Chapitre 6 : mon crush S

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Plus les mois passaient, plus notre relation s'effritait. Ce qui avait été intense et passionné s'était transformé en une routine étouffante, pleine de silences et de non-dits. Même sur le plan sexuel, quelque chose s'était brisé. Lorsque je faisais le voyage pour aller en Suisse après des semaines d'attente, il ne semblait plus avoir envie de moi. Mes tentatives pour raviver notre complicité se heurtaient à un mur. Tout ce qu'il voulait, c'était des gestes mécaniques, sans échange véritable. Il me demandait de le satisfaire, mais refusait tout ce que je lui proposais.

Je savais que quelque chose clochait.

La découverte d'une double vie

Un jour, alors qu'il dormait, mon instinct prit le dessus. J'attrapai son téléphone, et à travers l'écran, la vérité me frappa comme un coup de poing. Des photos recadrées, soigneusement modifiées pour que je ne puisse pas deviner qu'il était entouré d'autres filles. Des conversations ambiguës. Des soirées en boîte dont il ne m'avait jamais parlé.

Puis, il y avait ces messages. « C'était génial, on se revoit quand ? », « T'es venue me parler, tu te souviens ? ». Chaque mot était comme un clou enfoncé dans le cercueil de notre relation. Mais le pire, c'était les preuves visibles de ses tromperies, des photos, des flirts explicites. Des indices qu'il avait essayé de camoufler, mais qui me hurlaient leur vérité à travers l'écran.

Je décidai d'aller plus loin. Je craquai son mot de passe Facebook, et cette fois, je pris les devants. J'acceptais les demandes d'amitié de ces filles avec son profil, puis leur envoyais des messages pour leur demander comment elles le connaissaient. Leurs réponses étaient claires : « La soirée de la semaine dernière », « Tu dansais avec moi », ou encore, « Tu es vraiment drôle, c'était génial de te parler. »

Chaque mot me brisait un peu plus, mais je gardais tout pour moi. Je n'avais pas la force de l'affronter. J'étais totalement sous son emprise, émotionnellement dépendante, incapable de concevoir ma vie sans lui, même face à cette trahison.

Une ombre de contrôle

L devenait de plus en plus possessif et agressif. Il ne supportait pas que je porte des vêtements qui me mettaient en valeur. « Ne t'habille pas comme ça », « Ne te maquille pas », « Pourquoi tu parles avec lui ? ». Ces remarques, répétées encore et encore, érodaient ma confiance en moi.

Quand mes amis me disaient de le quitter, de me libérer de cette emprise, je ne les écoutais pas. Je ne pouvais pas. Je me sentais seule, incomprise. Et la seule personne qui semblait me comprendre était aussi celle qui me contrôlait.

Un souffle d'air frais : S

Puis, j'ai eu 17 ans. Et au milieu de ce chaos émotionnel, un rayon de lumière est apparu sous la forme d'un garçon de mon lycée. S.

S avait ce charisme qui attirait tous les regards. Ses yeux bleu translucide et son sourire étincelant me déstabilisaient à chaque fois que je croisais son chemin. Il était confiant, populaire, et il savait qu'il plaisait. Ses gestes, son assurance, tout en lui me fascinait.

La première fois qu'il s'assit en face de moi à la cantine, je perdis tous mes moyens. Mon visage devint écarlate, mes mains tremblaient, et dans un moment d'inattention, je renversai mon assiette de salade sur mes genoux. Il éclata de rire, un rire clair, sincère, et je ne savais plus où me mettre.

Mais ce moment marqua le début de quelque chose.

Une complicité naissante

Les jours suivants, je pris mon courage à deux mains et lui adressai la parole. J'osai même lui demander son Snap, brisant cette barrière invisible qui nous séparait. Nos discussions s'enchaînèrent, d'abord banales, puis de plus en plus profondes. Une tension subtile s'installait entre nous, faite de regards prolongés et de gestes qui trahissaient nos pensées.

Un soir, nous nous retrouvâmes seuls sur un banc dans la cour. L'air était doux, le silence ponctué par le bruissement des feuilles. Je pris une grande inspiration et lui racontai tout. L. Ses tromperies. Son contrôle. Mon incapacité à partir.

S écouta attentivement, mais son visage se ferma. Ce qu'il retenait surtout, c'était que j'étais en couple. Cela créa une distance entre nous, un espace que ni l'un ni l'autre ne semblait prêt à franchir.

Le baiser des pissenlits

Quelques jours plus tard, par un après-midi ensoleillé, S et moi nous retrouvâmes dans un champ parsemé de pissenlits. L'atmosphère était légère, presque joyeuse. Pour briser la tension, je cueillis un pissenlit et lui tendis en disant : — Souffle et fais un vœu.

Il joua le jeu, cueillit à son tour un pissenlit, mais avant qu'il ne souffle, je le lui enfonçai dans la bouche en riant. Sa réaction fut immédiate. Il recracha les morceaux, puis se jeta sur moi avec une poignée d'herbe et de pissenlits. Nous roulâmes dans l'herbe, riant aux éclats, des graines volant autour de nous comme une pluie légère.

Et puis, tout s'arrêta.

Il était au-dessus de moi, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Nos regards se croisèrent, et sans réfléchir, nous nous embrassâmes. Ce baiser était intense, spontané, comme si tout l'univers s'était figé autour de nous. Juste lui, moi, et ces éclats de pissenlits.

Un déclic

Ce baiser fut un déclic. S m'avait montré ce que je cherchais désespérément : de la spontanéité, de la légèreté, de l'attention sincère. Le soir même, j'en parlai à mes amies de chambre. Elles étaient choquées, mais leur enthousiasme était contagieux.

Moi, je savais ce que je devais faire.

Le week-end suivant, je devais aller en Suisse pour voir L. Je savais que cette fois, je devais le quitter. Mais j'avais peur. Peur de sa réaction, peur de son emprise. Je me répétais que je devais être forte, que je ne pouvais plus vivre ainsi.

Puis, mon téléphone vibra.

Un message de S : — Ça te dit qu'on se voie en cachette cette nuit ?

Je souris. Peut-être que cette fois, j'avais trouvé la force qu'il me fallait.

Fragments d'un discours amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant