Je n'avais pas réussi à passer en première générale. Les chiffres rouges de ma moyenne avaient scellé mon sort. Alors, j'ai cherché une autre voie, un autre chemin qui pourrait correspondre à ce que j'aimais : la nature et les animaux.
Avec la littérature, ce monde était ce qui me faisait vibrer. J'ai donc commencé à explorer les options qui s'offraient à moi. Après quelques recherches et une lettre de motivation, j'ai été acceptée dans un lycée agricole, en internat, pour y préparer un bac professionnel en Gestion des Milieux Naturels et de la Faune.
Un lycée loin de chez moi, perdu dans une forêt, où la vie semblait suivre un rythme différent. Rien que le nom me donnait envie d'y être. Ce serait un nouveau départ, une chance de me réinventer. Et peut-être un moyen d'oublier certains poids qui s'accumulaient.
Un été intense avec L
Avant cette rentrée, l'été m'offrit un souffle passionné et étouffant à la fois. J'ai passé deux mois entiers avec L. Deux mois collés l'un à l'autre, à rire, à danser, à nous perdre dans l'insouciance de notre jeunesse. Nous avions d'abord passé un mois en Suisse, chez lui, où les soirées s'enchaînaient dans une euphorie presque irréelle : des amis, de l'alcool, des rires, et des instants volés à la lumière de la lune.
Puis, nous avons terminé cet été au Cap d'Agde, là où tout avait commencé. C'était comme boucler une boucle. Ces moments passés ensemble me donnaient l'illusion que rien ne pouvait nous séparer. Nous nous connaissions depuis un an, et malgré les disputes, malgré la distance, je l'aimais profondément.
Mais l'amour rend vulnérable. Quand son train quitta la gare, après ces deux mois passés H24 ensemble, je ressentis une douleur physique. Un vide immense, presque insupportable. Plus le train disparaissait au loin, plus mes larmes coulaient.
J'étais seule. À nouveau.
Une rentrée sous tension
Cette rentrée marqua un tournant. Je quittais tout ce que je connaissais pour rejoindre un lycée agricole niché dans la forêt, un endroit à mille lieues de mon ancien quotidien. L'internat m'intimidait. Le premier jour, les regards curieux des autres élèves me firent sentir comme une étrangère. Dans cet univers où tout le monde semblait se connaître, j'étais la nouvelle, celle qu'on chuchote du bout des lèvres.
Je m'étais habillée avec soin, peut-être trop. Talons, pantalon fluide noir, haut léger bleu... une tenue qui, je le comprenais maintenant, détonnait dans cet univers rural. La journée débuta par un rallye pour découvrir les lieux : une ferme, un terrain de rugby immense, des sentiers forestiers. Le décor était magnifique, mais mes pieds hurlaient sous la torture de mes chaussures.
Le soir, je découvris ma chambre. Je partageais cet espace avec deux filles de ma classe, et le courant passa immédiatement. Nous riions, échangions des anecdotes, parlions de garçons. J'évoquai L, ce garçon de Suisse, mon copain.
À elles, il semblait sorti d'un roman.
Une bulle de camaraderie
Les deux premiers mois furent étrangement heureux. L'ambiance de ce lycée était particulière, unique. Perdus dans la forêt, nous vivions comme dans un monde parallèle. Tout le monde se connaissait, et les rumeurs circulaient à une vitesse vertigineuse. C'était comme vivre dans une série télévisée, où chaque jour apportait son lot de drames et de secrets.
Mais dans cette euphorie collective, un fil rouge me rattachait à L. Chaque soir, à 21 heures, nous avions notre rituel : un appel. Sa voix me réconfortait, me rappelant que j'étais encore connectée à lui malgré la distance. Mais au fil des jours, quelque chose changea.
Un amour qui devient une cage
L devenait différent. Plus distant, mais paradoxalement, plus possessif. Il me surveillait à travers nos appels. Il me questionnait, doutait. Chaque interaction avec un garçon devenait suspecte. Une fois, j'ai raconté innocemment que j'avais gagné une cigarette en pariant sur la neige avec un camarade. Cette anecdote anodine déclencha une colère silencieuse. L me fit la tête, refusant de me parler pendant deux jours.
Il m'interdisait aussi de sortir le week-end, exigeant que je reste chez moi. Alors je mentais. Je disais que j'allais me coucher, mais en réalité, je sortais avec ma meilleure amie d'enfance. Je ne faisais rien de mal, mais ces mensonges, nécessaires pour éviter ses crises, me pesaient. Ils érodaient lentement une relation que je croyais indestructible.
Je n'avais jamais été infidèle, jamais franchi la ligne qu'il redoutait tant. Mais lui ? L, qui me hurlait dessus, m'accusait sans preuve, projetait-il en réalité ses propres actions sur moi ?
La prison de l'apparence
L était devenu ma cage. Il voulait que je sois une extension de lui-même, une fille qu'il pouvait posséder entièrement. À chaque appel, il me rappelait que sa jalousie n'était pas un manque de confiance en moi, mais une crainte des autres garçons. « Ce n'est pas toi que je ne crois pas, c'est eux », répétait-il. Pourtant, à travers ses accusations, ses hurlements, ses menaces de rupture, je sentais que la confiance n'existait plus.
Et moi, naïve et amoureuse, je m'accrochais. Je lui expliquais encore et encore que j'étais loyale, honnête, que je l'aimais. Mais rien ne suffisait. Je mentais pour sauver ce que nous avions, mais chaque mensonge me coûtait.
Une vérité amère
Plus tard, j'ai découvert ce que je refusais de voir : L me trompait.
Toutes ces accusations, cette jalousie, n'étaient que le reflet de ses propres actes. Il avait projeté ses fautes sur moi, comme pour se protéger de sa culpabilité.
Cette réalisation m'a brisée. L'homme que j'aimais, mon premier amour, m'avait utilisée. Il ne voulait pas que je sois libre, il voulait que je sois à lui. Mais dans le même temps, il jouait à un double jeu. Une part de moi savait que je devais partir, mais une autre refusait de lâcher prise. Je l'aimais encore, et c'était terrifiant.
L'illusion d'un amour éternel
Je pensais que L était l'homme de ma vie. Je pensais que notre lien était indestructible. Mais à quel prix ? À force de vouloir sauver ce que nous avions, je m'étais perdue moi-même. Je ne savais plus qui j'étais, ni ce que je voulais. Et lui... lui, il continuait de m'éloigner de ce que je construisais.
Je n'étais plus qu'une ombre, une fille qui vivait pour plaire à quelqu'un qui ne méritait pas cet amour. Et pourtant, à chaque appel, à chaque sourire, je retombais dans cette illusion. Peut-être parce qu'à 16 ans, on veut croire que l'amour peut tout réparer.
![](https://img.wattpad.com/cover/334179720-288-k157726.jpg)
VOUS LISEZ
Fragments d'un discours amoureux
RomanceLes souvenirs sont comme des éclats de verre : fragments éparpillés, tranchants, impossibles à assembler sans se blesser. Pendant longtemps, j'ai refusé de les regarder, de les toucher. Je vivais parmi ces morceaux éparpillés de ma vie, évitant soig...