Chapitre 26

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"Gérard ? chuchota Anton dans la pénombre de sa porte à demi-ouverte sur la chambre de ses voisins. Tu dors ?"

Un mouvement dans le lit et une silhouette se relevant lui prouva que non.

"Qu'est-ce qu'il y a ? lui répondit son ami, chuchotant aussi.

-Est-ce qu'on peut discuter de quelque chose tous les deux ?

-J'arrive."

Le médecin ne mit pas longtemps à se lever et à avoir l'esprit clair. Il avait l'habitude de se lever tôt ou de rester éveillé très tard la nuit. Il travaillait beaucoup.

Anton l'attendit dans sa chambre où il avait allumé la lumière. Il n'y avait pas de risque qu'il découvre qu'il avait pleuré. Ses yeux n'étaient plus rougis.

"Tu y as pensé à la police ? lui demanda-t-il quand il s'assit sur le lit, à côté de lui.

-Comment ça ?

-Eh bien, on est entré par effraction dans une maison qui, en plus, avait une alarme et qu'on a complètement détruite. Ca n'est pas passé inaperçu, c'est certain. Et tous ces gadgets connectés ont sûrement capté quelque chose aussi. Ils ont certainement plusieurs images de nous. Ce ne sont certainement pas les gants qu'on a mis qui vont les empêcher de nous retrouver."

Son ami sourit, indulgent. Il regarda l'heure à l'horloge.

"Et c'est à trois heures du matin que tu penses à cela ?

-Ce n'est pas drôle Gérard, on joue trop gros là. Je sais que je suis venu avec vous, mais je ne sais pas si je veux continuer. Ca va trop loin. Je ne veux pas perdre la vie que j'ai à cause de ça."

Gérard ne dit rien. Il sentait le stress dans la voix et l'attitude de son ami, il le comprenait parfaitement ; il était dans le même état. Et il était incapable de comprendre les sentiments contradictoires qu'il ressentait vis-à-vis de cette situation. Il tenait à se faire rassurant, à remonter le moral de ses deux acolytes, comme il le fait avec ses stagiaires et les internes à l'hôpital, mais la situation était bien différente. Il ne parvenait plus vraiment à avoir une façade optimiste. Alors il soupira et baissa la tête.

"Je ne sais pas non plus, avoua-t-il. Et je ne sais pas non plus si Peter comprend vraiment toutes les conséquences de nos actes.

-Viens avec moi. On s'en va cette nuit. Si on nous prend, on pourra expliquer qu'on s'est désolidarisé complètement de ses actions, et peut-être que ça passera un peu mieux."

Anton s'était levé, animé, souriant bizarrement.

Gérard, lui, secouait la tête. Il ne partageait pas son enthousiasme. Il ne parvenait pas à choisir. Et il ne parviendrait pas à l'expliquer. Il savait qu'il allait décevoir son ami.

"Non. Je ne le laisse pas comme ça. Toi, vas-y si tu veux, je lui expliquerai, et je serai toujours de tout coeur avec toi, mais je ne veux pas l'abandonner. Je ne peux pas l'expliquer Anton, ajouta-t-il en le voyant ouvrir la bouche pour parler, ou seulement par ce que je t'ai dit chez moi. Je me suis attaché à lui, et je m'intéresse beaucoup à son sort. C'est complètement illégal et trop risqué ce que l'on fait, mais je tiens à rester avec lui.

-Quand bien même, c'est un monstre... Et il a très bien vécu sans toi avant de te connaître. Ne te fais pas avoir par je ne sais quoi que tu as vu en lui. Il n'est pas elle. Il a failli te tuer je te rappelle."

Gérard était contrarié qu'il le ramène souvent à cette histoire. Tout ce qu'il disait était vrai, mais parfois il y a des actions qui sont faites sous le coups de la folie, sans écouter sa raison. Et c'en était une. Le médecin, pour une fois, avait décidé d'être têtu et de garder son cap, de tenir tête à son ami.

Il comprenait parfaitement qu'il stressait, c'était pour cela qu'il ne le retiendrait pas. Il était vrai qu'aucun d'eux ne connaissait l'enfant. Il n'avait aucune raison de s'accrocher à cette enquête ridicule.

"Va-t'en si tu en ressens le besoin. Moi je reste, et je continue.

-Alors tu te sacrifierais pour sauver un gosse que tu ne connais pas..."

Gérard hocha la tête, résolu.

"Gérard... Ecoute..."

Les larmes recommençaient à couler sur les joues de son ami. Il tremblait. Mais il aurait aimé que personne ne le voit.

"Je ne veux pas partir sans toi. Je ne veux pas te laisser avec ce fou. Qui sait ce qu'il pourrait te faire, ou même te faire faire. Tu as l'air si naïf avec lui. Tu adhères à tout ce qu'il propose. Je ne comprends pas le fanatisme que tu as avec lui. Il suffirait d'appeler un hôpital psychiatrique si tu veux qu'on s'occupe de lui, puis de signaler l'enlèvement de son ami à la police. Et là, tu ne risques la vie de personne. Peu importe ce qu'il a pu nous dire, ou ce qu'il a pu te convaincre de faire. Avec ses belles paroles... Ce n'est pas parce qu'il a quinze ans qu'il est forcément innocent... Regarde ce qu'il s'est fait pour nous montrer son... don. Il sait ce qu'il fait. Es-tu réellement sûr qu'il ne monte pas ça de toutes pièces et qu'il ne nous emmène pas dans un guet-apens ? Hein, comment tu peux le savoir ça ? et toi tu le suis les yeux fermés. Et tu n'as prévenu personne de ton entourage.

-Anton, je ne crois pas qu'il soit en train de fabriquer un coup monté...

-Tu vois ! Il t'a ensorcelé !

-On a trouvé beaucoup de preuves de ce qu'il cherche. Tu les as vues toi aussi."

Anton soupira, il avait de grands gestes d'humeur en tournant dans la pièce. Il continuait de pleurer, il ne parvenait pas à se calmer. Le médecin sentait qu'il voulait répliquer, il savait qu'il pensait à une pièce de théâtre que joueraient tous les protagonistes qu'ils avaient croisé. Mais Gérard ne démordrait pas de sa décision, et Anton le savait.

Le médecin se sentait un peu coupable de le voir dans cet état. Après tout, c'était lui qui l'avait appelé pour lui parler de cette situation et de cet enfant. Il se leva du lit et s'approcha de lui pour poser une main réconfortante sur son épaule.

"Anton, tu peux rentrer chez toi si tu en ressens le besoin. Vraiment. Je saurai me débrouiller. Je pourrais t'informer de ce que l'on fait, si tu y tiens.

-Non. Non, articula-t-il des gouttes salées sur les lèvres, le visage congestionné de panique, je reste, mais je te préviens que quoi qu'il arrive, je te tiendrai pour responsable. Toute ma vie."

Gérard avait le coeur déchiré. Il aurait aimé se terrer dans un coin pour se faire oublier, et faire oublier le mal qu'il avait fait et qu'il continuait de faire. Il ne répondit pas et prit plutôt son ami dans ses bras.

"Ma femme..., dit seulement ce dernier qui avait son image dans la tête depuis le début."

Le médecin ne parvint pas non plus à retenir ses larmes. Il serra Anton un peu plus fort contre lui.

Ils restèrent un instant ainsi, sans échanger un mot, se comprenant malgré tout.

Quand ils furent tous les deux calmés, ils s'écartèrent l'un de l'autre, et Gérard, avant de retourner dans sa chambre, dit à son ami :

"Joyeux Noël. Tu diras à ta femme que je pense à elle en ce beau jour ?"

Il ne reçut aucune réponse, et la tête baissée, le médecin quitta la pièce.

Parce que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant