Avril s'étirait comme un voile terne, une période morose et pesante où chaque journée semblait s'accrocher à la suivante sans fin. Les épreuves du BTS, cette formation qui ne m'avait jamais véritablement animée, n'étaient qu'une formalité à traverser, un poids de plus dans ma routine.
Je rêvais d'évasion. D'échapper à cette petite ville dénuée d'âme, au quotidien monotone, à ce BTS imposé par les attentes des autres. Mon cœur aspirait à autre chose : l'université, les lettres, la vie étudiante en centre-ville. Ce désir était une flamme vacillante qui éclairait mes jours les plus sombres.
Mais, depuis des mois, depuis des années peut-être, je perdais le fil de ma propre existence. J'avais l'impression d'être une spectatrice de ma propre vie, de marcher à contre-courant de mes aspirations, enfermée dans des choix qui n'étaient pas les miens.
Les fissures de l'identité
Je vivais pour les autres, et non pour moi-même. Cette réalisation me frappait durement. Chaque décision, chaque trajectoire que j'avais empruntée, semblait guidée par la peur de décevoir.
Je me demandais souvent si tout cela avait affecté ma relation avec R. Cette accumulation de frustrations, de doutes, et de ce sentiment d'étouffement intérieur avait-elle contribué à creuser le fossé entre nous ?
Et puis, il y avait S, l'amour non résolu, dont l'ombre planait encore au-dessus de moi. Et V, cet amant interdit qui attisait en moi une flamme que je croyais éteinte, mais qui me poussait aussi vers un abîme d'interrogations et de remords.
Qui étais-je dans tout cela ? Était-il possible de trouver un jour ma véritable identité, d'apprendre à m'aimer seule, face à mes démons intérieurs ?
Je redoutais la solitude, car elle me forçait à affronter une réalité que je n'étais pas prête à regarder en face. La solitude était un miroir impitoyable.
L'enchevêtrement des relations
Avec V, les moments partagés devenaient plus fréquents, plus intimes. Nous passions ensemble les samedis, parfois même tout le week-end. Il était devenu un refuge, une échappatoire.
Pendant ce temps, avec R, les liens se délitaient doucement. Nous avions entamé les démarches pour rompre le bail de notre appartement. Pourtant, il ne voulait pas me laisser partir. Et moi, lâche, je restais incapable de lui dire un « non » définitif.
Je succombais parfois à ses avances par facilité, par habitude. Deux ans de relation construisent des ponts qu'il est difficile de détruire.
Mais la vérité était implacable : je ne l'aimais pas. J'étais restée parce qu'il était stable, parce qu'il m'aimait, mais je ne ressentais rien de plus qu'un attachement flou, un écho de sympathie pour ce qu'il avait représenté à un moment de ma vie.
Le frisson d'un amour passé et présent
Malgré V, malgré R, c'était S qui hantait mes pensées. S, celui que je surveillais encore à travers les réseaux sociaux, celui qui semblait mener sa vie loin de moi, en couple. Je me disais parfois que si S revenait, tout cela s'effondrerait. Je l'avais même confié à V un jour, lui disant qu'il devrait m'oublier si S refaisait surface.
Mais S ne reviendrait jamais, j'en étais persuadée. Et pourtant, cette idée ne me quittait pas.
Le placard des secrets
Un matin, alors que V et moi étions seuls chez moi, nous étions plongés dans une étreinte passionnée. Mes parents étaient absents, et la maison entière semblait n'appartenir qu'à nous. Mais soudain, le bruit sec d'une clé tournant dans la serrure nous glaça le sang.
Mon cœur s'emballa violemment. Je savais que c'était R. Il devait venir récupérer ses affaires et discuter. Mais il était supposé arriver à 11 heures, pas à 9 heures !
Paniquée, j'attrapai V par le bras et le poussai dans le placard de ma chambre. Il était complètement nu, tout aussi désorienté que moi. Je jetai ses vêtements sous le lit et me précipitai pour enfiler un peignoir.
L'effroi du mensonge
Les pas de R résonnaient dans l'escalier. Ils se rapprochaient, lourds, inéluctables.
Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression que tout l'appartement vibrait à son rythme. Je me glissai rapidement sous la couette, feignant de me réveiller d'un sommeil profond.
La poignée de la porte bougea, puis la porte s'ouvrit.
Je retenais mon souffle, une sueur froide coulant le long de ma colonne vertébrale. V, recroquevillé dans le placard, ne devait surtout pas bouger. Pas un bruit.
R entra dans la pièce. Ses yeux parcouraient la pièce avec une lenteur terrifiante. Je priai intérieurement pour qu'il ne remarque rien, pour qu'il ne se dirige pas vers le placard.
Je ne sais pas ce qu'il a vu ou cru voir ce jour-là, mais l'instant était suspendu, comme si le temps lui-même hésitait à avancer.
Et puis, il a parlé. Mais je ne me souviens même plus des mots exacts. Tout ce dont je me souviens, c'est de la terreur qui me saisissait à cet instant. Une terreur glaciale, presque paralysante.
Et moi, dans cette tempête, je me demandais combien de temps encore je pourrais jouer à ce jeu dangereux.
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Fragments d'un discours amoureux
RomanceLes souvenirs sont comme des éclats de verre : fragments éparpillés, tranchants, impossibles à assembler sans se blesser. Pendant longtemps, j'ai refusé de les regarder, de les toucher. Je vivais parmi ces morceaux éparpillés de ma vie, évitant soig...