote de sa poche – visiblement, il avait prévu le coup.
Mais l'instant fut bref : à peine commencés, il s'arrêta, gêné, après quelques mouvements. Je le regardai avec un sourire et murmurai pour le rassurer :
— On a encore du temps. Il te reste deux capotes.Il sourit timidement, et nous nous installâmes côte à côte, la serviette sous nous. Nous parlâmes à voix basse de tout et de rien, comme si nous étions seuls au monde. J'étais sur son torse, il caressait mes cheveux, et je me sentais incroyablement légère, comme dans un cocon hors du temps.
Quand l'horloge afficha 5 h, il était temps de partir. Nous regagnâmes nos chambres discrètement, le cœur battant. Personne ne m'avait vue.
Dans mon lit, un sourire illumina mon visage. S me manquait déjà.
Une semaine hors du temps
Cette semaine passa à une vitesse folle. Avec S, nous vivions une relation semi-cachée, faite de regards volés, de messages échangés en secret, et de retrouvailles nocturnes. Chaque soir, nous répétions la même opération risquée, et à chaque fois, nous faisions l'amour dans ce même couloir.
J'avais arrêté de culpabiliser à propos de L. Pourquoi me sentir coupable envers quelqu'un qui me trahissait depuis si longtemps ? Avec S, je retrouvais une légèreté et une complicité que je croyais perdues.
Il m'écoutait, me rassurait, et appelait L ce qu'il était : un pervers narcissique.
La forêt et la tequila
Le vendredi après-midi, quelques heures avant de prendre mon train pour la Suisse, S et moi décidâmes de passer un dernier moment ensemble. Nous nous installâmes dans la forêt qui entourait le lycée, sur une dalle en béton. Une serviette, une enceinte, et une bouteille de tequila.
Nous étions si proches et pourtant si loin de tout. Le temps semblait suspendu. Il me montra comment faire des teq-paf, mélangeant tequila, citron et sel. L'ivresse me fit oublier, ne serait-ce qu'un instant, la confrontation qui m'attendait. Nous riions, et bientôt, nos baisers prirent une tournure plus intime.
Dans l'excitation et l'euphorie de l'instant, nous oubliâmes de mettre un préservatif. À peine le moment terminé, la panique s'installa. Mon train était dans quelques heures, mais avant tout, nous devions courir à la pharmacie. J'y pris la pilule du lendemain, ma première fois.
Le départ
Quand l'heure arriva, S m'accompagna jusqu'à la gare. Il m'embrassa une dernière fois, me murmura que tout irait bien, et que si j'avais besoin de parler, il était là. Mais pouvais-je vraiment compter sur lui ? Lui, ce garçon qui m'avait fait ressentir tant de choses en si peu de temps ? Ou devais-je affronter seule ce que je savais être inévitable : mettre fin à une relation de plus d'un an avec L ?
Le train démarra. À travers la fenêtre, je vis S s'éloigner, un sourire triste sur les lèvres. J'avais cinq heures devant moi pour me préparer à affronter L. Cinq heures pour trouver la force de dire stop.
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Fragments d'un discours amoureux
Romance« Suis-je amoureux ? Oui, puisque j'attends. L'autre, lui, n'attend jamais. Parfois, je veux jouer à celui qui n'attend pas ; j'essaie de m'occuper ailleurs, d'arriver en retard ; mais à ce jeu, je perds toujours : quoi que je fasse, je me retrouve...