La plage était là, s'étalant sous nos yeux, mais tout semblait délavé. Les couleurs, les rires, même le bruit des vagues, tout me paraissait lointain. L et moi passions nos journées côte à côte, mais c'était comme si un gouffre nous séparait.
Je m'accrochais à des souvenirs, à cette image de nous avant que tout ne parte en éclats. Je faisais semblant de croire que ces morceaux éparpillés se recolleraient par magie, que les fissures disparaîtraient.
L ne savait rien. Je n'avais pas parlé de S. Ni des autres. Ni de ce qui s'était passé cette nuit-là, où mon monde s'était effondré. Mais lui aussi était différent. Ce n'était pas seulement moi. Nos regards, nos gestes, nos mots... tout avait changé.
Ce qui restait entre nous, ce n'était qu'un attachement mutuel à ce que nous avions été.
Un vide abyssal
Quand L est reparti en Suisse, je me retrouvai seule avec ma propre ombre. Mon appartement devenait une cage, chaque pièce, un rappel de tout ce qui s'était brisé en moi.
Je ne sortais plus, je n'avalais presque rien. Chaque bouchée semblait se coincer dans ma gorge.
Mon amie, celle que je considérais comme une sœur, avait coupé tout contact. Elle m'avait regardée, un jour, les bras croisés, et m'avait dit d'un ton glacial :
— Tu n'es pas quelqu'un de bien.
Puis, elle était partie, rejoignant ceux qui m'avaient détruite.
C'était ironique de penser qu'elle avait été là au tout début de mon histoire avec L, qu'elle avait ri avec nous, partagé nos délires. Maintenant, elle était partie, me laissant seule avec ce vide oppressant.
Une fuite en Suisse
Ma mère voyait bien que je n'allais pas bien. Elle pensait que retrouver L pourrait me faire du bien. Elle réserva des billets pour que je parte en Suisse. Je ne lui avais rien dit des problèmes, ni de son frère, ni de la haine qu'il éprouvait pour moi.
L m'avait prévenue :
— Mon frère te déteste.Ces mots auraient dû me dissuader, mais au contraire, ils renforçaient mon désir de partir. Je voulais fuir cet endroit, ce lieu qui portait encore l'odeur de mes échecs.
Je pris un BlaBlaCar. C'était moins cher, et je savais que je ne pouvais pas demander plus à ma mère.
Arrivée en Suisse, je réalisai à quel point j'étais seule. Perdue au milieu de nulle part, avec ma valise, j'osai quelque chose de désespéré. Je m'approchai de deux garçons et leur demandai s'ils pouvaient m'héberger.
Ils rirent. Pas de moquerie, mais d'incrédulité. Je devais leur paraître folle. L'un d'eux me dit doucement :
— Tu devrais appeler ton copain, il n'a pas le choix, il doit te récupérer.À contrecœur, je sortis mon téléphone.
L'arrivée chez L
Quand L arriva, il était avec son meilleur ami. Le genre de meilleur ami que je ne pouvais pas supporter et qui me le rendait bien.
Nous sommes allés boire un verre en terrasse. Le ton était dur, glacial. Son ami, après m'avoir fixé longuement, lâcha :
— T'as un comportement malsain, Laura. Complètement immature. T'es pas une gamine ? Pourquoi tu fais des trucs comme ça ?Je ne trouvais rien à répondre. Ses mots, bien que cruels, résonnaient comme un miroir.
Arrivée chez L, je ne reçus pas un accueil plus chaleureux. Sa mère me regarda, les bras croisés.
— Ce que tu as fait est inadmissible. On ne débarque pas chez les gens comme ça, Laura.
Ce soir-là, je m'effondrai. Je pleurai dans ma chambre. Même L n'essaya pas de me consoler. Il se contenta de m'ignorer, s'éloignant un peu plus dans ce silence qui nous séparait depuis des mois.
Faire semblant
Le lendemain, L décida de m'emmener dans une piscine en plein air. Nous étalâmes nos serviettes au soleil. Le moment aurait pu être agréable, mais tout semblait forcé.
Je me dis alors qu'il fallait que je fasse semblant.
Je n'avais plus la force de me battre.
Je tournai la tête vers lui et dis les mots qu'il voulait entendre :
— Je suis désolée, L. Tout est de ma faute. Je ne te mérite pas.Je continuai, m'efforçant de rendre ma voix la plus sincère possible :
— Je comprends ce que tu as fait, tes tromperies, tout ça. Tu avais raison. Je vais changer. Je vais être comme avant, comme au début.L me regarda, un sourire satisfait se dessinant sur son visage. Il ne dit rien, mais je savais qu'il se sentait triomphant. J'étais redevenue sa chose.
Un retour amer
Je repris un BlaBlaCar pour rentrer chez moi.
Ce fut la dernière fois que je vis L.
Les dernières semaines de vacances furent une torture. Chaque jour s'étirait, me rappelant ma solitude, mes échecs, et cette relation toxique qui m'avait consumée.
Quand la rentrée arriva enfin, je m'accrochai à l'espoir que tout serait différent. L'internat m'offrirait une nouvelle chance, une opportunité d'oublier.
Une silhouette familière
Le jour de la rentrée, alors que j'aidais à guider les nouveaux élèves dans une sorte de rallye d'intégration, je crus voir une silhouette familière au loin.
Mon cœur se serra.
Je plissai les yeux, incrédule. Était-ce possible ? Était-ce S ?
Il était là, à quelques mètres. Nos regards se croisèrent, et il me lança un regard noir, glacial, rempli de reproches.
Je m'approchai, tentant de rassembler mon courage.
— S, on peut parler après la journée ?Il hocha la tête, son visage fermé.
— Rejoins-moi à la gare. 18 h.Et là, une nouvelle boule d'angoisse s'installa dans mon ventre.
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Fragments d'un discours amoureux
RomanceLes souvenirs sont comme des éclats de verre : fragments éparpillés, tranchants, impossibles à assembler sans se blesser. Pendant longtemps, j'ai refusé de les regarder, de les toucher. Je vivais parmi ces morceaux éparpillés de ma vie, évitant soig...