Chapitre 2

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Quand il rouvrit les yeux, il faisait nuit. Il se crut aveugle. Il était relié à une poche de sang. Une machine l'aidait à respirer. Il se crut à l'hôpital. Il se réveilla trop vite. Il voulut se lever pour s'échapper. Mais la main qu'il posa sur le lit ne tint pas. Elle était sans force. Puis, la douleur revint. Puissante et centralisée, elle le fit plier. Il ne pensa plus à fuir. Il était épuisé. il grimaça et retint un gémissement. Il posa ses deux mains sur son ventre. Il ne saignait plus. Il avait été soigné, mais la blessure lui déchirait les entrailles.

Il ferma les yeux, refaisant passer les images des derniers jours dans son esprit, tentant d'oublier la douleur, ou la laissant l'accompagner de ces aventures, lancinante.

Quand il les rouvrit, il n'avait pas bougé. Il était toujours allongé dans ce lit inconnu, relié à cette machine d'hôpital, les intestins en charpie. Mais il avait réussi à oublier un peu la douleur.

Il prit le temps d'observer autour de lui. La chambre ne ressemblait en rien à celle d'un hôpital, avec ses meubles en bois cirés, ses rideaux jaunis, et cette odeur vieillotte. Il sourit en apercevant, accrochée sur l'un des murs, une croix chrétienne. Il croyait comprendre que la dame qui l'avait retrouvé l'avait écouté. Il se détendit encore un peu. Pourvu que ce soit vrai.

Il observa ensuite sa blessure. Elle avait été pansée avec soin, sur son ventre dénudé ; et le bandage ressemblait à celui d'un spécialiste. Le matériel autour de lui aussi, à la réflexion. Il commença à douter. Où était-il vraiment ?

Il tenta de se relever, contrôlant sa douleur, y allant par petits mouvements. Il parvint à se redresser, posant ses coudes sur le matelas. Puis, il se redressa un peu plus et posa une main, puis la deuxième. L'effort était intense et la douleur revenait. Il se mordit la lèvre pour ne pas crier. Il fit une pause et s'adossa à la tête de lit. Il baissa les yeux sur son bandage. Il se teintait de rouge. Il fronça les sourcils, un peu inquiet. Mais finalement secoua la tête et enleva ce qui le reliait à la machine. Il pivota, se retrouvant les jambes pendantes au bord du lit.

Il regarda le sol, pas sûr de savoir tenir debout, mais ça ne l'arrêta pas. Il se laissa glisser le long du lit pour que ses pieds touchent le sol, et s'aida de ses bras tendus sur le lit pour se lever.

"Eh bien. Comment ça va ? Tu as voulu t'échapper ?"

Il ouvrit les yeux péniblement, il sentit tous ces tubes insensibles l'enchaîner de nouveau au lit. Sa blessure se rappela à lui davantage. Sa bouche était sèche.

Au-dessus de lui, il ne voyait que des formes floues qui s'agitaient. Il ne comprenait pas qui c'était, ni ce qu'ils lui voulaient. Pourquoi s'acharnaient-ils ? Il jeta un regard circulaire à la pièce. Elle paraissait être la même.

Ses yeux s'accoutumèrent progressivement. La lumière se fit moins éblouissante. Les formes devinrent des objets. Et les choses qui s'agitaient, des hommes.

Plus précisément, un homme et une femme.

La femme était celle qui l'avait trouvé, il s'en souvenait. Elle était d'âge mûr. Elle fronçait les sourcils. Elle semblait inquiète. Elle lui tenait une main avec une attention de mère. Et ses lèvres remuaient mais aucun son n'en sortait.

L'homme, il ne l'avait jamais vu. Il devait avoir le même âge que la femme. Il s'était tourné vers les appareils, et semblait s'assurer de leur bon fonctionnement. Quand il se rendit compte qu'il le fixait, il dirigea son regard vers le blessé. Il avait un sourire rassurant, et posa une main sur son épaule.

Il prit peur. Il voulut se relever, et s'en aller. Que lui voulait-on à la fin ? Il tenta de se redresser, s'affola et ouvrit la bouche. Mais le médecin le prit par les deux épaules et l'empêcha de faire un mouvement, ferme mais doux.

"Hep, hep. Calme-toi, tu es en sécurité ici. Tu étais en piteux état. J'ai soigné ta blessure au ventre. Si tu arrêtes de bouger et que tu nous fais confiance, tu ne risques plus rien."

L'homme força un sourire pour appuyer ses propos et pour le calmer. Il se faisait dévisager comme un étranger. Sans y prêter grande attention, il ouvrit la bouche, mais il fut interrompu par le malade.

"Il faut que je m'en aille, dit celui-ci en tentant une nouvelle fois de se lever.

-Tu ne peux aller nulle part dans ton état, répondit le médecin d'une voix calme. Il faut plutôt que tu restes allongé pour récupérer.

-Que s'est-il passé ? Tu veux qu'on appelle quelqu'un ? Tu..."

La femme, que la discussion avait animée, déliait sa langue et laissait s'exprimer toute son inquiétude. Voir un enfant dans cet état, fusse-t-il le plus courageux du monde, la peinait énormément, et lui remplissait le coeur de chagrin. D'un geste de la main cependant, son ami lui fit signe de se taire. Elle semblait faire peur à leur protégé. Le médecin reprit la main.

"Tu n'avais pas de papiers sur toi. Est-ce que tu veux bien au moins nous dire comment tu t'appelles ?"

Le blessé avait la désagréable impression qu'on le prenait pour un animal craintif échappé de l'asile. Ou un jeune enfant qui ne mesurait pas bien la gravité de la situation dans laquelle il se trouvait. Cette impression le fit se refermer sur lui-même. Ces personnes avaient beau lui avoir sauvé la vie, il n'en aurait pas eu besoin. Il tenta de nouveau de se relever.

En le voyant, le médecin soupira, mais le laissa faire.

Il se leva sur ses deux mains, sans aucune précaution. Il eut une grimace de douleur et retint un gémissement.

Soudain inquiet, le médecin baissa sa garde, et soupira de nouveau. Il ne pouvait pas le laisser partir comme ça. Il le regarda dans les yeux et lui dit :

"Très bien. Ecoute, on va faire un marché. Tu restes ici, tu te reposes et tu récupères, et pendant ce temps-là on te laisse tranquille, on ne te pose plus de questions. Je ne viendrai que pour contrôler ton état et t'apporter à manger. Marché conclu ?"

Le malade le fixa, encore méfiant, mais son bras lâcha et il se retrouva allongé dans le lit, sans pouvoir faire un mouvement de plus. Il soupira à son tour et hocha la tête, peu satisfait.

Sur ce, le médecin hocha lui aussi la tête, lui souhaita une bonne journée et entraîna son amie avec lui.

"Est-ce que je pourrais... avant... avoir un ordinateur ?"

Cette question les interrompit tous les deux, et la femme répondit par l'affirmative et lui ramena un vieil ordinateur portable, lent mais fonctionnel, ravie de pouvoir aider. Elle l'installa sur les genoux de son protégé, l'aidant à se redresser grâce à quelques coussins entassés derrière lui.

Dès qu'elle fut repartie, il balaya la pièce du regard. Il cherchait quelque chose. Il n'avait plus que son caleçon sur lui. Il espérait que ses hôtes n'avaient pas décidé de mettre ses vêtements à laver. Il y avait dans l'une de ses poches une chose à laquelle il tenait énormément et qu'il n'avait pas envie de partager. Mais il trouva ses vêtements sur une chaise à côté du lit, près de lui.

Il tendit la main jusqu'au tas de vêtements, doucement pour ne pas se faire trop mal et rouvrir sa blessure et éviter d'alerter une nouvelle fois le médecin. Le bout de ses doigts attrapèrent un bout de son jean et il le tira d'un coup sec pour le ramener vers lui, faisant tomber le reste de ses affaires.

Il piocha dans la poche et retrouva ce qu'il y avait laissé.

Parce que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant