Chapitre 17 : un souvenir indélébile S

167 4 0
                                    

Le message de S disait : « Écoute Laura, ça ne va pas le faire entre nous. J'ai senti en t'embrassant qu'il n'y avait plus rien, à part de la déception et une grande tristesse. J'ai bien vu que c'était réciproque pour toi, ça n'avait pas l'air de t'atteindre. J'ai pris ma décision. Je ne veux pas qu'on réessaie, je crains d'avoir à nouveau mal. Je crois que nous ne sommes pas compatibles. Quand nous sommes ensemble, nous allons droit vers un chaos sentimental. »

Ce soir-là, en rentrant chez moi, j'étais dépité.

Même ma maman m'avait fait remarquer que je n'avais pas l'air bien du tout.

Je lui avais simplement répondu avec un faux sourire en coin : « Non, ça va un peu fatiguée de la rentrée. Ça fait bizarre de reprendre le rythme des cours. En plus, je n'ai pas faim et j'ai vraiment mal à la tête. Je vais aller me coucher. »

Elle n'avait pas insisté davantage pour que je passe la soirée avec eux et que je prenne mon repas. Je suis directement allé dans ma chambre.

J'avais pleuré toute la soirée en écoutant en boucle la musique "Midnight City" de M83 dans mes écouteurs.

Dans ma tête, tournaient en boucle aux mêmes rythmes que les notes de cette musique tous les moments incroyables que j'avais passés avec S.

Je revoyais notre histoire commencer puis se déchirer encore et encore, en pleurant.

Je repassais chaque moment dans les moindres détails, comme dans un mauvais film romantique où j'étais la foutue héroïne.

Je me disais : « Si seulement je pouvais tout recommencer à nouveau, je n'aurais jamais tout fait foirer comme ça. Si seulement je n'avais pas été aussi naïve, si seulement je n'avais pas fait les mauvais choix... Et si, et si ? »

Mais avec les si on peut refaire tout un monde et le mien était irréparable.

Évidemment, j'ai tenté de persuader S par tous les moyens possibles et inimaginables qu'il fallait qu'on réessaie, qu'il me laisse une dernière chance.

J'avais envoyé des milliers de messages à S, comme une psychopathe, en lui démontrant par A + B que je l'aimais et qu'on était heureux ensemble, que l'on pourrait à nouveau l'être.

C'est d'ailleurs étonnant qu'il n'ait pas bloqué tout de suite mon numéro.

Le problème, c'est que ce n'était pas la première fois que S me laissait des chances.

Je n'avais même pas d'excuses à lui donner, car je ne voulais pas lui dire la vérité, une vérité que moi-même, je niais.

Comment faire confiance à quelqu'un qui nous plante deux fois de suite à cause d'un ex, sans de vraies excuses, sans rien...

La réponse est simple, on ne lui pardonne pas. On l'oublie et on passe à autre chose.

S est passé à autre chose, il a fini par bloquer mon numéro.

À ce moment-là, le vide, le néant, comme un acouphène qui résonne intensément en nous et cache nos sentiments par son bruit de sifflements, bourdonnements et grésillements.

Le problème dans tout ça, c'est que notre cerveau ne nous aide pas.

Enfin si, il nous aide, mais pas de la bonne façon, car il traite les douleurs physiques comme les douleurs mentales.

Il enterre certains mauvais moments, quitte à parfois faire en sorte qu'on les oublie volontairement.

En effet, notre cerveau nous rappelle seulement les bons moments passés dans nos vies, puisque c'est une sorte d'autodéfense.

Il veut oublier ce qui nous fait mal, parce que ce qui nous fait du mal lui fait aussi du mal...

Essayez de vous rappeler une douleur que vous avez ressentie, une piqûre de guêpe, un accouchement, une fracture ?

Vous voyez comme c'est dur de s'en souvenir, on ne se souvient plus vraiment du mal que ça nous a fait.

Je pense d'ailleurs que c'est pour ça que les femmes peuvent avoir un deuxième enfant, car elles finissent par oublier ce moment, c'est pour ça que les enfants remontent sur leurs vélos même s'ils se sont faits mal.

C'est comme ça, c'est de l'autodéfense, c'est de la survie.

On ne se souvient que des bons moments en priorité et rarement des moments douloureux et encore moins de la douleur physique qu'ils nous ont procurée.

Le problème, et c'est là où je veux en venir depuis le début.

C'est que lors d'une rupture, notre cerveau, pensant bien faire (le pauvre, il faut lui pardonner), nous fait ne nous rappeler que des BONS MOMENTS avec cette personne.

On oublie absolument tous les moments difficiles, et c'est malheureusement encore plus dur d'oublier quelqu'un à cause de ça.

Cela produit même l'effet inverse, on se pose encore plus de questions.

Parfois, on se demande même si on a bien fait de quitter cette personne, alors que c'était la pire des ordures.

Car on a oublié le mal qu'elle nous a fait, et seuls les bons moments nous reviennent en mémoire.

Alors oui ! Si la personne était la pire des merdes avec vous ou que ça ne collait tout simplement pas.

OUI, vous avez fait le bon choix, ne vous laissez pas tromper par votre propre cerveau, qui vous montre uniquement les bons moments, une réalité déformée.

Imaginez-le comme un ami un peu trop optimiste.

Les gens trop positifs sont agaçants, ça sonne faux, et c'est pareil pour ces souvenirs, ça sonne faux et vous le savez au fond de vous.

Mais moi, je vous dis ça aujourd'hui avec de l'expérience, alors qu'à ce moment-là, je n'en savais rien.

De plus, c'était en quelque sorte moi qui avais tout fait foirer.

Donc, je m'en voulais énormément et il était impossible de l'oublier.

Nos moments heureux étaient projetés par mon cerveau sur le grand écran de ma pensée, comme un mauvais rêve qui me hantait jour et nuit.

J'ai fini par me forcer à enfermer tous ces moments avec S dans une boîte.

Une boîte qui s'ouvrait souvent et laissait échapper ces quelques souvenirs indélébiles.

Je gardais tout ça pour moi, puis je me suis mise inconsciemment en tête que je voulais vivre ce que je n'avais pas pu vivre avec S avec quelqu'un d'autre.

C'est-à-dire tout ce que nous n'avions pas pu faire ensemble, comme des voyages, des soirées avec des amis, de vrais moments longs et pas seulement des instants.

Il me fallait ce quelqu'un d'autre.

Car ces moments de bonheur étaient si courts, il m'en fallait de nouveaux, c'était presque devenu une obsession.

Il me fallait cette personne qui épongerait ma peine, ma frustration.

Évidemment, je n'ai pas oublié L, nous nous appelions encore tous les soirs, comme avant. Cela faisait plus de deux ans que je le connaissais.

Mais c'était étrange, pour moi, nous n'étions plus un couple depuis longtemps.

Je ne savais pas trop comment le considérer, c'était un peu ma bouée.
Ma routine à laquelle je me raccrochais pour éviter de sombrer dans les bas-fonds de mon vide intérieur.

Puis, le temps passa, rien n'avait changé dans ma vie, deux mois s'étaient écoulés.

Je n'ai plus eu aucune nouvelle de S, et même si j'espérais qu'il apparaitrait un jour dans la cour du lycée, je pouvais toujours rêver.

J'avais perdu beaucoup de ma joie de vivre, moi qui suis quelqu'un de très souriante.

J'étais un peu là sans être là, comme si ma vie se déroulait sans élan, en oubliant une énorme partie de moi-même, de qui j'étais.

C'est à ce moment-là que j'ai rencontré R.

Fragments d'un discours amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant