Chapitre 25

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Peter ne dit toujours rien, mais il semblait soudain pensif. Il calma ses jambes qui balançaient encore, leva le nez au plafond, puis il se leva. Il se posta devant la fenêtre et compta discrètement sur ses doigts. Ses lèvres remuaient, mais soudain, il secoua la tête avant de recompter. Alors, ses yeux s'ouvrirent en grand, puis il se retourna vers la table.

"Dites. Si on n'a pas retrouvé d'autres lettres codées, c'est qu'ils s'en débarrassent au fur et à mesure. Et peut-être très vite... Ce qui voudrait dire que la lettre qu'on a, on a eu de la chance de la voir. Il l'avait peut-être reçu le matin même."

Les deux hommes l'écoutaient en hochant la tête, sans comprendre où il voulait en venir. C'était assez évident. L'adolescent s'avança et prit la feuille noircie par Anton.

"Et le message dit : "Rendez-vous trois gare midi". Si le trois ne correspond pas au trois du mois, et de toute façon on a encore le temps... Il peut correspondre à des jours, à des semaines... ou peut-être à des mois."

A cette dernière hypothèse, le son de sa voix se fit plus grave, signe qu'il ne l'appréciait pas énormément.

"Attends, le coupa le médecin. Comment peux-tu compter à partir d'une date que tu ne connais pas ? Et quelle aurait été leur manoeuvre pour se comprendre là-dedans ?"

Personne ne perçut le petit pouffement et le léger sourire d'Anton qui avait compris où voulait en venir Peter, et vers où cela les menait. Il n'aurait su expliquer cette apparente excitation que prenait son corps. Peut-être le début d'une fin...

"Et comment ils se comprennent sur le lieu de leur rencontre ? l'interrompit-il, ironique. Gérard, s'ils sont de la même famille, dans le même sale coup, et qu'ils échangent des lettres codées, c'est qu'ils ont posé toutes leurs règles en amont, et qu'ils se comprennent quand ils s'envoient ce type de message. Sinon, ils ne le feraient pas."

Anton s'amusait de voir son ami soudain paraître si naïf. La fatigue le prenait lui aussi finalement. Assommé par le poids de l'évidence, Gérard n'ajouta rien de plus, et tendit une oreille attentive pour écouter la suite.

"La seule chose qui me paraît logique après ça, continua Anton, ce serait de compter chaque jour au cachet de la Poste, comme le fait n'importe quel établissement. Compter trois jours me paraît un peu court et incertain pour les deux parties. Si le courrier se perd, ou prend du retard, le rendez-vous serait compromis. Il ne reste que les semaines et les mois. J'aurais choisi les semaines, personnellement. Ca laisse le temps de se préparer et de s'organiser, et en même temps, ce n'est pas une attente trop longue."

Gérard semblait émettre des réserves à ce raisonnement, mais il ne dit rien et tourna plutôt la tête vers Peter qui complétait :

"Et si on compte en semaines, on est en ce moment dans la troisième semaine. Et...

-Mais comment pouvons-nous être sûrs de la date de début du décompte ? interrogea Gérard qui n'y tenait plus.

-Il faut bien commencer par faire des hypothèses, si on ne veut pas rester indéfiniment ici. On n'a rien d'autre, lui répondit Anton en haussant les épaules.

-Dites, reprit Peter, le billet d'avion il est pour midi, aujourd'hui. Je ne sais pas si ça a un rapport...

-D'accord pour cette hypothèse, mais on n'a ni l'endroit ni le jour exact de leur rendez-vous.

-Mais on a l'heure ! s'exclama Peter.

-Et alors ? lui demanda patiemment Gérard."

Anton jeta un oeil à sa montre.

"Quel jour exact vous avez mis les pieds dans l'appartement d'Alexandre ?

-C'était le 5 décembre, dit rapidement Gérard."

Le médecin n'oubliait pas les dates importantes de sa vie, surtout lorsqu'il les avait préparées pendant de longs jours.

"Donc dans l'hypothèse où Alexandre a reçu la lettre le matin même, trois semaines, ça ferait le 26 décembre.

-Donc dans deux jours.

-Donc ça ne correspond pas avec le billet d'avion, répliqua le médecin.

-Sauf s'il avait reçu la lettre un jour avant.

-Ou s'il a voulu arriver un jour avant... termina Anton. Alors il va sûrement prendre l'avion demain. Il faut qu'on s'y prépare, non ?

-On arrive deux ou trois heures avant en général quand on prend l'avion, il faudrait qu'on soit en bas à 8h, avança Peter.

-Pour qu'on se fasse remarquer à rôder dans l'aéroport... Ce n'est pas une bonne idée. Et s'il part pour des affaires illégales, il n'aura pas envie non plus de traîner.

-Peut-être qu'il n'aura pas pris de bagage en soute. Quelle heure alors ? s'inquiétait Anton."

Ils discutèrent encore un long moment sur l'heure à laquelle ils devraient descendre, où ils devraient attendre, et finalement se mirent d'accord pour onze heures sur le parking, malgré les réticences du médecin. Deux à l'extérieur, et un à l'intérieur de l'aéroport. Le mot indiquait une gare et non un aéroport... Ils n'avaient vraiment pas tout déchiffré.

Pour les détails techniques, ils se mettraient en appel continu jusqu'à ce qu'ils aient vu Paul, et Anton, qui avait avec lui deux téléphones portables, en prêta un à Peter. Puis Peter partit faire des boissons chaudes et la conversation dériva sur des sujets plus légers.

Parce que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant