Chapitre 28

1 0 0
                                    

C'était la voix d'Anton.

Gérard avait relevé la tête.

Midi pile. Il avait raté son avion... C'était donc un leurre.

Tout le monde s'était mis à chercher l'homme des yeux, tâchant de ne pas attirer l'attention sur eux.

"Oui je le vois, c'est lui !"

La voix essoufflée de Peter avait surgi. Il se retenait de courir.

"Il monte dans une autre voiture...

-Quoi ?"

Le médecin était le seul à ne pas l'avoir vu, il le cherchait encore, il s'approchait de Anton qui était sorti du bâtiment.

"Il démarre. Vite, dans un taxi !"

Cette fois-ci, l'enfant courait.

Il ouvrit brusquement la portière du premier taxi qu'il croisa et s'assit à la place passager, en faisant de grands signes à ses camarades pour qu'ils le rejoignent, tout en enlevant les écouteurs de ses oreilles et en raccrochant. Il indiqua rapidement au chauffeur qui suivre, et ils furent en route.

Dans le taxi, personne ne parlait. D'abord, le chauffeur avait tenté d'en savoir plus. Où allaient-ils ? Feraient-ils beaucoup de route ? Mais puisqu'on lui répondit qu'on ne savait pas, il se tut. Il avait dévisagé un moment les deux hommes derrière, et il en avait conclu que ce serait eux qui le paieraient.

Alors, le chauffeur alluma la radio et une musique flotta dans l'air silencieux de l'habitacle.

A côté de Peter, un petit boitier comptait les tours en ajoutant à chaque minute, à chaque kilomètre des grands chiffres devant les petits.

Gérard soupira. Il s'inquiétait. Pour son compte en banque et pour leur aventure. Il était persuadé que Paul les mènerait quelque part d'inattendu, puisqu'il avait un billet d'avion qu'il n'avait pas utilisé. De plus, il avait changé de voiture... Ce qui amenait à penser qu'il ne voulait pas se faire repérer. Ses yeux n'accrochaient pas le paysage, il était dans ses pensées, et il ne cherchait pas à les arrêter.

Il pensait à Anton. Il aurait aimé qu'il s'en aille. Il pressentait qu'ils s'étaient de nouveau embarqué dans quelque chose d'insensé. Il avait compris qu'il avait peur, qu'il était là avec eux un peu par hasard, et qu'au début il était resté sans vraiment penser à la suite.

Et... il se reprochait aussi de l'avoir mêlé à tout cela. Il pensait encore tout ce qu'il lui avait dit la veille.

Anton, lui, ne pensait à rien. Il voulait faire le vide dans son esprit, ne pas penser à l'endroit dans lequel ils pouvaient bien aller, dans lequel Peter les avait encore traînés. Il avait décidé de rester, mais uniquement pour être un soutien à son ami, et s'il fallait être contre l'enfant pour sauver le médecin, il n'hésiterait pas. Pour le moment, la seule chose à laquelle il pensait était les arbres qui défilaient devant ses yeux, parfois remplacés par une sortie d'autoroute - parce que oui, ils avaient pris l'autoroute, et pour l'instant, ils se dirigeaient vers Paris.

Peter tapait du pied. Il suivait attentivement les directions que prenait la voiture qu'ils filaient. Ils allaient vers le sud. Et plus particulièrement, ils finirent, après deux heures, par entrer sur Paris. Paul conduisit quelques dizaines de minutes dans la capitale, et se gara, là où il trouva de la place.

Alors, Peter se réveilla, signifia au conducteur de s'arrêter, et ouvrit la portière pour sortir. Le conducteur allait protester quand Gérard lui tapota l'épaule, résigné.

"C'est possible de payer en carte ?

-Bien sûr."

Alors qu'il avait pris un air un peu contrarié, l'homme devint soudain très affable en répondant au médecin. Il prit son terminal dans la boite à gant, le configura et le lui tendit.

Pendant qu'il réglait, Anton s'occupait de l'adolescent. Il l'avait pris par le bras pour l'éloigner de Paul, et se mettre dos à lui. L'enfant n'était pas d'accord, il faisait des grands gestes, mais Anton avait la poigne solide, et il paraissait peu patient.

Gérard prit congé, le remercia, et sortit à son tour de la voiture.

Les deux adultes suggérèrent de ne pas se montrer et d'attendre voir ce que faisait leur filé. C'était une rue passante, avec beaucoup d'animation et de bars. Ils entrèrent dans l'un d'eux, s'assirent à une table.

"Eh, mais vous faites quoi ? On n'a pas le temps de boire ou de manger là ! Il s'est arrê...

-Mais tu vas te taire...!"

Anton se contenait. Les voyages en voiture n'étaient pas son fort ; il était rapidement tendu et nauséeux, et, toujours, après de longs voyages, il maîtrisait mal sa diplomatie et son tact. Il avait attrapé Peter, s'était retenu de lui mettre une main sur la bouche mais l'avait assis de force.

"Arrête de nous faire remarquer nom de Dieu ! Si tu veux que ça se passe bien. Tu es au courant pourtant que c'est pas une partie de plaisir."

Il grognait. Un serveur arriva à ce moment-là et Gérard commanda des boissons fraîches pour tous les trois. Ses deux compagnons faisaient la moue, et ne parlaient plus.

"De toute manière, il n'est pas encore sorti de sa voiture, constata le médecin, alors rien ne sert de s'agiter."

Paul semblait avoir attendu cet instant-là pour se pointer. Il sortait de la rue parallèle dans laquelle ils l'avaient laissé et se dirigeait sur le trottoir en face du bar dans lequel ils étaient. Attentifs, les trois amis ne virent pas le serveur revenir avec leurs boissons. Paul entra dans un restaurant.

"Il va y faire quoi ? osa Peter.

-Je ne sais pas... répondit Gérard, intrigué."

Ils restèrent un instant dans le silence sans bouger, le regard toujours vers l'extérieur. Puis, le médecin poussa sa chaise pour se lever.

"Je vous propose que j'aille voir ce qu'il y fait. Peut-être que c'est ici. Ne bougez pas, je reviens."

L'adolescent acquiesça et Anton ne fit aucun geste, pas sûr d'être d'accord avec cette proposition.

Ils suivirent Gérard des yeux tout le long de son trajet. Il traversa la rue, les mains dans les poches et fit mine de n'être qu'un passant devant la grande baie vitrée du restaurant. Mais il tourna les yeux discrètement pour chercher leur cible. Il dut se retenir d'écarquiller les yeux de surprise.

Il le trouva assis à une table, à passer commande à un serveur. Il rentra aussitôt.

"Eh bien, leur dit-il une fois assis de nouveau à leur table, il commande simplement à manger. Je pense qu'on peut faire pareil. Ce voyage m'a creusé !"

Peter avait l'air de ne pas être confiant avec l'affirmation qu'il lui avait faite, mais il ne dit rien, et jetait plutôt quelques coups d'oeil vers le restaurant en face pour être certain de ne pas le rater. Il avait bien fait de se mettre en face de la fenêtre.

Ils prirent un plat rapide. Ils n'auraient pas voulu partir avant même d'être servi. De toute manière, les deux adultes n'en firent qu'une bouchée. La faim s'était vraiment fait sentir et la nausée de Anton avait eu le temps de s'évaporer. Il fallait dire qu'ils étaient partis sans trop manger, et qu'il était déjà presque quinze heures.

Après une bonne heure de repos, à parler de tout et de rien, Peter s'agita sur sa chaise et se leva brusquement.

"Il sort, il sort !

-Peter... dit Anton en serrant les dents. Je t'ai déjà dit de ne pas te faire remarquer. Ca n'aide pas...

-Aller, on s'en va."

Parce que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant