Chapitre 13 : le calme avant la tempête S

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Quand j'entendis sa voix, mon cœur rata un battement. J'étais tentée de raccrocher, de fuir cet instant. Mais l'alcool m'offrit un courage inattendu, une confiance vacillante. Mes amis, silencieux autour de moi, leurs verres d'alcool à la main, m'observaient comme s'ils assistaient à la scène culminante d'un film. Leur présence me força à affronter la réalité.

Je pris une grande inspiration, ma voix tremblante :
— Oui... c'est moi. Tu me manques, je suis désolée pour tout, mais il n'y a que toi et il n'y a jamais eu que toi. J'ai merdé, mais j'ai vraiment quitté L. Je suis désolée. Ça a toujours été toi. J'avais peur... peur de t'aimer et d'avoir mal. Mais finalement, je me suis trompée, parce que je t'aime toujours et tu n'es plus là. J'aimerais qu'on se revoie avant que je parte dans le sud, juste pour parler. Si tu ne veux pas, je comprends. Je disparaitrai de ta vie.

Un silence s'abattit. Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression que tout le monde pouvait l'entendre. Chaque seconde d'attente amplifiait mon stress, comme un message risqué envoyé sans retour possible. Puis sa voix résonna :
— Écoute, Laura... tu me manques aussi. J'aimerais qu'on se voie pour parler de tout ça. On se parle par message, il est tard là, ok ?

Autour de moi, mes amis explosèrent de joie en silence, se couvrant la bouche pour ne pas crier. Moi, j'étais à la fois soulagée et bouleversée. Je répondis, essayant de contenir mon excitation :
— Ok, désolée, je n'avais pas vu l'heure... bonne nuit, S.
— Bonne nuit, on se voit bientôt, ne t'inquiète pas. Tu pourras venir chez moi. Je t'explique tout ça demain.

Il raccrocha. À peine le téléphone posé, mes amis et moi criâmes, dansâmes, buvant à ma victoire sentimentale. Pour eux, c'était une réussite collective. Nous étions unis dans ce moment, unis dans ma vie amoureuse comme si elle leur appartenait un peu.

Le voyage vers S

Le lendemain, S m'appela pour m'expliquer que ses parents étaient partis en vacances pour deux semaines, me laissant une opportunité parfaite. Le seul hic : il travaillait de 7 h à 16 h chaque jour.
— Ce n'est pas grave, je trouverai de quoi m'occuper, lui répondis-je, pleine d'entrain.

Le trajet pour le rejoindre était presque aussi compliqué que d'aller en Suisse : un bus, un train, un autre bus. Mais je n'avais pas peur des kilomètres. Je savais que chaque étape me rapprochait de lui.

Quand j'arrivai chez S, il n'était pas encore rentré. Il avait laissé ses clés sous un pot devant chez lui. Ramassant les clés, je remarquai leur nom de famille gravé sur la boîte aux lettres. Ce fut un rappel inattendu que sa mère était ma professeure de biologie. En entrant dans la maison, j'eus un étrange sentiment d'intrusion, comme si je pénétrais un espace interdit.

Je me trouvai un peu gauche, assise sur leur immense canapé. La maison était vide, trop silencieuse. Chaque tic-tac de l'horloge semblait durer une éternité. J'attendais S avec une impatience mêlée d'euphorie. J'avais apporté une bouteille de mojito et une de piña colada dans ma valise, pour fêter nos retrouvailles comme il se doit.

Les retrouvailles

Quand il franchit la porte, nos regards se croisèrent. Rien d'autre n'existait à ce moment-là. Nous nous précipitâmes dans les bras l'un de l'autre. Son parfum, sa chaleur, tout en lui m'avait manqué. Mon cœur battait à un rythme effréné, comme un feu d'artifice qui explosait en moi.

— C'est donc ça, l'amour ? pensai-je, une explosion de dopamine qui embrase tout notre être.

S me fit visiter la maison. Quand il me montra la chambre de ses parents, où j'étais censée dormir, je ne pus m'empêcher de rire nerveusement. Dormir dans le lit de ma professeure ? C'était inconcevable. Évidemment, nous dormîmes ensemble dans sa chambre. S changea les draps de ses parents pour donner l'illusion que tout était resté sage.

Une parenthèse enchantée

Ces cinq jours passés ensemble furent d'une intensité inégalée. Nous parlâmes de tout, nous rîmes, nous fîmes l'amour sans compter, comme si le temps lui-même nous appartenait. Avec S, tout semblait naturel, pur. Pas de manipulations, pas de pressentiments sombres comme avec L.

Pour officialiser notre relation, il posta des photos de nous sur Instagram. Moi, je n'avais même pas de compte. Pourtant, cette simple publication fut un acte symbolique, une manière de dire à tout le monde : Nous sommes ensemble.

Certes, il y eut des critiques. Des filles, se proclamant ses « amies », lui envoyèrent des messages :
— Fais attention à toi. Tu ne sais jamais avec elle.

Mais nous nous en fichions. Nous étions heureux. C'était tout ce qui comptait.

La veille du départ

La veille de mon départ, je pleurai dans ses bras. Lui aussi. Nous savions que cette séparation serait douloureuse. C'était comme si une ombre planait sur nous, un pressentiment que cette bulle de bonheur était trop belle pour durer.

Je partis le lendemain, le cœur gros, le regard tourné vers lui une dernière fois avant de monter dans le bus.

Un amour incertain

Ces cinq jours furent magiques, mais une part de moi restait sur le qui-vive. Était-ce vraiment possible ? Étions-nous réellement prêts à surmonter ce qui nous attendait ?

Malheureusement, mon instinct ne me trompait pas.

Fragments d'un discours amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant