Sous les jets tièdes de la douche, dans cette chambre d'hôtel à l'atmosphère feutrée, je savourais un instant de répit. Pourtant, dans l'ombre, R sondait les tréfonds de mon téléphone, fouillant comme un naufragé désespéré à la recherche d'un indice, d'une vérité dissimulée.
Ce n'était pas la première fois que je me retrouvais confrontée à ce genre d'intrusion. Depuis ma relation avec L, j'avais appris à me prémunir, à devancer ces fouilles. Alors, par habitude ou par instinct, j'avais déjà effacé plusieurs messages compromettants avec V. Juste assez pour que tout semble anodin.
Nos conversations n'avaient rien de franchement explicite. Pourtant, elles s'étiraient, débordant parfois d'un excès d'affection voilé, témoignant d'une proximité qui aurait dû me mettre en garde. J'avais négligé un détail, un simple message où je confiais à V un rêve étrange, dans lequel je m'étais réveillée en pensant qu'il était à mes côtés.
La colère et le déni
R, le regard chargé de reproches, me confronta avec ce message. Son visage était rouge de colère, mais dans ses yeux brillait une lueur blessée, celle d'un homme trahi.
« Tu rêves de lui maintenant ? », avait-il lancé, les mains tremblantes en brandissant mon téléphone comme une preuve accablante.
Je sentais monter en moi une vague de panique, un instinct de survie émotionnelle. Je m'emportai, retournant les rôles :
« Tu fouilles dans mon téléphone ? Tu te rends compte à quel point c'est malsain ? Tu n'as aucune confiance en moi, et tu oses me faire des reproches ? »Je jouais à merveille, transformant ma faute en son crime, m'emparant de l'arme qu'il croyait avoir contre moi pour l'attaquer.
Je devenais toxique, manipulatrice, presque étrangère à moi-même. Et pourtant, je refusais de lâcher prise, incapable d'affronter la réalité de ma propre duplicité.
L'illusion de la victoire
R, déstabilisé par mes accusations, se retrouva à s'excuser. L'inversion était complète : c'était désormais lui, le coupable, l'agresseur, celui qui avait violé ma « vie privée ».
Lorsqu'il me ramena chez moi, le silence dans la voiture était lourd, saturé de ressentiments et de culpabilité. Pourtant, dans cet instant d'obscurité émotionnelle, je ressentis une étrange satisfaction.
Je n'étais pas la méchante, du moins pas dans l'histoire que je construisais pour nous.
Mais cette « victoire » me laissait un goût amer. Une fois seule dans mon lit, mes pensées tournaient en boucle.
Ai-je jamais aimé R ? Ai-je simplement poursuivi cette relation par habitude, par peur de l'inconnu ?
Je pensais à V, à cette intensité qu'il apportait à ma vie, et à la façon dont il réveillait quelque chose de profondément enfoui en moi. Avec R, tout semblait si terne, si figé.
La peur de la vérité
R n'avait rien d'un mauvais partenaire. Il était attentif, stable, aimant. Mais il ne m'électrisait pas, il ne faisait pas vibrer ces cordes sensibles que V touchait avec une désinvolture désarmante.
Et pourtant, je restais. Parce que quitter R signifiait affronter ma famille, briser cette image de relation parfaite que nous projetions. Parce que le vide qu'il laisserait derrière lui m'effrayait plus que tout.
Je me convainquais que c'était à lui de me quitter, à lui de prendre cette décision que je n'avais pas le courage d'assumer.
L'attente et l'inaction
Après l'hôtel, je lui envoyai un message :
« Je pense qu'il serait bon qu'on prenne une pause, qu'on réfléchisse à ce qu'on veut. »R me répondit rapidement, refusant de lâcher prise :
« Je suis désolé, Laura. On peut arranger les choses, je le sais. Donne-moi du temps. »Et moi, faible, je laissai le temps décider. Je m'accrochais à ce faux semblant, laissant une porte entrouverte pour R, tout en continuant de me rapprocher de V.
Chaque jour qui passait, je me noyais un peu plus dans cette double vie, incapable de rompre avec l'un ou de m'engager pleinement avec l'autre.
L'engrenage d'avril
Nous étions en avril, et rien n'avait changé. Je jouais toujours le rôle de la compagne fidèle pour R, tout en échangeant avec V des messages de plus en plus intimes.
R ne savait rien, mais je sentais que le temps pressait. La vérité ne pourrait rester dissimulée indéfiniment. Et pourtant, je continuais, prisonnière de mes propres mensonges, refusant de prendre une décision.
Je savais que je courais droit à la catastrophe. Mais dans ce tourbillon d'émotions contradictoires, une chose restait claire : je contrôlais tout, ou du moins, je faisais semblant de le croire.
![](https://img.wattpad.com/cover/334179720-288-k157726.jpg)
VOUS LISEZ
Fragments d'un discours amoureux
RomanceLes souvenirs sont comme des éclats de verre : fragments éparpillés, tranchants, impossibles à assembler sans se blesser. Pendant longtemps, j'ai refusé de les regarder, de les toucher. Je vivais parmi ces morceaux éparpillés de ma vie, évitant soig...