Chapitre 29

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Gérard se leva à son tour. Il fit sonner quelques pièces pour le serveur et sortit immédiatement. Il se dirigea à pas rapides vers une rue adjacente, ses amis sur les talons. Ils hélèrent un taxi et lui indiquèrent la même chose qu'au précédent. Seulement, la voiture de Paul ne se montrait pas. Ce ne fut que par hasard qu'ils virent l'homme les dépasser, dans une nouvelle voiture. Le taxi fila à sa suite.

Ils sortirent rapidement de Paris et prirent la direction du sud. Les panneaux indiquaient d'abord Nantes, Bordeaux, et toujours plus au sud, Toulouse et Clermont-Ferrand. Avec les kilomètres, le moral d'Anton baissait. Ses nausées étaient de plus en plus présentes, et avec elles, des questions angoissantes s'imposaient à lui. Elles étaient trop ambigües pour qu'il se risque à les poser devant le chauffeur. Alors ils les retenaient, comme son envie de vomir. Plus ils avançaient, plus il avait l'impression de chuter dans un puits, et que jamais il n'en ressortirait vivant.

Ce qui l'inquiétait le plus était de savoir ce qu'ils feraient une fois qu'ils seraient arrivés là où Paul les emmenait. Comment allaient-ils se défendre ? Ils se battraient aux poings ? Comme les héros dans les films ? Sauf que de tels héros n'existaient pas, et ils se feraient massacrer.

Il prit son téléphone, maîtrisant encore assez ses nausées, et envoya à sa femme qu'il l'aimait, et qu'il ne rentrerait probablement pas tout de suite. Il était tétanisé à l'idée de ne plus jamais la revoir, de l'inquiéter sans même lui avoir expliqué ce qu'il faisait.

Il aurait aimé la serrer dans ses bras, la revoir et lui parler, de tout et rien. Et surtout pouvoir être certain que son message était la vérité ; qu'il reviendrait.

Le médecin, lui, avait une autre idée qu'il gardait en tête. Combien risquaient-ils pour le cambriolage d'une maison ? Après seulement quelques clics, il s'était retenu de s'exclamer et avait brusquement éteint son téléphone, catastrophé. Il leur faudrait à coup sûrs de bons bons avocats...

Paul fit une nouvelle pause un peu après Bourges, et Gérard décida de changer à nouveau de taxi, pour aussi brouiller les pistes. Il ne tenait pas à se faire arrêter au beau milieu du chemin et revenir à la case départ. Avec ce qu'ils risquaient, ils pourraient bien attendre encore un peu... Leur maquillage, leur nouvelle couleur de cheveux, ou quoi que ce soit d'autre ne leur servaient finalement pas à grand chose puisqu'ils restaient deux hommes, un vieux et un plus jeune, accompagnés d'un enfant.

Cette fois, Paul ne changea pas de voiture, et continua sa route après une vingtaine de minutes de pause. Il avait passé un coup de téléphone.

Il s'arrêta une nouvelle fois au Puy-en-Velay, après trois heures de route, et ce fut le chauffeur de taxi qui leur faussa compagnie en leur réclamant une somme exorbitante. Ils s'étaient retrouvés seuls dans la nuit d'hiver, à grelotter à moitié et à chercher un nouveau véhicule pendant plusieurs dizaines de minutes, un peu paniqués à l'idée d'être perdus au bout de la France et de n'avoir pas pu suivre jusqu'à la fin leur filature.

Pour ajouter à leur stress, Peter avait disparu... avec le porte-monnaie d'Anton qui ne s'était rendu compte de rien. Alors qu'ils cherchaient l'enfant, celui-ci les retrouva à bord d'un taxi et leur indiquait de monter. Au même moment, ils virent la voiture de Paul s'éloigner.

Ils roulèrent encore de longues heures. Le chauffeur voulut s'arrêter après deux heures de route, mais Peter le lui interdit, lui faisant constater que la voiture qu'ils traçaient, elle, ne s'était pas arrêtée. Gérard reprit ses mots de manière plus diplomate, promis un peu plus d'argent pour que le chauffeur se calme et accepte de continuer. Anton faisait profil bas. Il priait presque pour que le trajet soit terminé dans peu de temps. Ils avaient voyagé toute la journée, ils avaient traversé presque tout la France. Il n'osait imaginer si leur filé les emmenait au-delà des frontières... Son estomac ne le supporterait pas. Ses nerfs non plus. Il serrait les dents.

Trois heures de route plus tard, alors que les kilomètres, la fatigue, et la faim, encore, se faisaient sentir, au milieu de la campagne occitane, la voiture de Paul ralentit. Le taxi alla pour faire de même mais ses passagers lui intimèrent de continuer. Ils s'arrêteraient un peu plus loin. Gérard et Anton redoutaient de s'être déjà fait remarquer, mais il valait mieux assurer leurs arrières malgré tout.

Dans la nuit étoilée, ils distinguèrent à peine où Paul mettait le frein à main. Il semblait que c'était un hangar de stockage, mais ils crurent que l'obscurité leur faisait défaut. Personne ne dormait dans un bâtiment en tôle au milieu de l'hiver.

C'était forcément une maison perdue au milieu de ces plaines.

Le chauffeur, qui roulait au pas, leur indiqua qu'en face, il semblait y avoir un village, à deux kilomètres, et qu'il pourrait les emmener là-bas.

Le coeur de Peter tambourinait dans sa poitrine. Il secouait la tête, il ne fallait pas aller dans le village, il fallait suivre Paul. La seule raison pour laquelle il s'était garé au milieu de rien, c'était qu'il venait de rejoindre Clément. Et avant qu'il ne lui fasse plus de mal, il fallait qu'ils y aillent eux aussi ! Il s'apprêtait à ouvrir la portière.

"Tu fais quoi Peter ? lui demanda Gérard après avoir acquiescé à la proposition du chauffeur.

-Ben, j'y vais. On y va ! Il faut y aller ! Pas dans le village ! s'agita l'adolescent en faisant signe au conducteur qui accélérait.

-Pour faire quoi exactement ?

-Mais tu te rends pas compte ! On l'a retrouvé ! Et lui il va continuer de lui faire du..."

Peter s'interrompit et tourna un regard inquiet vers leur chauffeur. Il avait failli faire une bêtise. Mais il était si impatient... si tendu et si malade de douleur... Ils étaient si proches... Il en était sûr.

Ils se rendirent au village voisin malgré les récriminations de Peter, qui s'était mis à pleurer de nerfs. Sur la place centrale, Gérard paya la course, mais sa carte refusa de débiter le montant entier. Anton dut payer ce qu'il restait.

D'abord, il chercha son portefeuille là où il avait l'habitude de le ranger, puis, inquiet de ne pas le trouver, il essaya d'autres poches. Parfois on ne faisait pas attention et on se trompait. Mais il continua de chercher, un peu paniqué. Alors, Peter, qui ne savait comment amorcer le problème, avait sorti l'objet de sa poche. En rougissant de honte, il le tendit à son propriétaire qui lui lança un regard brûlant.

"Tu l'avais fait tomber tout à l'heure..."

Anton eut un marmonnement peu convaincu et lui arracha des mains avant de payer le service. Puis ils sortirent. Dans la nuit et sans lampadaires, ils étaient un peu perdus. En pleine campagne, les hôtels ne couraient pas les rues, et malgré un temps relativement doux pour la saison, il faisait froid. Et la faim n'arrangeait pas les choses.

Parce que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant