Chapitre 35

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Le médecin était parvenu à conserver son emploi. Il avait démontré de son utilité, de ses capacités et de sa bonne foi. Il fallait dire qu'il avait vidé ses dernières économies dans un bon avocat, pour eux trois. Grâce à cela, ils avaient évité beaucoup, parce qu'en face d'eux, l'avocat aussi était réputé.

On lui avait malgré tout retiré son diplôme en psychiatrie. Il était interdit d'exercer. A vie. Son cœur en avait été tordu de douleur. Il savait, quand il avait menti pour faire sortir Peter de garde-à-vue, qu'il risquait gros. Et pourtant, il ne regrettait pas.

Son métier était tout pour lui. Il était, avant le jugement, chirurgien à temps plein. Il travaillait une partie de la journée et une partie de la nuit, il se rendait toujours disponible pour les urgences, ou remplacer des collègues fatigués ou malades. On ne lui avait pas pris son métier, son exutoire. C'était tout ce qu'il demandait.

Alors, il n'avait jamais cessé d'aller à l'hôpital depuis leur retour en région parisienne. Avant le jugement, il y travaillait même un peu plus. Il avait besoin de se soulager des incertitudes et des inquiétudes qu'il avait attrapées dans le sud. Les seules pauses qu'il prenait lui servaient à prendre des nouvelles de Peter, le rassurer et lui parler longuement s'il le fallait.

Il s'était rapproché de l'enfant malgré les derniers événements.

Il lui faisait beaucoup penser à quelqu'un d'autre. Il en avait parlé à Anton. Trop proche de lui. Il y voyait comme une deuxième chance. Pouvoir sauver la cousine qu'il n'avait jamais pu aider correctement. Elle avait été tout aussi perdue, elle avait sombré, trop vite, et lui n'avait pas été assez présent pour elle, n'avait pas su. Il était trop jeune. Mais il se le pardonnait difficilement. C'était la seule chose dont il se souvenait de son enfance... Alors s'il pouvait éviter de reproduire le même schéma avec un enfant du même âge, qu'il sentait prêt à tout, jusqu'à se perdre, il ferait tout. Même cambrioler une maison, tant qu'il pouvait garder un oeil sur lui. C'est dans ces moments difficiles que les âmes fragiles basculent.

Il lui avait acheté un téléphone pour cela, et il l'appelait régulièrement.

Anton aurait été contre. Il ne lui en avait pas parlé. Le médecin préférait épargner son ami un moment. Il sentait qu'il n'était pas au meilleur de sa forme. Lui aussi l'appelait, et même s'il ne lui avouait pas, Gérard avait compris qu'il ne vivait pas la situation avec facilité. Et malgré cela, Anton semblait aussi inquiet pour lui, et lui répétait de se reposer.

Le médecin avait l'habitude ; ses proches et sa famille lui chantaient le même refrain depuis qu'il avait commencé ses études. Apparemment, il travaillait trop. On reprochait donc à un passionné d'aimer son travail ?

Ses collègues les plus proches s'inquiétaient malgré tout. Ils le voyaient plus réservé que d'habitude. Ils multipliaient les invitations au bar ou au restaurant, même à la maison, pour être au calme, mais le chirurgien les déclinait. Et parfois, il dormait quelques heures dans une salle vide, pour reprendre le travail aussitôt.

Ce fut au milieu de la semaine, alors qu'il y avait moins d'arrivées, qu'une collègue ne put plus supporter de le voir sans arrêt dans les couloirs. Elle le tira à l'écart et lui posa les questions qui brûlaient toutes les lèvres.

"Écoute, ce n'est jamais bon de travailler autant. Je travaille la journée, et je te vois là, presque tout le temps, et Nathalie pareil. Sauf qu'elle travaille la nuit. Dis-moi ton remède pour dormir en quelques secondes, ça m'intéresse ! Il se passe quelque chose là-dedans, c'est obligé."

Elle tapota sa tempe.

"Tu peux en parler si ça te tracasse, à moi, à Grégoire, à Julie, qui tu veux. Jeanne me fait dire qu'elle te garde même une place si tu as besoin de quelque chose de plus professionnel. Et dors, repose-toi vraiment, rentre chez toi, fais autre chose. Ton corps va finir par ne plus suivre le rythme. Un chirurgien fou, on n'en a pas encore besoin.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 26, 2023 ⏰

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